«Le progrès se fait à la pointe extrême du singulier »
notait, dans son célèbre roman Rien en vue, l'écrivain allemand Jens Rehn. Dans l'histoire de l'humanité, à chaque fois, c'est
un individu seul qui s'est levé, c'est une voix solitaire qui s'est exprimée,
et qui a fait avancer les choses. Mais cette voix est singulière d'abord parce
qu'elle est unique et ne ressemble à aucune autre. Les savants, les
philosophes, les artistes, les leaders de toutes sortes sont l'incarnation de
cette spécificité extrême et subversive, qui invente chaque jour les rêves
nouveaux qui vont être appropriés par la suite par le plus grand nombre et
constituer les nouveaux paradigmes des sociétés. Néanmoins, cette « pointe
extrême du singulier » dont parle l'auteur allemand peut être nocive et mener à
la ruine lorsqu'elle se trompe. Car « cheminer là où il n'y a pas de chemin »
(dixit le poète espagnol Antonio Machado) peut ouvrir des brèches dans le vieux
monde et tracer des voies inédites vers l'avenir, mais cela peut aussi,
parfois, conduire à l'impasse.