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La Grèce, dix ans plus tard

par Akram Belkaïd, Paris

Janvier 2010. Le Premier ministre grec de l’époque, Georges Papandréou, reconnaît officiellement que les caisses du pays sont vides. Très vite, la Grèce s’enfonce dans l’une des plus violentes crises économiques que l’Europe ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le séisme est d’une telle ampleur que la zone euro tangue, des économistes n’hésitant pas à prédire l’implosion de cette zone monétaire et la disparition de l’euro. Les Européens refusent de «payer pour la Grèce» qui est alors quasiment placée sous tutelle de la «Troïka» : la Banque centrale européenne (BCE), la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI). Ces trois acteurs dictent leur loi à Athènes qui doit réformer dans l’urgence et tailler dans les dépenses et les effectifs publics. La suite est connue. Une plongée dans les abîmes de la pauvreté pour la population, la montée en puissance de l’extrême-droite et une incertitude politique qui prévaut à ce jour.

Un mieux ?

Après dix ans d’austérité et de sacrifices, où en est donc la Grèce ? Les avis sont partagés. Nombreux sont ceux qui célèbrent une «renaissance». Pour eux, la thérapie de choc imposée par la Troïka aurait porté ses fruits. Certains indicateurs macro-économiques plaident en ce sens. Les exportations sont en hausse, dépassant le seuil des 60 milliards d’euros. Le tourisme, qui contribue à 30% du produit intérieur brut (PIB), se porte bien malgré le coup dur constitué par la récente faillite du voyagiste Thomas Cook. Et la croissance de ce même PIB est prévue à 2% pour l’année à venir. Enfin, Athènes tient bon ses engagements et continue de dégager un excédent budgétaire supérieur à 3,5% du PIB comme elle y est tenue jusqu’en 2022.

Signe des temps, la Grèce confirme son retour sur les marchés internationaux. Après deux emprunts réalisés en 2019, c’est un montant de 4 à 8 milliards d’euros que les autorités d’Athènes entendent lever cette année. L’objectif pour elles est de profiter des taux faibles et d’une amélioration, certes modeste, de la notation du pays. Il y a peu, l’agence Fitch a relevé son rating de la Grèce de BB- à BB et dans les prochains jours, l’agence grecque de la dette devrait lever 2 à 2,5 milliards d’euros à un taux d’intérêt de 2% pour une échéance à 15 ans. Pour résumer le message des optimistes, la preuve que la Grèce va mieux est qu’elle peut s’endetter dans des conditions comparables à celles imposées à un pays comme l’Italie.

Inquiétudes

Bien entendu, il y a une autre manière de voir les choses. Croissance ou pas, un tiers de la population vit encore dans la pauvreté. Le chômage a certes baissé, passant de 24% à 17% de la population active mais les salaires sont en moyenne inférieurs de 35% par rapport à leur niveau de 2009 et cela vaut aussi pour les retraites qui ont toutes été amputées. La dette du pays demeure élevée (177% du PIB à 335 milliards d’euros) et des prévisions avancent qu’il faudra au moins trois décennies pour que la Grèce assainisse complètement ses finances. Le FMI est moins pessimiste mais reconnaît que c’est à l’horizon 2030 que les choses devraient commencer à s’améliorer. En attendant, et c’est certainement l’une des conséquences majeures de la crise de 2010 et du défaut de solidarité des Européens, notamment de l’Allemagne, la Grèce est désormais un point d’entrée de la Chine au sein de l’Union européenne (UE). Sur les 4 milliards d’euros d’investissements réalisés sur le territoire grec en 2018, plus du quart proviennent de Chine. Déjà, les observateurs se demandent si Athènes aura la possibilité de refuser la technologie chinoise de la 5G quand d’autres pays européens se préparent à annoncer leur refus.