Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Guerre commerciale entre Pékin et Washington : fin de l’acte un

par Akram Belkaïd, Paris

«Historique». C’est le qualificatif employé sans retenue par nombre de commentateurs à propos de la signature, la semaine dernière, de la première phase d’un accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine. La semaine dernière, Pékin et Washington ont ainsi conclu un premier «deal» censé mettre fin au bras de fer qui empoisonne les relations bilatérales depuis l’élection, en novembre 2016, de Donald Trump à la présidence étasunienne. Pour mémoire, c’est surtout en 2018 que l’affrontement a atteint son paroxysme, l’administration Trump décidant d’imposer des sanctions unilatérales, le plus souvent sous forme d’augmentation de droits de douane sur les produits chinois importés.

Achats supplémentaires

Dans le détail, l’accord entrera en vigueur à la fin du mois de février. La Chine s’engage à acheter 200 milliards de dollars de produits américains supplémentaires d’ici 2022. Cela répond à une exigence répétée de Donald Trump qui n’a eu de cesse de dénoncer le déséquilibre commercial entre les deux pays. Les autres dispositions de l’accord sont plus vagues et concernent la protection intellectuelle, les brevets et les conditions dans lesquelles la technologie américaine peut être transférée en Chine. Avec cet accord, Donald Trump, par ailleurs confronté à un procès en empêchement au Congrès, obtient une victoire et, donc, un argument électoral solide en vue de l’élection présidentielle de novembre prochain. Pour le reste, rien n’est réglé. En effet, la bataille commerciale n’est pas terminée. Washington a même indiqué maintenir les taxes punitives qui concernent un montant d’importations de 370 milliards de dollars de produits chinois. Pour les supprimer, Donald Trump exige un second accord. Autant dire que tout reste possible, y compris la fin des discussions et un retour à la case départ.

Pour Pékin, la signature du premier accord fait figure à la fois de concession majeure mais aussi de défaite symbolique face aux exigences américaines. Il n’est pas dit que cette ouverture aille plus loin. En tous les cas, la proximité d’une élection présidentielle aux Etats-Unis et le procès pour empêchement laissent entrevoir la possibilité, même infime, d’une non-réélection de Donald Trump. La Chine a donc intérêt à attendre l’année prochaine avant d’accepter de nouvelles concessions qui supprimeraient les taxes actuelles. En face, le président américain a besoin de «victoires» pour convaincre son électorat qu’il tient ses promesses et il est fort à parier qu’il va maintenir la pression en ce sens.

L’Europe s’inquiète

Dans les semaines qui suivent, il faudra aussi garder l’œil sur la réaction de l’Union européenne (UE) concernant cet accord. En effet, les Européens craignent des distorsions commerciales du fait que les Chinois se sont engagés à acheter plus de produits américains. Si tel est le cas, Bruxelles a averti que des poursuites seront engagées au niveau de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’affaire est loin d’être négligeable. Il est évident que les Chinois devront faire des arbitrages en matière de répartition des achats à l’étranger et l’Europe risque fort d’être lésée y compris pour ce qui concerne les dispositions relatives à la protection des investissements où, là aussi, les Américains viennent d’obtenir des avantages. En clair, le feuilleton du bras de fer commercial sino-américain est loin d’être terminé.