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Wall Street aime le risque

par Akram Belkaïd, Paris

La psychologie et le fonctionnement des marchés financiers, notamment ceux d’actions, méritent parfois que l’on s’y attarde car ils semblent défier toute logique ou, du moins, avoir leurs propres règles. Une très récente étude de la Société générale vient d’annoncer qu’aux Etats-Unis, quatre entreprises cotées en Bourse sur dix ne sont pas profitables, c’est-à-dire qu’elles ne dégagent pas de bénéfices. Quarante pour cent, c’est une proportion importante qui n’avait pas été atteinte depuis la fin des années 1990 à Wall Street.

Valeurs technologiques

A l’époque, nombre d’entreprises inscrites en Bourse appartenaient aux secteurs technologiques naissants dont celui des valeurs Internet. C’est encore la même situation aujourd’hui. Nombre de jeunes pousses ne peuvent pas encore faire des profits. D’autres, plus dynamiques et déjà rentables, ont une règle fondamentale pour assurer leur avenir : elles réinvestissent le moindre dollar gagné. C’est ainsi qu’elles financent leur recherche et développement et qu’elles testent de nouvelles technologies. A cet égard, les sociétés biotechnologiques sont aussi concernées.

On objectera que ces entreprises ont des actionnaires. Au-delà des fondateurs qui, eux, ont intérêt à développer leurs sociétés et estiment normal de réinvestir les profits, quelle peut être la motivation d’un investisseur ayant acquis ces actions ? En effet, si l’entreprise ne dégage pas de bénéfices, il ne recevra pas de dividendes, la rémunération des actionnaires. En réalité, acheter ce type d’actions équivaut à faire un double pari. Le premier consiste à regarder surtout la valorisation boursière de l’entreprise. Qu’importe si elle ne distribue pas de dividendes, ce qui est fondamental, c’est que la valeur de son action augmente. Et elle ne peut augmenter que si la société s’avère prometteuse avec des perspectives de nouveaux produits et de nouvelles technologies.

L’autre pari est que l’entreprise finisse par se normaliser, qu’elle devienne un poids lourd de son secteur et qu’elle bascule vers un fonctionnement plus classique avec réalisation de profits et paiement de dividendes. Les premiers investisseurs qui crurent en Apple, Google ou Amazon ont eu ce genre de raisonnement. Aujourd’hui encore, la moindre jeune pousse a tout intérêt à laisser entendre qu’elle est le train qu’il faut prendre pour ne pas rater la bonne occasion du futur. Mais rien n’est jamais simple : des valeurs technologiques, il en existe des milliers. C’est le cas, par exemple, de toutes les sociétés qui développent des produits liés à l’intelligence artificielle. Qui en sera le champion de demain ? La réponse est à plusieurs millions de dollars.

Période de confiance

Quoi qu’il en soit, la statistique rapportée par la Société générale nous indique aussi que les marchés sont confiants et que la conjoncture géopolitique ne pèse guère sur eux. Quarante pour cent d’entreprises cotées en Bourse non profitables, cela veut dire une part importante de prises de risque et, donc, de paris positifs sur l’avenir. Il est vrai que les marchés sont orientés à la hausse et que rien ne semble ébranler l’optimisme de Wall Street. Reste à savoir si tout cela va durer.