Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Quelle nature juridique pour la future constitution ? Parlementaire ou plébiscitaire ? (1ère partie)

par Mohamed Belhoucine*

«Quand le souverain est élu par le peuple, la confiance du peuple se rassemble sur une seule personne, tandis qu'elle se divise dans le parlement entre plusieurs centaines de députés, et qu'on ne peut plus guère parler, en raison du scrutin proportionnel et des candidatures de liste, de rapport de confiance personnelle pour la plupart de députés.» Théodor Mommsen (1817- 1903), Histoire du droit public romain.

Notre vie politique ne baigne pas dans une nature réglée et bien huilée car nous sommes tributaires de la crise de la représentation dans le monde qui se trouve dans la même impasse que son soubassement la démocratie libérale, toutes les deux demeurent inféodées et constitutives au capital. Les partis métapolitiques à l'origine de cette fausse représentation, dans les démocraties dites libérales, n'ont pas réussi à diffuser des pensées politiques sans compromis comme alternatives à l'ordre néolibéral ; Ces idées politiques doivent s'enchâsser et s'incruster de façon hégémonique à travers les luttes dans le sens commun de l'esprit des classes qu'ils sont censés bâtir. Ce sont ces identités collectives par un passage obligé, qui doivent se transformer en identités politiques. Sur la base de ce constat qualitatif, dans notre pays, pour l'instant, tout compromis s'avèrera dilatoire pour un pacte constitutionnel qui présuppose un contrat entre l'Etat et la société civile. De ce fait il s'agira en priorité de préserver et de défendre l'Etat contre l'anarchie. Il est utile de rappeler à titre pédagogique que la doctrine constitutionnelle oscille entre 3 définitions.

La première définition est formelle, se limite à consacrer une norme juridique suprême et fondamentale d'où découlent toutes les autres normes selon un sens logico-juridique, ce paradigme sera adopté par tout le courant de juristes-philosophes qui va de l'allemand Georg Jellinek à l'autrichien Hans Kelsen, pour eux la constitution est une «règle de droit» qui doit régir les comportements étatiques, ainsi la constitution se borne à organiser juridiquement les rapports entre les pouvoirs publics entre eux et entre ceux-ci et les individus, pour que l'Etat puisse acquérir une personnalité juridique et devient capable de volonté et d'action. Cette tradition normative identifie donc le texte constitutionnel et la constitution. «Ces règles de droit désignent les organes supérieurs de l'Etat, fixent leur mode de création, leurs rapports réciproques et domaines d'action ainsi que la condition des individus vis-à-vis de la puissance public.» ( Georg Jellinek).

La deuxième définition est une définition matérielle-organiciste (organisation des pouvoirs publics), la constitution est davantage une description de ce qui existe déjà (Sein) qu'une prescription de ce qui doit exister (Solen). Elle est le reflet ce que veut le peuple, des sentiments réels des citoyens et non pas le commandement de ce que devraient être leurs désirs. En d'autres termes, elle est considérée comme spécifique à un peuple dont elle doit refléter l'esprit. La critique de l'universalisme rationaliste et anhistorique marque ici la filiation avec la pensée organiciste. C'est toute cette tradition organiciste qui va du philosophe allemand Hegel jusqu'au au juriste-philosophe allemand Rudolf Smend «Chaque peuple a... la constitution qu'il lui est adéquate et qui lui convient.» Hegel (Philosophie du droit, paragraphe 274, edit Vrin 2004). La constitution est donc moins une règle (ou une somme de règles) de limitation des gouvernants que l'expression d'une harmonie entre l'Etat et les membres de la communauté politique. Ainsi, le plus fidèle soutien d'une Constitution ainsi entendue réside non pas dans les dispositions juridiques impératives qui ordonnent son respect, mais dans l'attachement patriotique des citoyens.

La troisième définition est celle de la constitution comme loi politique, qui privilégie les lois politiques sur les normes juridiques qu'appréhende la constitution comme loi de vie politique globale d'un Etat. C'est encore une fois Hegel qui est l'initiateur de cette tradition dont la notion de constitution équivaut à la structure politico-sociale telle qu'elle est incarnée par l'Etat : «La constitution du peuple constitue avec sa religion, son art et sa philosophie, ou tout au moins, avec ses représentations et ses pensées, sa culture générale...une seule substance, un seul esprit.» Hegel, leçon de la philosophie de l'Histoire, P.51, édit Vrin. Hegel dans son ouvrage sur les principes de la philosophie du droit edit. Vrin, p.56, sera plus incisif : «La constitution d'un peuple donnée dépend en principe de la manière d'être et de degré de formation intellectuelle et morale de la conscience de soi de ce peuple ; c'est dans la conscience de soi que réside la liberté subjective (de ce peuple) et, avec elle, la réalité de la constitution.». Aussi Georg Jellninek à la fin de sa vie, du courant normatif, se ravisera et écrira que «Les règles de droit sont impuissantes à maitriser effectivement la distribution du pouvoir au sein de l'Etat....les forces politiques réelles fonctionnent selon leurs propres lois, qui agissent indépendamment des formes juridiques.».

Bref la constitution traitant de la liberté du peuple et non des individus, inclut tout ce qui touche à la politique. Ferdinant Lassale lui donne une définition proto-marxiste : «Le contenu de la constitution est déterminée par les rapports réels des forces existantes dans une société.».La constitution déborde donc largement le texte constitutionnel puisqu'elle saisit la société dans sa triple dimension historique, économique et sociale. La constitution comme loi politique est considérée comme supérieure à la constitution comme norme juridique (ex : droit de dissolution ou du référendum).

La constitution-norme doit réussir le test de l'effectivité (la réalité politique) qui suppose une confrontation avec la «réalité» politique. Toute révolution suspend l'ordre juridique existant, fait basculer la société dans le vide légal, même si elle s'avère productrice d'un droit nouveau, plus conforme à la liberté mais qui ne vient pas avec les moyens de droit. «Les forces politiques réelles ou la révolution, fonctionnent selon leurs propres lois, agissent indépendamment des formes juridiques» Jellinek op.cité.

Le point de césure qui sépare Hegel et le grand philosophe juriste allemand C.Schmitt est le suivant : Hegel voit dans la société civile, un ordre social, certes imparfait mais réel, Schmitt ne voit qu'anarchie et état de nature. La matière du droit est la réalité politique. Il est clair pour Hegel que ce n'est pas d'une révolution qu'il attend un progrès politique. Une initiative venant d' «en bas» avec ses mouvements de masses «irrationnels» et «sauvages» lui fait peur et, sur le plan politique, il n'en attend rien de bon et la perspective même du suffrage universel ne l'enthousiasme guère car pour lui les affaires communes sont en effet avant tout l'affaire de ceux «qui savent», et non du peuple ignorant, toujours susceptible de se transformer en masse incontrôlée et menaçante. Et était d'avis qu'un sujet ne sera responsable que s'il est épanoui culturellement et matériellement. Cette sensible distinction va permettre à Schmitt de réclamer un Etat fort qui serait seul capable de contrecarrer le pluralisme des forces sociales de la société civile. Pour Schmitt la matrice du droit est la réalité politique. Dans beaucoup de cas, le droit et la politique divergent. La politique, en son point culminant -l'évènement révolutionnaire du 22 février 2019 -, s'affirme au-delà de tout fondement moral ; la révolution, précisément comme évènement, bouleverse la conception d'un temps historique homogène, linéairement orienté vers le progrès. Certes c'est un saut périlleux et risqué d'une transition de l'ordre juridique ancien vers un nouvel ordre juridique. C'est ce qui va nous permettre d'examiner quelques points saillants prioritaires, non exhaustifs, qu'il faut porter à débat sur la future constitution.

1- La société civile ne saurait être pensée à travers les seules catégories juridiques. Il faut réhabiliter et se ressourcer à la philosophie politique et la faire confronter au social et à la politique, aux contradictions qui conditionnent celle-ci et tendent constamment à la déborder. Prévoir une place de choix à la dimension sociale accompagnant chaque évènement révolutionnaire.   

2- Les causes de la misère sont objectives, elles relèvent des contradictions immanentes au fonctionnement de la société capitaliste. «Ces contradictions ne deviennent politiques que si elles sont subjectivées hégémoniquement et viennent tout droit de l'ontologie statique et dynamique des populations. La subjectivisation est confrontée au matériel et est valorisée par des flux coopératifs dans lesquels les corps et leur concaténation, les muscles, les affects, les larmes, le sang, la sueur, les codes, les images, les moyens cognitifs etc. sont subsumés dans le processus matériel de la lutte pour la survie dans le monde capitaliste.» David Harvey, Géographie de la domination p.118, édit. Les prairies ordinaires.

Nos partis métapolitiques n'ont jamais su construire une lutte de classes et son corollaire une classe sociale pour lutter, faute d'une économie du commun. Leur culture est populiste, pleine de compassion pour les ?'pauvres''. Je pense que la commisération est la chose la plus contraire à l'esprit de lutte des réels partis progressistes non démagogiques et non populistes.

3- Les pauvres, contrairement au postulat essentiel des libéraux et des religieux médiévaux, ne sont pas responsables de leur sort; la lutte contre la pauvreté ne saurait dépendre de la contingence et de l'arbitraire des vertus individuelles : il faut du droit et des institutions. Evidemment sans nier l'utilité de l'assistance offerte par les riches particuliers, la solidarité sociale et à plus grande échelle la solidarité nationale accompagnée par la mise en place d'une réelle politique fiscale distributive de l'Etat.

4- Hegel dans le chapitre III de la dernière partie des Leçons sur la philosophie de l'histoire (Edit Vrin 2004) va jusqu'à défendre le «droit de détresse» (Notrecht), le droit de celui qui est dépossédé et dont la survie même est menacée. Il précise bien : il s'agit d'un droit et non pas d'une concession gracieuse, du résultat d'un acte de charité, et ce droit vient limiter le droit de propriété au nom du droit supérieur de la vie. Le caractère inconditionné de la propriété et de sa jouissance, est ainsi démoli par la philosophie.

5- Ce droit de détresse révèle la finitude du droit, son incapacité à établir les conditions concrètes de l'accession à la personnalité et à la propriété dans le cadre de la société existante. C'est l'indépassable aporie du droit, l'aveu du caractère inconciliable de l'antagonisme au sein de la société capitaliste dans son ensemble. La propriété n'est que la forme d'une «existence limitée de la liberté», et sa violation est justifiée face à la «violation infinie de l'être» et à « l'absence totale de droit que représentent le dénuement et la faim prélude à toute révolution» (Hegel, La constitution de l'Allemagne 1800-1802, édit. Champ libre, 1974).

6- A ce droit de détresse vient s'ajouter la «garantie des subsistances du bien-être individuel comme un droit» y compris au moyen de «règlementations» et de «détaxations des denrées de premières nécessités.»

7- Même l'esprit destructeur, antisocial, antiétatique, de la plèbe, sa perte du sens de l'honneur, son refus de travailler, sa bigoterie et son hypocrisie religieuse sont le produit de circonstances objectives, de contradictions insurmontables dans le désordre capitaliste, l'ordre néo-libéral et dans la limite de l'ordre des choses existant.

8- Impossible de créer un espace de liberté si on fait abstraction de l'économie qui ne saurait être dissociée de la politique. «Le droit à l'existence est la seule propriété restant aux impropriétaires» (Benjamin Constant, Fragment d'un ouvrage abandonné sur la possibilité d'une constitution républicaine dans un grand pays. Edit établie par H.Grange, 1991).

9- A la lecture de la Constitution actuelle qui a pour socle de base un compromis politico-social : la reconnaissance de la légitimité de la propriété individuelle (doit-être strictement cantonnée qu'aux petits moyens de production) et celle de l'expropriation étatique au nom du «bien public». Il faut convenir qu'il faut distinguer et différentier la grande propriété des moyens de productions et la possession des moyens de subsistances nécessaires à la vie, notamment la résidence principale, les petits commerces, les petites manufactures familiales, les petits domaines agricoles, etc..

10- Dans la partie de notre Constitution que j'interprète comme les «droits et devoirs fondamentaux des Algériens» (réel sanctuaire du peuple algérien) : comment peut-on juxtaposer les principes opposés au libéralisme et au socialisme (la nature de la propriété n'est pas mentionnée, s'agit-il des petits moyens ou les grands moyens de production ?), (la liberté est une chimère si le peuple ne sera pas l'unique propriétaire des grands moyens de productions disponibles).

L'œuvre constitutionnelle doit épouser parfaitement notre histoire politique et en arrière-fond notre incontournable substrat théologico-coranique. Mohamed Shahrour nous le confirme dans son exégèse révolutionnaire, Le livre et le Coran édit.en Arabe, «Il est possible de séparer l'Etat de la religion mais il n'est pas possible de séparer la religion de la société». Beaucoup de nos historiens-philosophes dont le meilleur et le plus brillant d'entre eux, le regretté Abou El Kacem Saadallah, polyglotte (originaire de Guemar, W. El Oued), à qui je rends hommage, ont toujours lutté et dénoncé ce mouvement intellectuel qui place l'individu au centre du monde qui n'est plus Dieu. Dieu doit être le centre absolu. La foi et la crainte de Dieu, davantage que la connaissance. Alors quelles seront les modalités d'applications de ces principes sur qui nous tenteront d'apporter quelques clarifications? D'abord un principe de base, l'histoire obéit à la dialectique entre l'ami et l'ennemi. Cette méthode détermine une écriture de la constitution obéissant à une interprétation polémique des notions dont le principe est le suivant : tous les concepts des constitutionnalistes, notion et vocables politiques visent un antagonisme concret. Des mots tels que Etat, république, société, classe, souveraineté, Etat de droit, dictature, révolution, plan, Etat neutre ou total, etc., sont inintelligibles si l'on ignore qui, concrètement, est censé être atteint, combattu, contesté et réfuté au moyen de ces qualificatifs. Nous analyserons les notions constitutionnelles par la méthode historique, philosophique, juridique et politique c'est moins pour découvrir l'esprit du peuple - nos valeurs, nos signes et symboles arabo-musulmans irréfragables (Charte d'Alger 1964) -que pour examiner les effets de la lutte politique sur le destin des institutions juridiques. Des concepts inséparables de notre doctrine nationale. De là découle tout une construction intellectuelle dont les deux piliers sont la hiérarchisation et la distinction des concepts. La hiérarchisation se manifeste par la faculté de distinguer l'essentiel de l'accidentel, et la distinction présuppose l'existence d'un critérium contenu dans la définition. Nous devrons rappeler succinctement que notre pays a connu quatre grandes phases distinctes politico-constitutionnelles.

A- Une phase hyper dirigiste présidentialiste, avec une constitution adoptée le 10 septembre 1963, menée successivement par Ben Bella et Boumediene (1962-1978), dite phase de stabilité et de calme politique post indépendance mais accompagnée par la destruction de l'agriculture et la mise en place d'un capitalisme d'Etat (loin du socialisme) sans horizon, en prenant pour modèle de développement l'idée des industries industrialisantes, prônée par Destanne de Bernis, qui n'a jamais été expérimentée par ailleurs dans le monde. L'Algérie est devenue ainsi un champ d'expérimentation des laboratoires des charlatans universitaires français. Il faut reconnaitre que Ben Bella et Boumediene était deux dirigeants pionniers sans expérience, mais incontestablement de véritables ascètes, sincères et intègres.

B- La deuxième phase (1979-1988) dite phase molle, un président fainéant (Chadli Benjedid), épicurien et inculte, gouvernait à mi-temps et laisser le temps faire; le pouvoir était essentiellement concentré entre les mains des principales figures du régime de l'époque, avec un parlement d'apparat sans éclat exclusivement constitué de membres et des apparatchiks du parti unique FLN, reposant sur une constitution largement insuffisante et incomplète.

C- La troisième phase c'est la période de troubles (1988-1999), le régime va adopter les politiques néolibérales de privatisation post 1989 qui avaient le vent en poupe à l'époque. Tout le tissu du secteur étatique fût démantelé au lieu d'être redressé par de fortes et profondes réformes pour le préserver afin de pouvoir transférer la propriété, c'est-à-dire les moyens de production, aux travailleurs, seule voie qui aurait pu mener à la mise en place du véritable socialisme post Boumediene. Toute opposition populaire, syndicale et managériale à cette nouvelle politique néolibérale et de privatisation tous azimuts sera neutralisée par l'incarcération de plusieurs milliers de dirigeants d'entreprises publiques et de leaders syndicaux, majoritairement sur la base de dossiers vides et beaucoup mourront en prison. Pour déposséder le peuple des acquis des premiers pas balbutiants du socialisme, il fallait de la sorte juguler toute velléité de révolte populaire en entretenant la peur. Sur ce registre, le régime va administrer une stratégie du choc en instrumentalisant le terrorisme pour détruire la personnalité du sujet algérien et obtenir une page blanche sur laquelle on pourrait écrire une nouvelle personnalité (Naomi Klein, Stratégie du Choc, Edit. Actes Sud, 2007)). Une fois le tissu industriel socialiste disloqué, le régime va créer ex nihilo de nouveaux oligarques qui vont prendre d'assaut non seulement le secteur économique mais seront parties prenantes dans les décisions politiques !           

D- La quatrième phase (avril 1999- 22 février 2019) donnera naissance et le coup d'envoi à la massification dans tous les organes du pouvoir d'une corruption structurelle et l'amorce rapide d'une déliquescence généralisée de l'Etat algérien avec l'émergence d'une nouvelle race d'oligarques créés ex nihilo par le clan présidentiel. Bouteflika ne pouvait échapper à sa boulimie de revanche de sape et de désintégration du pays, rien ne fût épargné: les institutions, l'économie, nos ressources, Sonatrach, nos valeurs, l'école, la langue arabe, notre diplomatie, etc. Seule notre armée telle une citadelle et rempart imprenables a résisté aux escobarderies de Bouteflika. Bouteflika a su instaurer une véritable dictature présidentialiste inauthentique au moyen d'une constitution illégalement bricolée et tricotée, sans cesse, aux fins de ses desseins avec un parlement corrompu et complice totalement sous sa coupe. Le président Bouteflika un liseur de discours qui relève de la psychanalyse, aimait s'entendre, tel un Bentham, sans offrir aucune stratégie de développement au pays, a réussi à dilapider 1300 milliards de dollars sans aucun retour ni impact significatifs sur notre économie nationale. Un montant astronomique extrait de nos ressources naturelles non renouvelables.

Les 04 phases de cette chronologie politico-constitutionnelle renforceront notre conviction à plaider pour la prise en compte de 5 invariants dans la rédaction de la nouvelle constitution algérienne :

1- Le refus de se soumettre aux concepts de la démocratie occidentale («justice», «équité», «souveraineté», «peuple en danger», «démocratie», «parlementarisme», «personnalité juridique», «la paix», «guerre juste», «assistance à peuple en danger»,», «terrorisme», etc... n'ont pas de réalité propre, cachent des intérêts impérialistes concrets, pudiquement masquées derrières de lénitives façades universalistes).

2- S'insurger au nom du nationalisme et de l'ampleur des sacrifices consentis par le don des vies de plus de 1,5 millions de nos martyrs pour libérer notre pays du joug du féroce et violent colonialisme français en dénonçant la suprématie du droit international par rapport à notre droit interne (voir mon papier sur le Quotidien d'Oran du 21 octobre 2019, Une souveraineté nationale diminuée).

3- Le caractère irréfragable et non négociable de notre héritage arabo-musulman (Charte d'Alger, 1964), jalon principal de notre Amne El Kaoumi civilisationnel, incrusté dans nos structures mentales, notre esprit, notre substance et sentiment national de l'Algérie toute entière.

4- L'Algérie est une République Arabe et Musulmane Démocratique et Populaire, fondée sur le travail. Le travail libéré, le travail vivant, comme force révolutionnaire, n'est pas seulement une marchandise mais aussi une puissance.

5- Le capital ne peut exister ni prospérer s'il ne se nourrissait pas de la force du travail vivant.

Il faut soumettre à débat un autre fait, les rapports entre les instances politiques et administratives qui se reflètent dans la distinction entre la loi et le règlement administratif, doivent-ils traduire l'autonomie du pouvoir administratif ? La distinction entre les deux normes est basée sur une base matérielle : la loi est nécessaire dans les hypothèses où il est porté atteinte à la liberté et à la propriété des petits moyens de production et non les grands moyens de production, des individus, tandis que le règlement est libre de régir le fonctionnement interne de l'Etat et les autres cas où l'administration entre en contact avec les administrés. Cette séparation matérielle accorde en fait une large manœuvre à l'Administration qui bénéficie en quelque sorte d'une compétence de principe, tandis que le pouvoir législatif jouit seulement d'une compétence d'exception. C'est l'illustration d'un rapport de force politique jouant en faveur de l'administration et de son support social, les fonctionnaires.

[A titre d'école, voir les pratiques de l'administration française et les usines à gaz judicaires européennes que sont la CEDH et la CJE, les dernières statistiques en France démontrent que 90% des conclusions qui mobilisent l'appareil judiciaire d'Etat français et européen, dissimulent la vérité et préservent l'administration, celle-ci entre les mains de l'élite de fonctionnaires où seuls le carriérisme et le corporatisme prévalent et dont les intérêts ne se recoupent pas nécessairement avec ceux des administrés. Le rapport de force politique joue presque systématiquement en faveur de l'administration française et européenne via la complicité totale des tribunaux qui ne remplissent pas leur office, ni ne disent ni ne lisent le droit. Voir l'excellent ouvrage qui a su démanteler, preuves à l'appui, toute cette imposture qu'est la justice européenne et française, La supercherie judiciaire, Ernesto Pardo, ouvrage disponible en format Kindle, 2018].

- La question qui se pose, la nouvelle constitution peut elle rompre avec le régime politique antérieur en essayant de plus «parlementariser» la vie politique et d'offrir davantage de garantie aux individus face à un Etat qui changerait de signification : d'autoritaire deviendra populaire ?

- Autre question comme vient de l'affirmer le chef de l'Etat Monsieur Tebboune, le projet de constitution fera l'objet d'abord d'une discussion au sein d'une commission constitutionnelle, avant d'être soumis à une assemblée constituante qui n'existe pas encore et en finale à la voie référendaire populaire ou peut-être comme je le suggère, n'est-il pas sage de soumettre ce projet à une large consultation populaire sur l'ensemble de nos 48 wilayas et 1541 communes à travers l'écriture de cahiers de doléances et de revendications nationales ? Nous pensons que cette procédure constituante conduira à la conclusion d'un compromis entre les forces sociales et forces politiques (je rappelle que celles-ci n'ont pas encore émergé, nous baignons dans un univers métapolitique).

- Avant toute rédaction de la constitution, il faut créer des accords entre les forces sociales (plus particulièrement les groupes sociaux, médecins, ouvriers, fonctionnaires, infirmières, ingénieurs, techniciens, petits et moyens agriculteurs, retraités, les sans propriétés, etc.) et les forces politiques qui doivent émerger (les progressistes et les conservateurs) ; pour les groupes sociaux, il faut mettre en place des «communautés de travail» dans les grandes branches industrielles du pays , le secteur agricole, les services, etc., tous chargées d'élaborer des conventions collectives. Ces pactes sociaux doivent constituer l'arrière-fond de notre future constitution.

- Une fois la Constituante élaborée et élue au suffrage universel, sera-t-elle dominée par une coalition de plusieurs partis (qui n'ont pas encore émergé !), réussiront-ils à devenir hégémonique et s'enraciner au sein de la population ?

- Sur le plan politique, le caractère transactionnel du texte va-t-il faire apparaitre en matière des dispositions sur l'agencement des organes constitutionnels un compromis entre les partisans d'un système intégralement parlementaire et ceux d'un système davantage présidentiel ?      

- Le but est de reconstruire un Etat fort et de réfléchir sérieusement sur l'organisation des pouvoirs

A suivre...

*Dr en physique