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Attention aux taux Repo

par Akram Belkaïd, Paris

Se passe-t-il quelque chose sur les marchés financiers qui devrait inquiéter la planète ? Comme l’explique un analyste parisien spécialiste de Wall Street, nous sortons peu à peu des eaux de la « décennie tranquille », celle qui suit une grave crise financière, en l’occurrence celle de 2009. Si l’on considère qu’une grande crise intervient tous les dix ans, alors il faut scruter avec attention le large pour déceler des signes annonciateurs.

De quoi s’agit-il ? En septembre dernier, un étrange hoquet a fait toussoter les marchés. Les taux du marché monétaire, plus exactement les taux des opérations Repo (Sales and Repurchase Agreement), sont passés de 2% à 10% en moins de deux jours. Pour comprendre la gravité de ce qui s’est passé, il faut savoir que c’est sur ce segment que les banques collectent au quotidien leurs besoins en liquidité. Une telle hausse des taux signifie que ces liquidités manquaient, ce qui obligea la Réserve fédérale américaine (Fed) à intervenir en injectant du cash. Une première depuis... 2008.

Le spectre de la spéculation

Les explications plus ou moins rationnelles à propos de ce coup de chaud n’ont pas manqué. Certains affirment que c’est à cause d’une émission du Trésor américain d’un montant de 72 milliards de dollars pour financer la dette US que le marché des liquidités s’est asséché. D’autres affirment que les exigences réglementaires qui obligent les banques et autres établissements financiers à disposer en permanence de réserves suffisantes contribuent à détourner le cash du marché des Repo.

Le problème dans l’affaire, c’est que ces explications ne sont guère concluantes. Et même la Banque des règlements internationaux (BRI) vient de le faire. savoir clairement. Dans ses conclusions, elle laisse entendre que ce marché est devenu, non pas un lieu de financement au quotidien, mais un terrain de chasse pour opérateur en quête de rendements. Comprendre, la spéculation est en train de s’emparer d’un marché vital pour le fonctionnement des banques et donc, in fine, de l’économie.

Le plus étrange dans l’affaire, c’est que tout cela intervient dans un monde gavé de liquidité puisque les taux directeurs des Banques centrales sont bas depuis des années. Où est passé le cash en circulation ? L’image de l’eau qui se retire soudainement avant l’arrivée d’un raz-de-marée est trop séduisante pour ne pas la citer. En théorie, et selon les masses monétaires en circulation telles que quantifiées par les Banques centrales, le marché Repo devrait être à l’abri de telles secousses. Or il ne l’a pas été et il pourrait même ne pas l’être dans un futur proche.

En effet, depuis quelques semaines, la Réserve fédérale y mène des opérations quotidiennes d’injection de liquidité. Mieux, elle vient d’annoncer qu’elle relèvera son plafond à 150 milliards de dollars entre le 31 décembre et le 2 janvier. C’est dire si l’institution monétaire anticipe des problèmes dans le financement au jour le jour des banques. Cette précaution devrait rassurer mais, là aussi, usons d’une image facile, c’est un peu comme si on vous annonçait le déploiement massif de personnels sanitaires pour contrer une simple épidémie de rhumes...