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Réglementation thermique 2020, transition énergétique et développement durable (1ère partie)

par Mourad Hamdan*

L'énergie est le moteur des économies et des sociétés modernes. Elle constitue, par conséquent, une priorité absolue pour le développement durable. Les sources d'énergie renouvelables doivent donc être au centre des politiques énergétiques.

Lors d'une interview récente, l'ancien PDG de SONATRACH, Monsieur Abdelmadjid ATTAR, a estimé que «l'Algérie a fait beaucoup de progrès techniques en matière de mix énergétique» et a salué l'installation du commissariat aux énergies renouvelables. Selon lui, le fait d'«aller vers une efficacité énergétique, est une très bonne nouvelle».

Il s'est écrié «nous sommes les champions du gaspillage» lorsque la thématique de l'économie d'énergie a été abordée. Il a renchéri en affirmant que «seule une politique sélective de subvention en matière d'énergie pourra mettre fin à l'injustice et faire profiter ceux qui en ont réellement besoin».

Il a situé, par ailleurs, l'urgence au niveau de «la consommation énergétique interne» et a insisté sur le long travail qu'il reste à faire sur le chemin d'une transition énergétique harmonieuse.

Enfin, il nous a fait découvrir, non sans surprise, que «les programmes de développement du secteur énergétique étaient établis en absence de vision à long terme» et que surtout « l'Algérie n'a jamais cru bon de se doter d'une politique ou de stratégie énergétique». C'est dire si nos dirigeants étaient prévoyants et maîtrisaient les notions de prospective, prévision, projection, scénario et stratégie.

Loi sur les hydrocarbures

Après son adoption en conseil des ministres le 14 octobre, le projet de loi controversé sur les hydrocarbures a été adopté récemment par l'APN.

Cette nouvelle loi vise à assouplir et simplifier le régime juridique et fiscal du secteur des hydrocarbures, pour attirer à nouveau les compagnies pétrolières et gazières internationales (car seuls 20 % des appels d'offres ont trouvé preneurs depuis 2008).

Les principales motivations invoquées par le gouvernement concernant ce nouveau cadre juridique et fiscal sont les suivantes :

- Les recettes liées aux hydrocarbures contribuent à 60 % du budget de l'Algérie ;

- 60 % des réserves en énergie, tous produits confondus, ont été consommés et que si on reste à ce stade, on arrivera en 2030 à un bilan déficitaire ;

- L'obsolescence des infrastructures pétrolières algériennes, faute d'investissements récents;

- L'allègement du géant national des hydrocarbures SONATRACH, détenu à 100 % par l'État, du fardeau des lourds investissements et des risques élevés liés à la recherche de nouveaux gisements;

- Le maintien du régime juridique actuel nous mettra en situation de déficit structurel entre l'offre et la demande nationales à compter de 2025 compte tenu de la baisse du volume de production (le pays produit actuellement environ un million de barils de pétrole par jour contre plus de 1,4 million en 2005) et l'augmentation croissante de la consommation nationale.

Bien que cette nouvelle loi laisse les titres miniers (droits sur le sous-sol) aux mains de l'État et continue de garantir une part majoritaire de SONATRACH dans les partenariats, il est évident que les majors pétrolières et gazières ont été sollicitées pour en évaluer les points forts et points faibles et aussi en mesurer l'attractivité.

Instigatrices de cette loi scélérate, les compagnies italienne ENI et française TOTAL ont joué un rôle clé dans son élaboration suite à leur découverte commune d'un champ gazier géant marin (offshore) au large de Skikda. Après consultation et concertation, un deal a été conclu entre la partie algérienne (les généraux octogénaires pour ne pas les citer) et ces multinationales en vue de l'exploitation de ce gisement stratégique.

Bref, en l'absence d'un véritable mode de gouvernance comme arbitrage des intérêts contradictoires, cet accord léonin a abouti à :

- Un élargissement de la palette des types de contrats (qui ont désormais une durée allongée et sont adaptés aux différents risques industriels : contrat de partage de production, de participation et de service avec ou sans risque) ;

- Une remise à plat de la fiscalité, instituant notamment un taux fixe (30 %) de l'impôt sur les résultats et supprimant la « taxe sur les profits exceptionnels». Cette baisse de la fiscalité de 20% constitue un manque à gagner au Trésor public dans un pays où le taux de succès a grimpé de 17% durant la période 1962-1970 à plus de 30% dans l'intervalle 2011-2019 ;

- Un net recul des prérogatives de l'État dans la surveillance et la mise en œuvre des projets d'exploitation au profit des multinationales.

En tant que spécialiste du secteur énergétique, M. Rabah REGHIS souligne toutefois que «la diversification de l'économie nationale, le développement des énergies renouvelables?, la rationalisation du mode de consommation énergétique, l'élaboration d'une loi-cadre de la transition énergétique et la réactivation du Conseil national de l'énergie, sont des volets qui doivent rentrer dans le cadre d'une stratégie globale énergétique dont cette loi (sur les hydrocarbures) devrait émaner».

Il y a lieu donc d'élaborer en urgence une Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et d'établir les plans d'action qui devront l'accompagner.

Cette loi-cadre, définissant les grands principes d'une politique énergétique, contribuera au renforcement de l'indépendance énergétique de l'Algérie tout en offrant aux entreprises et aux citoyens l'accès à une énergie compétitive.

Il s'agira d'augmenter le pouvoir d'achat en réduisant les factures d'énergie des ménages, d'améliorer la qualité de vie en protégeant mieux la planète et la santé publique et de saisir les opportunités de croissance, de compétitivité et d'emploi pour les industries existantes et les filières d'avenir. Pour ce faire, l'Algérie sera tenue de mettre à la disposition des citoyens, des entreprises et des territoires des outils efficaces pour agir concrètement.

Définition, enjeux et défis de la transition énergétique

La transition énergétique, mais aussi sociétale, est un enjeu complexe et décisif pour notre avenir. Il ne peut être abordé que par une approche fondée sur l'efficacité énergétique, la pluralité des énergies, le verdissement de chacune d'entre elles, la prise en compte de toutes les externalités, les efforts et la contribution de chaque filière à l'objectif commun.

Définition de la transition énergétique

La transition énergétique désigne l'ensemble des transformations du système de production, de distribution et de consommation d'énergie effectuées sur un territoire dans le but de le rendre plus écologique. Concrètement, la transition énergétique vise à transformer un système énergétique pour diminuer son impact environnemental.

Comprendre la transition énergétique

Volet essentiel du concept de transition écologique, la transition énergétique consiste en une série de changements majeurs dans les systèmes de production de l'énergie et sa consommation. Elle est en cela partie prenante des stratégies de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique.

La transition énergétique s'appuie sur les progrès technologiques et les volontés politiques au sens large (gouvernements, populations, ONG, acteurs économiques?). Les programmes mis en place se fondent principalement sur le remplacement progressif des énergies fossiles et nucléaire par un mix énergétique privilégiant les énergies renouvelables, ainsi que sur une réduction de la consommation, une politique d'économie d'énergie et de réduction des gaspillages énergétiques, notamment via l'amélioration de l'efficacité énergétique et les évolutions comportementales en termes de consommation. Le transfert de certains usages énergétiques vers l'électrique (comme la voiture électrique) est aussi un volet de la transition énergétique.

Loi de transition énergétique

Les objectifs en matière de transition énergétique se doivent d'être concrétisés officiellement par la promulgation d'une loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Ce texte, dans le cadre d'exigences en termes de compétitivité économique d'un pays, devra mettre en particulier l'accent sur le renforcement de l'indépendance énergétique, la préservation de la santé publique, la protection de l'environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.

Sept (07) grands objectifs à atteindre devront être fixés, à savoir :

? Réduire les émissions de gaz à effet de serre ;

? Réduire la consommation énergétique ;

? Réduire la consommation énergétique primaire d'énergies fossiles ;

? Augmenter la part des énergies renouvelables ;

? Améliorer les performances énergétiques des bâtiments ;

? Lutter contre la précarité énergétique et affirmer un droit à l'accès de tous à l'énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ;

? Réduire notre production de déchets.

La transition énergétique et écologique

Globalement, la production d'énergie pollue et utilise beaucoup de ressources. En changeant notre façon de produire et de consommer de l'énergie, on peut réduire les pollutions et notre consommation de ressources. C'est pourquoi la transition énergétique est souvent qualifiée de « transition énergétique et écologique» car elle permet de réduire notre impact sur l'environnement.

La transition énergétique pour la santé et la sécurité

La transition énergétique vise essentiellement deux objectifs :

- Sécuritaire : les centrales thermiques et nucléaires sont appelées à être remplacées par des systèmes décentralisés de production d'énergie renouvelables ;

- Sanitaire : la réduction des pollutions améliore confort, bien-être et qualité de vie.

Transition énergétique et réduction des déchets

En matière de déchets, la transition énergétique permettrait à terme de réduire les déchets issus des productions d'énergie fossiles et nucléaires.

Elle permettrait aussi de mieux valoriser certains types de déchets qui aujourd'hui sont jetés ou gaspillés (les déchets ménagers compostables peuvent être valorisés dans le cadre de programmes de biométhanisation ou d'incinération, où ils servent à produire électricité, chaleur ou énergie).

Transition énergétique pour la «croissance verte»

Deux tendances s'opposent au sein des partisans de la transition énergétique:

- Certains estiment qu'elle serait à terme un moyen d'exploiter efficacement la puissance des nouvelles technologies dans des secteurs d'activité porteurs et créateurs d'emplois et de richesse. En effet, en faisant la transition vers des formes d'énergie plus accessibles, moins chères, renouvelables et plus respectueuses de l'environnement, il serait en théorie possible de relancer la croissance;

- Cependant, d'autres considèrent que la transition énergétique doit au contraire être une opportunité pour réduire la consommation et freiner la croissance. Celle-ci étant généralement liée à la croissance de la consommation énergétique, il peut réellement apparaître comme insensé le fait de poursuivre des objectifs aussi contradictoires que la sobriété énergétique et la croissance économique.

Enjeux de la transition énergétique

Connaître en profondeur le contenu et les modalités de mise en œuvre de la transition énergétique contribuera efficacement à en préciser la trajectoire à moyen et long terme. Des hypothèses réalistes des projections énergétiques annuelles devront être établies et une stratégie nationale bas carbone et de programmation pluriannuelle de l'énergie devra être définie.

Il est essentiel de savoir que dans le cadre de la transition énergétique, un certain nombre d'enjeux et de défis se posent. En fait, la transition énergétique (1) ne signifie pas simplement l'installation de panneaux solaires photovoltaïques (2) et la construction de parcs éoliens (3). Cela touche à des problèmes aussi divers que l'accès à l'énergie, l'adéquation entre la production et la consommation, le prix et le coût de la production énergétique, l'évolution et l'équilibre du mix énergétique.

(1) Avec le soleil qui joue à cache-cache, et le vent qui ne souffle pas tous les jours, la question du stockage de l'électricité est au cœur de la transition énergétique. Alors que d'importants progrès restent à accomplir, des chercheurs du MIT viennent de mettre au point un système de stockage ingénieux permettant d'emmagasiner l'énergie renouvelable à partir de la lumière dégagée par du silicium en fusion, et de restituer cette énergie dans le réseau électrique à la demande, 24 heures sur 24.

? (2) Il y peu, une centrale photovoltaïque innovante a été installée (associant production d'électricité et stockage d'énergie avec batteries à hydrogène) pour alimenter les utilisateurs en continu et éviter l'usage d'un groupe électrogène.

? Le panneau photovoltaïque s'est adapté aux exigences esthétiques les plus strictes et est devenu élément architectural à part entière.

? Des tuiles solaires permettent de réaliser des toitures intégralement photovoltaïques et totalement imperceptibles.

(3) En comparaison avec des panneaux solaires, une éolienne à puissance égale produit quatre fois plus et sa production optimale est située en période hivernale quand nous avons besoin le plus d'énergie. Elle est aussi capable de produire 24/24. La durée de vie d'une éolienne peut dépasser les 20 ou 30 ans (pour le haut de gamme) et sa production ne décroit pas avec le temps contrairement à celle des panneaux solaires.

La thématique «énergie-climat» et les politiques publiques

Il semble indispensable d'intégrer la thématique «énergie-climat» dans la totalité des politiques publiques touchant à la fois aux dimensions économiques, sociales, technologiques ainsi qu'aux politiques d'aménagement des territoires et de protection de l'environnement, et d'impliquer l'ensemble des acteurs, en s'appuyant en particulier sur les échelons locaux.

La mise en place de telles politiques transversales et globales va nécessiter un réel changement de culture dans les institutions algériennes, en particulier pour les collectivités locales. Les politiques énergétiques ne peuvent plus être seulement techniques, elles doivent concerner l'ensemble des aménagements et actions réalisées à tous les niveaux.

En s'inscrivant dans une réelle transition énergétique, l'Algérie se préparera d'une façon responsable à l'après pétrole en instaurant un modèle énergétique robuste et durable face aux enjeux d'approvisionnement en énergie, à l'évolution des prix, à l'épuisement des ressources et aux impératifs de la protection de l'environnement.

A suivre

*Consultant en management