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Le vendredi fou

par Akram Belkaïd, Paris

Le phénomène ne concerne pas l’Algérie, du moins pas encore ou pas beaucoup, mais il est impossible de ne pas en entendre parler, ne serait-ce qu’en raison des publicités qui foisonnent à la télévision, à la radio et sur Internet. Le «black Friday» arrive, et avec lui, cette folie de consommer qui prend, une fois l’an, les Américains et, de plus en plus, les Européens voire les Asiatiques. De quoi s’agit-il ? Il faut d’abord rappeler que le quatrième jeudi du mois de novembre, est célébrée aux Etats-Unis la fête de Thanksgiving. Véritable moment familial, aussi important que Noël, il commémore le souvenir d’Indiens, ou Premières Nations, qui offrirent à manger à des migrants européens à peine débarqués et en passe de mourir de froid et de faim (on connaît avec quelle gratitude ces «pèlerins» et leurs descendants remercièrent par la suite leurs bienfaiteurs…). Depuis plusieurs décennies, les Américains ont pris l’habitude d’acheter leurs cadeaux de Noël le lendemain de Thanksgiving. Prix soldés, rabais, magasins pris d’assaut, frénésie d’achats : c’est le «vendredi noir» (noir de monde, noir comme l’encre du bilan comptable qui passe du négatif au positif, noir comme le trafic automobile, les explications concernant l’usage de cette couleur sont nombreuses).

Frénésie consumériste

Comme les autres fêtes de fin d’année, le «black Friday» est un symbole du consumérisme effréné. Mais il y a désormais de plus en plus de voix qui s’élèvent pour dénoncer le gaspillage engendré par cette immense braderie. Les partisans de la décroissance ou du commerce équitable essaient d’appeler les consommateurs à la raison face au «vendredi fou». Ces dernières années, ce sont les considérations environnementales qui sont convoquées. L’organisation non gouvernementale Greenpeace en appelle ainsi à ne rien acheter et à faire de cette journée un «green Friday», un vendredi vert. D’autres ONG lui emboîtent le pas et tentent de lancer des mots d’ordre en faveur du recyclage d’objets d’occasion ou même du «faire soi-même». Mais dans un monde marqué par l’obsession technologique, il est difficile de convaincre les acheteurs de ne pas faire de folie pour s’offrir le dernier smartphone ou la tablette dernier cri. Le capitalisme ne se laisse pas faire facilement.

Considérations environnementales

Parmi les entreprises les plus critiquées par les adversaires du «black Friday», figure Amazon. Selon trois associations françaises, Attac, Les Amis de la terre et Union syndicale solidaires, la multinationale américaine aggraverait ces émissions de gaz à effet de serre (ges) à l’occasion dudit vendredi. Les centaines de millions de colis acheminés dans toute la planète et les destructions d’invendus contribueraient à alourdir le bilan carbone d’une entreprise qui émet autant de ges que le Portugal. Est-ce que cet impact environnemental est susceptible de dissuader les acheteurs. Pas si sûr, même si la presse économique américaine relève que certains clients commencent à se lasser face à des rabais qui n’en sont pas vraiment. En tout état de cause, Amazon a bien saisi la nécessité de ne pas négliger la question environnementale et communique beaucoup à propos de ses investissements contre la déforestation ou en faveur de l’usage de véhicules électriques pour ses livraisons.