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Les grands airs d'opéra expliqués aux jeunes Algériens

par Sid Lakhdar Boumediene*

Il y a, dès le départ, un gros malentendu entre l'opéra et les jeunes. Comme pour la littérature, lorsque l'exercice est long, fastidieux et peu compréhensible pour des esprits encore en formation, il en est de même pour l'opéra.

Je dois le reconnaître, l'opéra est souvent une mise en scène ridiculement grotesque, parfois burlesque, qui ennuie les jeunes, et pas seulement qu'eux. C'est une critique qui lui est faite d'une manière récurrente. Les puristes se sont insurgés contre les concerts «grands publics» (comme ceux des 3 ténors) qui dévoieraient, selon eux, la pureté orthodoxe de l'opéra. En toutes sciences ou arts, l'exclusion est toujours le fait de ceux qui veulent monopoliser un savoir qu'ils brandissent en pouvoir sur les autres.

Depuis l'initiative d'ouverture et l'apparition des nouvelles technologies, jamais l'humanité n'a autant écouté et apprécié l'opéra, même si ce ne sont que des fragments qui lui sont proposés.

Sans parler des prix exorbitants des places, souvent astronomiques de l'opéra traditionnel qui excluent les masses, volontairement ou non.

C'est la raison pour laquelle le goût pour l'opéra vient très souvent à l'âge mûr ou pour des enfants sevrés à la musique de ce grand art, dès le berceau. Ce n'est vraiment pas le cas de la majorité.

Alors, pour apprécier la fantastique voix humaine de l'opéra, il n'est pas du tout honteux de faire comme tous ceux qui ne savent rien (c'était mon cas au début, pour arriver au final à un tout petit niveau mais tellement jouissif) et se focaliser, dans un premier temps, sur les passages connus de tous car tellement diffusés, y compris dans les publicités.

Le morceau que je vous propose aujourd'hui est l'un des plus célèbres, vous l'avez entendu certainement. Il s'agit d'un air de ténor, Nessun dorma, au troisième acte de Turandot, de Giacomo Puccini.

Ce que vous allez entendre et reconnaître, en suivant le lien proposé au bas de l'article, est le cri d'un amour désespéré d'un prince étranger, inconnu de la cour impériale chinoise, du nom de Calaf, qui a rencontré fortuitement la légendaire princesse Turandot. Il s'agit de la fille de l'empereur de Chine (une histoire légendaire).

Cette princesse, terrifiante de cruauté, laisse venir à elle tous les rois et princes du monde pour leur proposer un défi qui vaudra au vainqueur ses faveurs.

Elle leur posera trois questions et se donnera à celui qui répondra correctement. Autrement, le malheureux se fera décapiter, sans hésitation et sur le champ.

Vous ne le savez peut-être pas, mais cette histoire de questions posées pour obtenir le droit d'entrée ou d'être épargné est déjà inscrite dans une autre histoire mythologique célèbre. Je vous lance le défi de la retrouver.

Le passage chanté par le phénoménal Pavarotti est justement celui de la nuit qui précède le défi mortel du prince Calaf. Il est très court et, si vous êtes patients, le chant s'élèvera dans un final fabuleux pour prononcer, trois fois, le cri de la victoire espérée, «Vincero», c'est-à-dire «Je vaincrai».

L'œuvre de Giacomo Puccini est inachevée et ce sont d'autres auteurs qui permettront une représentation posthume à la Scala de Milan en 1926.

Si vous êtes insensibles à l'extraordinaire performance de la voix humaine dans cette déclamation du troisième acte, c'est que j'aurais du mal à vous convaincre pour toute autre beauté de l'humanité.

Trois points clés à savoir :

- Même si Puccini est mort en 1924, la plus grande partie de sa vie s'inscrit dans le 19e siècle, celui du romantisme en tous arts et de «l'orientalisme». C'est ce qui explique la forme de complainte des paroles de Nessun dorma (disponibles sur Internet) par lesquelles le prince Calaf exprime son envolée lyrique d'amour.

- Il est d'usage, pour l'opéra, de chanter une œuvre dans la langue de son auteur.

- Je n'ai pas la connaissance technique suffisante pour différencier les performances individuelles des grands ténors et je ne suis pas forcément attiré par les stars. Mais le choix de Luciano Pavarotti est tout indiqué pour sa performance due à son corps imposant qui donne une immense intensité à Nessun dorma. La caméra, très avancée sur ce corps, renforce la sensation d'émotion.

*Enseignant

Lien vers la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=xs-p1oEvuGg ou taper sur Youtube «Nessun dorma Luciano Pavarotti»