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Le palladium plus cher que l’or

par Akram Belkaïd, Paris

Petite question basique : quel est le métal le plus cher ? L’or ou le platine, vedettes des marchés durant les dix dernières années ? Ni l’un ni l’autre, mon bon monsieur. Si l’on met de côté les métaux très rares dont le marché ou l’emploi sont très réduits (dont le rhodium dont le kilogramme avait atteint 321 000 dollars en 2008), le lauréat s’appelle palladium. Il fait partie de la même famille que le platine (platinoïdes) mais contrairement à lui il ne sert que pour l’industrie et n’a guère d’emploi pour la joaillerie de luxe. Quelques statistiques permettent de prendre la mesure de l’élan haussier du métal dont le nom provient de Pallas, la déesse grecque de la sagesse.

Élan haussier grâce à l’automobile

En 2011, l’once de palladium valait 600 dollars. Aujourd’hui, elle se maintient au niveau de 1800 dollars. Pour les seules trois dernières années, elle a progressé de 154% et, depuis 2018, le palladium est même devenu plus cher que l’or. Du (presque) jamais vu. Cette hausse est à l’opposé du cas du platine dont les cours ont fait le chemin inverse avec un cours moyen de 800 dollars contre le double en début de décennie. Selon la banque UBS, la tendance devrait rester favorable pour le palladium qui devrait atteindre 2000 dollars l’once à la fin du premier trimestre 2020 puis 2200 dollars six mois plus tard. Une prévision qui va à l’encontre des mises en garde récurrentes à propos d’un possible trou d’air des prix voire un krach.

Comment expliquer la bonne santé du palladium ? Deux facteurs majeurs influent sur ses cours. L’évolution des normes anti-pollution dans l’automobile et la répartition géographique de la production. Dans le premier cas, le palladium sert essentiellement aux convertisseurs catalytiques pour véhicules dont les moteurs sont à essence. C’est une catégorie qui a le vent en poupe depuis que de nombreux pays se sont engagés dans des démarches de plus en plus restrictives à l’égard du diesel (bannissement dans les centres-villes, incitation au remplacement, interdiction définitive, etc.). C’est d’ailleurs parce qu’il est utilisé pour les pots catalytiques pour moteurs diesels que le palladium a perdu 1,4% de sa valeur au cours des trois dernières années. De manière régulière, on annonce que le platine pourrait être aussi utilisé pour les moteurs à essence mais rien ne confirme une telle évolution et le palladium reste le métal le plus recherché pour cette catégorie d’où son ascension.

Russie et Afrique du Sud

Par ailleurs, les principaux producteurs de ce métal noble font face à des difficultés réelles pour augmenter leurs ventes. La Russie, qui contrôle un quart de la production mondiale, a promis, via notamment le géant Norilsk Nickel, d’investir pour moderniser ses installations minières et doper ses extractions mais, pour le moment, le marché du palladium va enregistrer sa neuvième année de déficit (demande supérieure à l’offre). Résultat, les stocks diminuent de manière continue ce qui stimule les prix.

L’Afrique du Sud est l’autre grand producteur de palladium. Là aussi, les installations n’ont pas été modernisées et les grèves à répétition freinent la production. Il n’est donc pas étonnant que la Commission européenne qualifie le palladium de «métal critique» sachant que la recherche pour trouver un substitut n’a guère donné de résultat. Bref, avec un tel prix, on pourrait bientôt voir apparaître des bijoux au palladium...