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«Soundouk ezzakat» une gestion opaque

par Saheb Bachagha *

Depuis sa création par le ministère des Affaires religieuses et des Biens wakf il y a de cela plus de dix ans, «Soundouk ezzakat» ne semble pas à ce jour obéir aux règles de la gestion de l'argent public.

Quand un fidèle musulman s'acquitte de ce qu'il doit comme zakat en privé, il n'a de compte à rendre à personne, il le fait dans l'anonymat et la discrétion totale pour gagner la bénédiction de Dieu c'est ce qui a été prescrit dans le saint Coran et le Hadith. En revanche lorsqu'on lui demande de confier ce qu'il doit comme zakat à un intermédiaire, en l'occurrence l'association de la mosquée, pour être distribué à sa place, alors là cela devient argent public.

Et la gestion de l'argent public, que ce soit dans un pays musulman ou dans un pays chrétien, obéit aux mêmes règles, à savoir la sécurité, la transparence, la bonne gestion et le contrôle fiable.

Voyons ce qui se passe dans nos mosquées dans le cadre de cette opération de collecte des fonds provenant de la zakat des fidèles.

Tout d'abord sur le plan de la sécurité, l'argent ramassé est logé dans des boites en contre-plaqué qu'on peut défoncer d'un seul coup de poing. En tout cas, il n'y a pas de salles de coffre-fort dans une mosquée.

Sur le plan de la transparence il n'y a pas de publication du bilan de l'activité de la mosquée et Dieu sait qui a donné quoi et qui a pris quoi. On ne connaît ni les noms, ni les montants des donateurs, ni les noms ni les montants des bénéficiaires.

D'autre part les fonds donnés par les fidèles doivent refléter sur un registre appelé registre des contributions coté et paraphé par le greffe du tribunal, pour marquer la traçabilité des mouvements et permettre son exploitation par un contrôle externe.

Sur le plan de la gestion, le ministre des Affaires religieuses et des biens wakf propose l'option de prêts à des chômeurs pour monter des entreprises. En apparence cette initiative parait intéressante et louable, mais à supposer que le bénéficiaire du prêt échoue dans son activité et tombe en faillite, qui pourra se constituer partie civile pour réclamer le montant prêté ? l'association de la mosquée, elle, n'en a pas le droit, car les fonds provenant de la zakat ne sont ni des biens wakf ni des biens houbous pour que l'association de la mosquée se les approprie et les gère à sa manière.

Les fonds provenant de la zakat sont les biens des riches donnés aux pauvres et aux nécessiteux à juste titre.

Ce qui veut dire que l'option de prêts proposée doit être acceptée et validée par les donateurs qui peuvent désigner un comité pour l'opération ou donner un mandat pour les acteurs de cette opération.

D'autre part, est-ce que les membres de l'association de la mosquée ont les compétences et la qualification nécessaires comme celles d'un banquier aguerri pour appréhender les risques inhérents aux prêts, et l'analyse correcte des projets en question pour lesquels les prêts sont destinés et assurer par conséquent leur récupération ?

Venons-en voir maintenant du côté du commissaire aux comptes, si commissaire aux comptes il y a. Tout d'abord qui doit le désigner ? Certainement pas l'association de la mosquée, car elle n'est pas le propriétaire des fonds, à qui il doit rendre compte ? Certainement pas à l'association mais aux donateurs des fonds.

Nous conseillons le ministère des Affaires religieuses et des biens wakf à ne pas laisser traîner les choses de cette manière, il faut doter ce projet de tous les outils juridiques nécessaires pour épargner nos lieux saints de toute situation de dérapage dont les conséquences sont incalculables, car nous les musulmans nous sommes en principe la première nation à devoir incarner la morale et la probité, ainsi un œil averti en vaut deux.

*Expert comptable et commissaire aux comptes

Membre de l'académie des sciences et techniques financières et comptables, Paris