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Quand la BCE chapitre (un peu) l’Allemagne

par Akram Belkaïd, Paris

Le 30 octobre prochain, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) quittera son poste et sera remplacé par Christine Lagarde, l’ex-directrice générale du Fonds monétaire international (FMI).
Ce départ annoncé explique pourquoi le concerné s’est longuement expliqué sur les questions économiques et financières dans un entretien accordé au Financial Times (1). Certes, on reste dans le registre du contrôle et du propos policé, mais il y a au moins un thème abordé qui mérite d’être relevé.

Instruments monétaires

Rappelons que la BCE, comme d’autres banques centrales, est sur la brèche depuis 2008. L’institution monétaire a dépensé des milliers de milliards d’euros pour soutenir l’activité après la grande crise financière.

Pour cela, elle a notamment rompu avec son orthodoxie habituelle en intervenant directement sur les marchés par le biais de rachats d’actifs. Mais aujourd’hui, dans un contexte de morosité due aux tensions commerciales et à l’atonie de l’économie, se pose la question de la capacité de la BCE à encaisser un autre choc. Que faire, par exemple, si l’Italie se retrouve dans une situation financière précaire ? Que faire aussi si une grande banque européenne venait à faire faillite ?

Pour Mario Draghi, la Banque centrale européenne a la capacité de faire face. «Tous les instruments, qu’il s’agisse des taux d’intérêt, des rachats d’actifs ou du pilotage des anticipations, sont prêts à être calibrés », a-t-il ainsi déclaré au FT. Un discours rassurant qui n’est guère surprenant, la BCE étant censée œuvrer à la confiance sur les marchés. On peut se demander néanmoins de quelles munitions dispose vraiment l’institution monétaire dans un contexte où les taux d’intérêt sont désormais négatifs. Ce qui signifie, pour schématiser, que les banques peuvent aujourd’hui exiger de l’argent à celui qui dépose de l’argent chez elles.

Il est donc intéressant d’examiner ce que Mario Draghi a déclaré au quotidien londonien. Pour lui, donc, « la politique monétaire peut faire son travail, mais en l’absence d’une capacité de stabilisation, elle le fera plus lentement et avec plus d’effets secondaires. » Autrement dit, il faut que les États européens fassent leur part. Comment ? En mettant en place un instrument budgétaire européen qui permettrait à la zone euro d’encaisser un choc économique subi par l’un de ses membres. On sait qu’actuellement les Européens négocient ce type d’outil mais les sommes mobilisées ne devraient pas être importantes.

L’Allemagne visée

Surtout, l’Allemagne s’oppose avec force à une politique budgétaire commune. En déclarant que les Européens doivent, dans un proche avenir, « avoir une politique budgétaire significative en zone euro » qui reposerait sur « une capacité budgétaire commune », Mario Draghi a clairement pointé du doigt Berlin. Il est intéressant que cela soit le patron de la BCE qui relaie les demandes maintes fois répétées de certains gouvernements dont celui de la France. Bien entendu, rien ne devrait changer dans l’immédiat.

L’Allemagne refuse de mutualiser une partie de ses ressources. Mais pour combien de temps ? Faudra-il un nouveau choc économique pour faire changer les lignes ? Et la BCE continuera-t-elle de jouer les aiguillons en faveur d’une politique budgétaire européenne commune après l’entrée en fonction de Christine Lagarde ? A suivre...