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L’Allemagne vire au vert

par Akram Belkaïd, Paris

En 2019, l’économie allemande pourrait être entrée en récession. Il faudra bien sûr attendre les derniers chiffres, notamment celui de l’évolution du Produit intérieur brut (PIB) durant le dernier trimestre mais, de l’avis des prévisionnistes, l’affaire semble entendue. L’Allemagne en récession, voilà une information suffisamment rare pour être relevée même si son caractère négatif reste à relativiser. De tous les poids lourds de l’Union européenne (UE), la République fédérale allemande (RFA, car telle est la dénomination officielle de ce pays) demeure la mieux lotie avec notamment un taux de chômage inférieur à 3% de la population active.

Inquiétudes pour l’automobile

Pour autant, les signes d’essoufflement de l’activité se multiplient. Secteur phare et emblématique du « made in Germany », l’automobile est morose. Ses ventes à l’étranger, notamment en Chine, sont en chute libre.

Et les perspectives ne sont pas rassurantes puisque plusieurs études ont été publiées sur le retard pris par les constructeurs germaniques dans le domaine de la voiture électrique, segment qui est jugé le plus prometteur.

Premier ou deuxième exportateur mondial (en alternance avec la Chine), l’Allemagne subit aussi les conséquences du ralentissement du commerce mondial.

Les tensions entre Pékin et Washington, la guerre des monnaies dans les pays émergents, la saturation de certains marchés, tout cela ne profite guère à une économie qui n’a cessé d’empiler les excédents commerciaux au cours des vingt dernières années. Les enquêtes d’opinion auprès des patrons montrent que ces derniers croient encore en ce modèle mais commencent aussi à s’interroger sur les alternatives.

100 milliards d’euros à investir

Ce n’est donc pas un hasard si le gouvernement d’Angela Merkel vient d’ouvrir la porte à un changement majeur en matière de politique budgétaire. Jusque-là, Berlin s’est toujours refusé à aggraver le déficit budgétaire, de toutes les façons limité à 0,35% du PIB selon la Constitution allemande.

Ces dernières années, plusieurs pays, dont la France, mais aussi le Fonds monétaire international (FMI) ont reproché à l’Allemagne de ne pas suffisamment dépenser et investir au nom de cette quasi-obsession de l’excédent budgétaire.

Or, Berlin entend investir un minimum de 100 milliards d’euros pour « la protection du climat et la transition énergétique ». La date butoir est fixée à 2030, c’est-à-dire demain ou presque. L’Allemagne est déjà un champion des énergies renouvelables (40% de la production électrique) mais c’est aussi un mauvais élève en matière de gaz à effet de serre (ges) en raison du recours aux centrales à charbon pour compenser sa sortie progressive du nucléaire (il ne reste plus que sept centrales en activité et elles devraient être fermées d’ici 2022).

En décidant d’investir une partie de son bas-de-laine, l’Allemagne fait preuve de pragmatisme et démontre que les discours sur le climat et la transition énergétique ne relèvent pas uniquement des bonnes intentions.

Il faudra suivre cette mutation de près. Il y a une dizaine d’années, un panel d’économistes internationaux avait estimé que les nations en pointe au XXI° siècle seraient celles qui prendraient suffisamment tôt le virage de l’économie verte. L’Allemagne, puissance industrielle s’il en est, a beaucoup hésité à la faire. La décision vient d’être prise. Cela aura un impact énorme sur les économies européennes.