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Le yuan, l’internationalisation tranquille

par Akram Belkaïd, Paris

Faut-il parier sur le yuan ? Alors que le dollar américain demeure la monnaie de référence mondiale, loin devant l’euro, la devise chinoise, officiellement appelée renminbi (terme qui signifie « monnaie du peuple »), poursuit tranquillement son internationalisation. Sujet de réflexion récurrent, cette expansion est d’autant plus observée depuis que les États-Unis et la Chine sont engagés depuis plus d’un an dans un bras de fer commercial dont personne ne peut prédire les conséquences.

Contrats à terme en yuans

Sans trop s’attarder sur la théorie, il est évident qu’une économie forte va de pair avec une monnaie solide et reconnue. Ici, la valeur de la devise n’entre pas en ligne de compte. Le dollar américain n’est pas forcément « fort », en comparaison d’autres monnaies comme l’euro, mais il est incontournable pour les transactions internationales, les émissions sur les marchés financiers et la constitution de réserves de change par les Banques centrales. Qu’en est-il du renminbi ?

Une statistique permet de comprendre les progrès accomplis et ceux qui restent à faire. La Chine représente aujourd’hui 10 à 12% du commerce mondial. C’est énorme. Mais le yuan, lui, n’est utilisé que pour 2% des transactions (80% des flux financiers chinois sont en dollars). Il reste donc du chemin pour ébranler le billet vert.

Comme dans tant d’autres domaines, les dirigeants chinois prennent soin de ne pas brûler les étapes. Un exemple : pour mettre sur orbite l’internationalisation du yuan, Pékin a lancé en mars 2018 des contrats à terme sur le pétrole libellés en yuans. Gérés par la Bourse internationale de l’énergie à Shanghai, ces contrats étaient prévus pour... 2012.

Les autorités chinoises ont donc pris leur temps afin de s’assurer que ces produits ne seraient pas pénalisés par un échec prématuré. Aujourd’hui, les investisseurs chinois (et autres) disposent donc d’un produit financier susceptible, hors dollar américain, de les assurer contre les fluctuations du marché du brut. Ce n’est pas rien car on sait que l’une des raisons de la prééminence du billet vert réside dans son usage dans le commerce de matières premières dont les hydrocarbures.

Convertibilité totale

Bien sûr, la domination américaine ne va pas disparaître du jour au lendemain. Mais à l’échelle chinoise du temps, mars 2018 est une date à garder en tête.

Cela sera aussi le cas en 2020, c’est-à-dire demain, quand le renminbi deviendra totalement convertible.

Pour l’heure, c’est la Banque centrale chinoise qui fixe quotidiennement son taux avec des intervalles de fluctuation de plus ou moins 2%. Une convertibilité totale induira une plus importante diffusion du yuan.

Déjà rassurées par le fait que la devise chinoise fasse partie du panier des droits de tirages spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI), les Banques centrales d’autres pays auront moins de préventions à l’inclure dans leurs réserves de change.    

Des investisseurs internationaux à la recherche d’une diversification de leurs placements pourront aussi placer une partie de leurs mises en yuans. Pour nombre d’économistes, la monnaie du vingt-et-unième siècle sera certainement le yuan. Il n’est pas dit que les autorités américaines partagent cet avis...