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Des technologies d’avant-garde pour les jeunes filles

par Jessica Posner Odede*

NAIROBI – De nos jours, 1,4 milliard de jeunes filles et de femmes vivent dans des pays qui échouent sur le plan de l’égalité des sexes, dans des questions couvrant l’instruction, les emplois satisfaisants et la violence. Or, l’une des méthodes les plus porteuses pour autonomiser les jeunes filles et les femmes - un accès sécuritaire et fiable à des téléphones portables et à l’Internet - risque d’être négligée.

Aujourd’hui, selon les estimations de l’organisation internationale des exploitants de réseaux de communications portables - la GSMA - plus de cinq milliards de personnes possèdent des appareils portables, dont plus de la moitié sont dotés d’intelligence. Par contre, la diffusion rapide des technologies de communications mobiles n’est pas uniforme. Même si le nombre de femmes dans les pays à revenus faibles et moyens possédant des téléphones portables a grimpé de 250 millions dans les cinq dernières années, il y a toujours 184 millions moins de femmes que d’hommes avec des téléphones portables, et la probabilité qu’une femme consulte l’Internet sur son portable est 26 % moins élevée que celle d’un homme.

De la même manière, même si les jeunes possèdent des téléphones portables à un taux plus élevé que leurs aînés, les inégalités persistent. Selon une étude réalisée en 2018 par Girl Effect (organisme que je dirige), il y a 1,5 fois plus de téléphones dans les mains des garçons que dans celles des jeunes filles. Les garçons ont d’ailleurs plus de téléphones intelligents que les jeunes filles.

 Mais posséder un téléphone n’est pas la même chose que d’y avoir accès et nos enquêtes ont démontré que les jeunes filles trouvent souvent des stratagèmes ingénieux pour mettre la main sur un portable. Plus de la moitié des jeunes filles avec lesquelles nous nous sommes entretenus - dans des pays comme l’Inde, le Malawi et la Tanzanie - empruntent systématiquement les téléphones portables de leurs parents, frères et sœurs ou amis. D’autres partagent aussi des cartes SIM et appareils ; trouvant ainsi des moyens créatifs d’accéder au réseau.

Étant donné les immenses avantages de l’accès à l’Internet, voilà une bonne chose. Ainsi, une jeune fille de 14 ans dans le Bangladesh rural, à qui on n’a jamais rien dit de la puberté, pourrait être si honteuse des changements qui se déroulent dans son corps qu’elle déciderait de ne pas aller à l’école. Mais, pour les deux heures par semaine où elle peut emprunter le téléphone de son frère, elle peut se renseigner sur les cycles de menstruation et les risques de grossesse et appeler une clinique locale pour prendre rendez-vous pour une consultation. Dit autrement, l’accès au portable lui donne les connaissances et la confiance dont elle a besoin pour protéger sa santé et son avenir.

L’accès aux téléphones portables n’est pas une fin en soi. C’est plutôt un moyen d’égaliser les chances non seulement grâce aux connaissances, mais aussi aux liens qu’il permet d’établir : à notre époque, les téléphones portables sont des moyens privilégiés pour relier la demande aux services essentiels, comme des services de santé et des services financiers. Assurer un accès élargi et équitable aux portables est donc une méthode efficace et facilement extensible pour aider des gens de toute sorte à prendre des décisions éclairées dans leurs propres vies, dans des domaines allant de la santé à l’éducation en passant par l’emploi.

Donner la possibilité aux jeunes filles et aux femmes d’aller en ligne - sur leur propre appareil ou sur des téléphones empruntés ou partagés - n’est que la première étape. Il faut également s’assurer qu’elles sont assez habituées avec les technologies pour tirer avantage de tout le potentiel des appareils dont elles se servent. Les recherches de Girl Effect ont démontré qu’en général, les garçons utilisent plus de fonctionnalités et de capacités du téléphone que les jeunes filles.

De plus, il faut aussi se demander ce que les jeunes filles trouvent lorsqu’elles vont en ligne. Les informations qu’elles reçoivent sont-elles exactes ? Risquent-elles de se faire exploiter ? Se désintéresser de ces questions serait une occasion manquée et risquée.

C’est pour cette raison que Girl Effect s’efforce de créer des espaces en ligne sécuritaires où les jeunes filles peuvent accéder à des informations fiables et adaptées à leurs besoins, découvrir des services très utiles dans leur région et échanger avec d’autres personnes confrontées - et surmontant - les mêmes problèmes. L’objectif est de stimuler la curiosité des jeunes filles pour qu’elles aient confiance en leurs propres capacités et aussi de leur donner les moyens de poursuivre leurs rêves.

Bien sûr, pour que de telles plateformes changent les choses, elles doivent être attrayantes. Lorsque les jeunes filles vont en ligne, elles ne cherchent peut-être pas à apprendre, en soi, mais veulent plutôt se divertir. Nous devons les rencontrer là où elles se rendent, en offrant les expériences qui sont engageantes et conviviales surtout pour celles qui n’ont pas de culture numérique. À cette fin, les jeunes filles doivent être consultées dans le processus de conception.

Des jeunes filles en Éthiopie, au Rwanda et au Malawi profitent déjà de telles plateformes et Girl Effect est en train de lancer des initiatives semblables en Inde et en Tanzanie. Dans tous ces environnements, les approches sont adaptées aux besoins et aux perspectives des régions et constamment réévaluées afin de tenir compte de l’évolution de l’accès et de l’utilisation.

Il n’y a pas de pénurie d’études démontrant les vastes avantages largement partagés de l’égalité des sexes. Ainsi, une plus grande participation des Indiennes au marché du travail pourrait ajouter 56 milliards de $ à l’économie du pays, enrichissant la main-d’œuvre de 27 %. Ceci, par voie de conséquence, pourrait réduire le taux de fertilité et favoriser un plus grand investissement en capital humain, entraînant une croissance et un développement soutenus et rapides.

Pour conserver ces gains, les États et leurs partenaires doivent investir dans des initiatives technologiques qui répondent aux besoins et aux préférences de jeunes filles et de femmes. La création de plateformes en ligne sécuritaires, engageantes qui renseignent les jeunes filles est un bon endroit où commencer.

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
*Directrice générale de Girl Effect