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Crise politique: Tergiversations, faux-fuyants et supputations

par Ghania Oukazi

  Le rejet en bloc par le chef d'état-major et vice-ministre de la Défense des préalables posés par le panel des 7 personnalités nationales a poussé son porte-parole, Karim Younes, a agiter sa démission avant de se rétracter «sur insistance des autres membres».

Installé pour mener un travail de médiation et de facilitateur auprès de l'ensemble des partis politiques, associations, organisations, représentants de la société civile et autres intellectuels, le panel s'est lancé plutôt dans des polémiques stériles qui laissent planer des doutes sur la sincérité de sa composante et sa disponibilité à convaincre de la nécessité «d'un dialogue national inclusif» pouvant aboutir à une feuille de route consensuelle dont l'objectif premier est d'organiser des élections présidentielles «incontestées et incontestables» comme précisé par la présidence de la République. La démission de Smaïl Lalmas suivie de celle de Azeddine Benaïssa à peine quelques heures, après qu'ils aient accepté d'en être membres, ressemble plus à un acte de «pousse-moi que je te vois» qu'une décision politique mûrement réfléchie.

Toutes les personnalités qui ont rencontré le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, savaient et ont compris qu'il n'était pas dans son programme encore moins dans ses prérogatives de répondre concrètement à des préalables déjà posés par d'autres avant eux et depuis longtemps. D'autant que Bensalah avait précisé qu'ils seront tous discutés au sein du dialogue national une fois lancé. Il a même été souligné en haut lieu que le panel pourra entre autres demander à la justice les dossiers des «détenus d'opinion» pour savoir exactement ce qu'il en est. En procédant par «anticipation», les membres du panel semblent être en quête de publicité, veulent faire parler d'eux en se mettant sous les feux de la rampe et montrer au hirak qu'ils prennent en charge toutes ses préoccupations. Ceci, mêmes s'ils ont précisé qu'ils ne le représentaient pas.

Si ces personnalités se sont précipitées à la présidence de la République pour rencontrer le chef de l'Etat avec ce background en tête, c'est qu'elles ont plaidé la mauvaise foi. Mais l'on peut croire que la nuit leur a porté conseil. Après s'être réunies le jeudi dernier, elles se sont ressaisies et se sont mises au travail comme si des instructions leur ont été données pour ne plus s'attarder sur des questions qui ne peuvent être résolues avant que le dialogue ne commence. Leur porte-parole est revenu à de meilleurs sentiments et ne parle plus de démission. Le panel programme une séance de travail pour demain dimanche. L'on annonce même que d'autres personnes ont décidé de se joindre à lui. En parallèle, c'est le Forum de la société civile ou Forum civil pour le changement (FCPC) qui a pris le relais et s'est érigé en son porte-voix.

Pour rappel, les membres du panel ont été choisis parmi la liste «des 13 personnalités nationales» que ce même forum a rendu publique il y a quelques jours. Le FCPC a ainsi repris ses préalables et a exhorté dans son dernier communiqué «le pouvoir en place à respecter les mesures d'apaisement et de confiance, à travers la levée des restrictions sur le hirak, les marches pacifiques et les espaces publics, la libération de tous les détenus du hirak et les détenus d'opinion, l'ouverture du champ médiatique et le départ du gouvernement». Il a souligné que «le dialogue doit représenter la rupture avec l'ancien système. Il doit concerner le peuple, toutes catégories confondus, et le pouvoir en place n'y sera pas partie prenante y compris la Présidence et l'Armée nationale populaire (ANP)».

En proposant son élargissement à d'autres personnalités, le FCPC a rappelé que le panel «ne représente pas le hirak, ni le peuple et n'est pas son porte-parole». Composé de plus de 70 associations et groupes socioprofessionnels connus comme déjà noté dans ces colonnes comme satellites du FLN et du RND, le FCPC veut se démarquer d'un système qu'il l'a non seulement enfanté mais formaté jusqu'à la moelle. Il semble aujourd'hui être instruit pour se tenir dans un juste milieu qui lui épargnera d'être fragmenté comme l'a été un certain nombre de partis du pouvoir. Avec un pied dans le pouvoir et un autre dans le hirak, le forum de Arar doit servir de courroie de transmission entre les deux parties. D'un côté, il soutient la résolution des préalables posés par les opposants et d'un autre appelle à la tenue «d'une conférence nationale» dont l'idée revient à l'ère Bouteflika alors président de la République et fortement défendue par les partis du pouvoir. La recomposition de l'échiquier politique national se fait ainsi sur la base de feuilles de route actualisées, à coup de tergiversations, de faux-fuyants, de supputations qui ne sont autres que les répercussions d'un bras de fer entre les clans du pouvoir qui ont toujours réussi à perpétuer le système politique postindépendance et ce, quelles qu'en soient les conséquences.