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La nécessite d'une réforme bancaire transformatrice en Algérie (1ère partie)

par Mounir Ben Abba*

Bien que l'Algérie a hérité d'un système bancaire colonial très développé, au lendemain de l'Indépendence, l'adoption du pouvoir en place d'un régime socialiste à la soviétique, une économie administrée et gestion centralisée connue comme Heavy Top System (Système de toit lourd).

Outre, la sur-obsession de régime de l'époque de la souveraineté, ainsi que l'acharnement aveugle de rompre avec tout ce qui est libéral ou lié à l'ancien colonisateur, malgré que l'Algérie manquait désespérément des cadres intellectuels, personnels qualifiés, des moyens financiers et infrastructures. Ce climat d'hostilité, désordre et d'incertitude a provoqué une fuite des capitaux sans précédent, ainsi qu'une abstention des banques de s'engager dans l'activité de crédit et s'orienter principalement sur le commerce extérieur. Les pouvoirs publics de l'époque ont poussé vers des mesures extrêmes en procédant à l'étatisation de tout le secteur bancaire et financier entre 1963 et 1966 en rendant les banques de la place des agents et guichets financiers de l'Etat. Cela pesait très lourd sur l'économie de pays et a précipité l'effondrement de ce précieux butin de la guerre de libération nationale (système bancaire).

Les actions entreprises par le régime entre 1962-1966 ont bloqué la structuration d'une économie réelle dont les banques auraient pu être le support comme l'ont fait beaucoup d'autres pays ayant une histoire similaire à la nôtre, à l'instar de l'Indonésie et l'Inde. Ce dernier qui a eu son indépendance en 1947, a maintenu tous les systèmes hérités des britanniques. Il a fallu attendre jusqu'à 1969, vint deux ans après l'Independence, pour entreprendre une réforme bancaire modeste en nationalisant partiellement un nombre des banques. Pour l'Indonésie, ils ont attendu jusqu'au 1959, quatorze ans après l'indépendance (1945) pour commencer à nationaliser leurs banques mais sans causer une rupture brutale au système bancaire colonial en dépit d'avoir en place un régime communiste autoritaire dirigé par Président Sukarno. Auparavant, l'Empire ottoman a complètement concédé le service public de banque et de banque centrale à la Banque Ottomane, une maison Franco-Anglaise, et cela n'a pas empêché Istanbul de rester souverain. Même les premiers Etats islamiques ont pris 76 ans après le premier Etat institué par le prophète Mohamed (SAAS) en 622 à Medina, pour instituer une monnaie islamique, le Dinar Islamique, en 698 en remplacement de Solidus Byzantin. C'était à l'époque du cinquième Omeyyade Khalife Abd al-Malik ibn Marwan ibn al-Hakam qui a aussi arabisé les Daouaouines (administrations publics) suite à la recommandation de son neveux Omer Ibn Abd al-Aziz (huitième omeyyade Khalif et largement considéré comme le cinquième Khalif Rached).

Au cours des 57 dernières années, le secteur bancaire et financier algérien a connu cinq reformes à traves une dizaine des mutations (1963, 1964, 1965, 1971, 1982, 1986, 1988, 1990, 1994, 1996, 2000, 2003, 2010 et 2013), une moyenne d'un nouveau règlement chaque 4 ans, l'un des systèmes les plus sur-réglementés au monde (Hard-Touch Regulation). Un rapport publié par the US State Département (Ministère des affaires étrangers des USA) en 2015 a décrit le secteur comme ayant une réglementation extrêmement complexe et déroutante. Alors que des pays comme le Royaume-Uni ( le bastion de banking modern) a connu trois réformes majeurs au cours de 325 dernières années, mais il a réussi de faire de London la capitale financière et bancaire du monde, créant 2.5 millions d'emploi (direct & indirect) et générant 160 milliards de dollars per an pour l'économie britannique, en plus 112 milliards d'US$ des revenus du pays venant du City of London ( la cité financière de Londres) représentant 11% du revenu global. L'Allemagne a eu deux réformes majeures au cours des 200 dernières années qui ont permis de former une base solide de son système bancaire. Ce dernier était l'un des systèmes les moins affectés par la crise financière globale de 2007-2008 (Crédit Crunch).

Certes, les réformes entreprises au cours des années 1990 et 2000 ont relativement changé la topographie de la place bancaire et financière algérienne. Néanmoins, ils n'ont pas vraiment réussi à changer le fond et le corps du ce système ni réaliser le changement voulu. Semblable aux réformes économiques, la mise en œuvre de ces changements n'est jamais allée assez loin pour faire the Break-through ( la percée) qui aurait permis la construction d'un nouveau système libéral. En effet, la manière dont beaucoup de ces réformes menées a empiré la situation sachant que les trente dernières années étaient marquées par les plus grands scandales dans le secteur bancaire et financier. Les mémoires d'El Khalifa Bank et la Banque commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA) sont toujours vives.

La réalité des choses est, peu importe si on est d'accord ou en désaccord avec sa politique, seul le président Boumediene a essayé de bâtir une économie productive et diversifiée pendant les années 1970, dans le cadre de ce qui a été appelé les «industries industrialisantes» par la valorisation des hydrocarbures, ainsi les investissements massifs dans l'éducation, l'université, l'élévation et l'amélioration du niveau de vie. Depuis sa mort et en particulier les trente dernières années, délibérément ou non, le système n'a jamais eu une volonté politique ferme, ni les compétences, ni des institutions fortes, ni des systèmes adéquats, ni processus efficaces et ni mécanismes performants de se débarrasser de l'économie dirigée et installer une économie libérale réelle. L'idée de pouvoir apporter des changements en adoptant des lois est juste une illusion et les textes publiés au Journal officiel sont seulement ancre sur papier. En outre, nous devons aussi admettre qu'il y avait des forces obscures et saboteuses qui elles étaient bien placées au sein de sérails de pouvoir qui ont toujours résisté à toutes sortes de réformes et qui se sont battus pour conserver le statu quo, car ils étaient les plus grands bénéficiaires du système. Par conséquent, toute l'économie algérienne à été transformée à une économie rentière dont l'exportation du pétrole et du gaz l'unique source de revenus pour l'économie nationale. Cela a été bien décrit par le plus ancien Directeur Général du Fond Monétaire International, FMI (1987-2000) Mr. Michel Camdessus qui a vécu une partie de sa jeunesse en Algérie « Ce pays (l'Algérie), en fait, ouvre l'histoire économique de son indépendance handicapé d'une double tare : les mirages soviétiques d'une planification centrale conduisant à de formidables gaspillages de la rente pétrolière et un interventionnisme colbertiste de la pire espèce, hérité de son colonisateur, dont il ne fera qu'accentuer les travers».

Malheureusement, en Algérie la bénédiction de la rente pétrolière s'est transformée en malédiction. Cette rente a conduit à un gaspillage et dilapidation des centaines de milliards d'US dollars, des millions de main-d'œuvre non optimisées ou même manqués, des années et des années du temps perdu. En outre, la rente a incité la construction d'un système très performant de corruption et presque une distraction totale d'un très beau pays. Ce qui s'est passé au cours des quarante dernières années, en particulier depuis l'an 2000 me rappelle d'une déclaration faite par Mr. David Clarke, Chairman du groupe consultatif sur la fraude au Royaume-Uni « La corruption n'est pas un événement ni un acte isolé; c'est un processus dont le but ultime est de créer une culture dans laquelle elle peut devenir la nouvelle normalité».

Pendant les quarante dernières années, l'Algérie a subi la plus terrible atrocité à son économie et ses finances par le système qu'était en place, une confiscation des biens publics par les teneurs du pouvoir, ses familles, alliés et clientèles soit au niveau central ou local. Ces gens du système se sont placés au-dessus des lois et considéraient que le pays est leur «patrimoine», s'appropriaient des ressources publiques pour leur propre usage personnel et celui de leurs familles, clients et alliés. Le système a non seulement mis le pays en faillite économique et gaspillé des centaines de milliards d'US dollar, le pire est qu'il a démoralisé la vie politique, économique, éducative, sociale, culturelle, artistique et même sportive. En plus, il a dévalorisé la science et le savoir, le travail et la compétence, l'honnêteté et le sérieux, la moralité et les valeurs humaines, la meritocracie et l'éthique.

Les pays du Golfe Arabe et du l'Asie du sud, tels que Thaïlande, Taiwan, Malaysia, Vietnam, Indonésie et Corée du sud qui étaient dans une situation économique mois confortable que la nôtre ou similaires dans les années 1970 et même au début des années 1980 ont su construire un système bancaire et financier relativement avancé. Nos frères et sœurs tunisiens et marocains, malgré qu' ils ont entamé leurs réformes bancaires quelques années après les nôtres, ils nous dépassent de loi maintenant et ont même réussi à réaliser des exploits remarquables, en particulier le Maroc qui a étendu son réseau bancaire à de nombreux pays africains. En outre, l'Afghanistan, l'Iraq, Tanzanie, Kenya disposent des moyens de paiement très modernes qui sont considérés pour nous des objectifs à attendre à long terme. A titre d'exemple, en Tanzanie, les taux de pénétration de Mobile Payment (Paiement par téléphone portable) ont atteint 65% dans les zones urbaines et environ 25% dans les zones rurales.

32% de la population de 52 millions d'habitants utilisent exclusivement de l'argent mobile en tant que services financiers, tandis que seulement 2% possèdent un compte bancaire traditionnel. Alors, Singapour, Hong Kong et Îles Caïmans (Cayman Islands) sont des centres régionaux de la finance mondiale.

A suivre

*Enseignant des Finances et Management