En cet été, la ville de Hennaya
(10 kilomètres au nord du chef-lieu de la wilaya de Tlemcen) souffre dès le
matin de la canicule qui s'abat sur la région. Dans le boulevard des Martyrs,
l'artère commerciale la plus importante de la ville, les clients déambulent
entre les caisses et les étals posés à même les trottoirs. Le soleil tape fort
sur les marchandises, ce qui pousse de nombreux marchands à humidifier à chaque
fois leurs produits avec de l'eau pour les empêcher de s'assécher. A vrai dire,
ils font face tant bien que mal à la canicule qui sévit ces derniers jours. «Il
fait très chaud ! Ça permet au moins de garder une atmosphère fraîche, pour
nous, pour les clients et pour les fruits et légumes. C'est tout ce que l'on
peut faire, les légumes et fruits ne résistent pas à cette forte chaleur. On
essaie de s'approvisionner de la quantité de marchandises dont on a tout juste
besoin, mais on jette quand même chaque jour des quantités de légumes et fruits
altérés par la chaleur. N'oublions pas que nous sommes au début de l'été. Il
devrait faire encore très chaud dans les semaines à venir avec des températures
proches des 50°, un temps à ne pas mettre le nez dehors, ni d'ailleurs les
légumes et fruits», souligne Miloud, un ancien vendeur de légumes et fruits à Hennaya. Faute d'un marché adéquat, de nombreux jeunes
vendent leurs marchandises à l'extérieur. «On n'a pas où se protéger de
l'exposition au soleil et de la chaleur ! Il n'y a rien à Hennaya
! Ils ont construit un marché couvert en zinc qui est entièrement déserté
aujourd'hui par tout le monde. Personne ne peut vendre ses marchandises dans
cette fournaise. Les gens grillent, suent et suffoquent à l'intérieur. Et en
hiver, ça gèle. D'ailleurs c'est pour cela que les clients l'évitent. Ils
préfèrent acheter directement sur le trottoir», explique Mohamed, vendeur de
fruits et légumes. Un jeune vendeur de poissons qui expose sur un trottoir ses
caisses débordant de poissons, se lamente sur sa situation de vendeur à la
sauvette : «J'en ai marre de vendre dans ces conditions ! Mais que vais-je
faire ? J'aimerais bien pratiquer mon activité dans un local propre et doté
d'eau afin d'assurer les normes d'hygiène et servir correctement mes clients».
Il faut le dire, cette situation alimente la polémique entre les propriétaires
des locaux commerciaux du boulevard des Martyrs qui ne tolèrent pas que les
devantures de leurs magasins soient occupées et les vendeurs à la sauvette qui
ne veulent pas abandonner leur seul gagne-pain. «Les trottoirs de ce boulevard
sont squattés à longueur de journée par ces marchands. Pourquoi on n'accorde
aucun intérêt à ces nombreux jeunes ? Est-ce normal qu'une ville de 40.000
habitants ne dispose pas d'un vrai marché de fruits et légumes ? Regardez, tout
est étalé à même le sol et il s'avère très difficile, voire impossible pour les
piétons de marcher facilement sur les trottoirs, alors que les deux anciens
marchés sont dans un état d'abandon !», indique un propriétaire d'un magasin de
la rue des Martyrs. Il faut noter que l'un de ces deux marchés est déserté
depuis plus de vingt ans. Aujourd'hui, il est devenu un urinoir comme le
souligne Sid-Ahmed : «Regardez, ça pue de l'urine partout. Tous les murs de cet
ancien marché sont abîmés! Nous sommes exaspérés par
les multiples soulagements des habitués de ce lieu très sale. Mais, après tout,
je trouve que c'est normal, car il n'existe pas de toilettes publiques à Hennaya ! Où vont pisser ces gens ?». Il raconte que,
avant, ce marché attirait des citoyens de Tlemcen et de partout qui adoraient
cet endroit pour faire leurs courses. Un collectif de commerçants de la rue des
Martyrs a adressé récemment une pétition aux services concernés pour trouver de
vraies solutions à ces problèmes de squat des trottoirs, d'hygiène et de
commerce illicite et informel. «Il faut redonner du charme à ce lieu ! On peut
par exemple l'aménager en locaux d'artisanat pour les jeunes de la localité»,
propose Sid-Ahmed. Et d'ajouter : «Il y a un grand local de l'ex-souk el fellah
à proximité de l'église, qui est fermé depuis deux décennies, pourquoi ne pas
le mettre à la disposition des jeunes de Hennaya en
attendant de réhabiliter les deux autres marchés qui sont actuellement
désertés».