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Amazighité : «Réfutation de la Réfutation1 !»

par Lagha Chegrouche* & Mohand Kacioui**

  Les tiers-instruits d'Algérie, en particulier certains cadres issus des écoles arabiques d'Egypte et d'Irak, dans les années 60, affirment sans preuves partagées par la communauté scientifique, ni faits historiques admis que les Amazighs, les premiers habitants d'Afrique du Nord, sont «venus de Yémen ou de Nejd ».

Ils réfutent la présence amazighe sur la terre d'Afrique, pourtant plusieurs fois millénaires. Un argumentaire repris récemment par Dr. Mohiédine Amimour2 (in Rai-Alyoum3, Journal en ligne de Londres), qui postule pour une «similitude de la langue tamazighe avec certains dialectes arabiques du Yémen». Aucun de ces Tiers-instruits n'est spécialiste des problématiques nord-africaines, ni linguiste ou anthropologue, ni archéologue ou historien ! Des allégations propagées par le Dr. Athman Saidi4, ancien représentant diplomatique de la Régence d'Alger, auprès de l'Irak et la Syrie.

De la négation de l'amazighité à la «pensée arabiste»

Une élite de la «pensée arabiste» d'Algérie déduit que l'Amazighité est juste une «création des laboratoires obscurs» et de ce fait, la question amazighe «menace l'unité nationale5» ! Les Docteurs de ces «an-ana6» sont nombreux en Algérie. Le dernier de cette élite qui a pris la parole est le Dr. Amimour, pur produit d'une Régence finissante (Régime, Système). Il se présente inquiet en «Penseur (Mofakir)», ce commissaire d'autrefois, Fakir et Vizir d'Agitprop pendant les années de plomb. Dr. Amimour était le conseiller (Fakir) de celui qui a expulsé l'Amazigh du M'Zab, Moufdi Zakaria. Pourtant le Commissaire Amimour était (peut-être non) dans l'obligation d'entonner l'hymne national d'Algérie (Qassamen), l'hymne national de Zakaria ! Son bannissement d'Algérie n'est-il pas dicté par ce fabuleux poème (je cite) !

«Nous sommes des cimes des Aurès

Et non, de Nejd ou Alep

Nos ancêtres, des Amazighs

Ils ne sont jamais Arabes

Ils disent Arabité en appartenance

Nous disons Koussaila (Aksyl) primal

et premier !»

(Traduction libre)

Le savoir n'est pas un récit (de «an-ana», ou des dires et allégations selon Dr. Mouloud Kacem, Dr. Athman Saidi, Dr. Ahmed Bennamane7, Dr. Abderhamen Chibane, Dr. Taoufik El Madani, Dr. Boualem Benhamouda, etc.), mais une connaissance académique pluridisciplinaire qui exige méthode et analyse critique ! Le savoir mobilisé à des fins partisanes ou politiques relève d'une conception totalitaire : selon le paradigme : «tout est arabe ou à arabiser» ! : Par exemple Dziri, de Jazzera (une ile) selon ces «érudits», pourtant c'est simple, en Tamazight, on dit «celui qui appartient à Ziri (D'ziri) !».

Cette élite diffuse en terre d'Algérie, une pensée étrange et étrangère, celle de Michel Aflak, (né en 1910 à Damas et mort le 23 juin 1989 à Paris), écrivain, historien, enseignant et homme politique syrien. Il fonde le «parti socialiste de la résurrection arabe ou parti Baas, un parti nationaliste arabe» prônant le «panarabisme», une forme d'échappatoire pour les Chrétiens d'Orient, avec le soutien de la France, par convergence d'intérêts. Les premiers, par crainte des effets d'un «islamisme» naissant et la France, pour faire face à l'influence britannique ! George Habache a rompu avec ces «arabistes par manque de soutien à la question palestinienne». Pour Moufdi Zakaria, Kateb Yacine8, c'était la négation de l'identité amazighe et le devenir nord-africain.

Pour l'Afrique du nord, nombreux intellectuels, officiers de la glorieuse ALN et dirigeants historiques du mouvement national ont très tôt compris le jeu et l'enjeu de cette nouvelle stratégie de mise sous-tutelle de l'Algérie, par la mise en place d'un «arabisme au service de Laurence d'Egypte» et avec la complicité de la dictature totalitaire qui a pris le pouvoir en 1965. Ce groupe d'arabistes voulait imposer une tutelle néocoloniale égyptienne sur l'Algérie.

Résistance identitaire et démocratique : de l'Académie berbère !

Face à ce «machiavélisme» agressif de la Régence d'Alger, de nombreuses personnalités ont tentées de s'organiser en exil, en France en particulier. Certains pour une perspective de «progrès et de démocratie», d'autres pour «l'identité et la démocratie». Des chefs historiques ont pris l'initiative de cette lutte démocratique de l'étranger : Ait Ahmed pour le Front des Forces Socialistes (FFS), Boudiaf pour le Parti de la Révolution Socialiste (PRS). Des officiers prestigieux de l'ALN s'associent pour le même combat : Commandant Hachmi Chérif pour le Parti de l'Avant-garde Socialiste (PAGS), Commandant Mohand Arab Bessaoud pour l'Académie berbère (ABERC), etc.

Des vétérans de la libération nationale et militants de la question berbères s'organisent dans le cadre d'une association «Académie berbère d'échanges et de recherches culturels» en 1966. Ils étaient convaincus que «sans l'identité amazighe, il n'aura pas de démocratie en Afrique du nord, parce que l'amazighité signifie souveraineté et liberté». Ce désir d'identité amazighe a permis de fonder un «puissant mouvement» avec des «petits moyens».

Dans l'adversité, face à l'opposition des régimes nord-africains, mais avec le soutien de ses sympathisants, le mouvement amazigh a pris de l'ampleur et son emblème identitaire flotte désormais de Siwa en Egypte aux Iles Canaries, en passant par le pays du Roi Ziri. Parmi ces nombreux militants et sympathisants, le Commandant Mohand Arab Bessaoud, l'éminent Mohammed Arkoun (Islamologue et Agrégé de Lettres arabes), Taous Amrouche, Jacques Bénet, ont joué un rôle de renouveau, parce que la question le désir amazigh transcende la question nationale et nord-africaine en Algérie.

Dr. Amimour dénonçait dans son article la présence de Jacques Bénet parmi les militants berbères, un résistant français. Il oublie la vassalité de cette élite arabiste à l'égyptien Mohamed Ghazali qui donnait «ordre de chasser» Mohammed Arkoun de son pays. Par ailleurs, ces arabistes n'ont aucune connaissance des fonctionnements démocratiques des associations en Algérie, en France ou ailleurs. ils ne connaissent que la culture des «laboratoires obscurs» et des «Ana - Ana», leur avait répliqué le Professeur Arkoun, lors d'une conférence sur «la pensée islamique» tenue à Alger, sous le patronage de Ghazali dans les années 70.

Le groupe arabiste oublie que la femme de Messali est une française et c'est bien elle qui a confectionné pour la première fois l'emblème national d'Algérie9, d'abord l'emblème du Parti du Peuple Algérien (PPA). Maurice Audin, ce professeur d'origine française de l'université d'Alger, martyr de la cause algérienne. Jacques Berque, ce professeur émérite et membre de l'Académie de la langue arabe en Egypte, mon ami, est également un catholique français, osant traduire le Coran et rédiger un ouvrage exceptionnel portant le titre «Relire le Coran». Monseigneur Duval, aussi Français, Cardinal de Notre Dame d'Afrique à Alger, était un «agent de l'ALN» selon le tortionnaire Jean-Marie Lepen. Quelle similitude !

Réfutation de la Réfutation !

Les Atériens, les Capsiens, les Puniques, les Numides, les Zénètes, les Zirides, les Algériens, et tous les Amazighs de tous les territoires d'Ifri et de Tanit, sont depuis des millénaires dans la caravane de l'histoire et de la souveraineté. Ils n'ont jamais cherché à déplacer la Table du Jugurtha ou à vendre les Aurès ou les monts de Djurjura. La Table de Jugurtha non loin de Theveste (Tébessa), près du Mont de Boukhadra), a bien été défendu, par des nombreux chevaliers célèbres ou anonymes, contre tous les envahisseurs d'Orient et d'Occident !

Fidèles à la tradition de leur Souverain Jugurtha, ces chevaliers de la «Table amazighe» ont toujours cherché à vendre Rome et non la Table, à vendre Rome au plus offrant pour la liberté de Cirta, capitale amazighe, citadelle de 150 milles chevaux de combat. Ceci n'a rien à voir avec des campements de bédouins s'abreuvant à l'urine de leurs chameaux en Arabie.

Dihya, Souveraine des Territoires zénètes, combattant en Femme libre l'envahisseur outre-terre. Elle régnait sur des territoires qui s'étendent de Tripoli à Timgad, ingénieusement irrigués, plus vastes et plus riches que le Yémen. La perle de ce vaste territoire est bien entendu Theveste avec son amphithéâtre de 5000 places ! Tanit était à Tunis et à Theveste !

Dr. Amimour devrait d'abord chercher à comprendre avant de réfuter le mot «Azul». Pourquoi les noms de centaines de villes d'Algérie et d'Afrique du nord commencent par la lettre «T, (en réalité Th)» : de Tébessa à Tindouf, de Tizi Ouzou à Tamanrasset en passant par Tissemsilt, Tiaret, Tigzirt, Touggourt, Tlemcen. Aucune ville au Yémen ne commence par un «T». Ensuite, pourquoi les noms amazighs se conjuguent majoritairement avec la lettre «Z» comme Yezza, le symbole de l'emblème identitaire amazigh que vous réfutez ! Le symbole «c-» n'est pas une «fourchita» (fourchette), sauf pour ceux qui pensent avec leur vendre !

La lettre «Yezza» symbolise les géants de la mythologie d'Afrique du nord. C'est la lettre la plus répandue en terre d'Afrique du nord. Pour l'exemple : D'abord Azul, ensuite le Président Zeroual, le Roi Ziri, le peuple Zénète, le mont de Zbarbar, le colonel Zighoud, le Martyr Zabana, l'écrivain Zaoui, le citoyen «Zoubir», «Z-ouvrier» ou «Zawali»», un lieu de culture «Zaouïa», etc. Défi si vous trouvez une signification arabe à des milliers de mots combinant le «T» et le «Z» comme la rebelle kabyle «TiZi» ! C'est une culture différente !

Rais Hamidou n'est pas Ottoman, Dr. Amimour, commissaire de la Marine ! Il est un authentique algérien des Issers, Souverain des Mers, aux Portes de Mezghana contre l'envahisseur d'outre-mer. Les US Marines craignaient ses assauts devant Alger, Tripoli ou Cap Djanet ! L'Arabie n'a jamais mené de bataille en mer, malgré la qualité de leurs guerriers sur Cheval !

Mezghana la «Belle Blanche», tant aimée par Ben Mehidi ou Abane, pour la souveraineté de son peuple et la contribution de ses élites. Sinon, les Lions des Aurès ou de Kabylie n'ont jamais manqué à l'appel de souveraineté. Ben Boulaïd ou Krim, faiseurs de la première des souverainetés modernes : Le premier novembre ! Ils n'étaient ni «badissiens», ni «arabistes». Le premier étant un amazigh des Aurès, le second, un amazigh de Kabylie ! Le 22 février est le prolongement libre et démocratique d'une nouvelle souveraineté.

Les partisans de la suppléance politique ou la soumission culturelle s'agitent mais la caravane de l'amazighité progresse ! Un groupe d'enragés, de supplétifs haineux de leur histoire et leur identité. Parmi ce groupe qui a perverti la pensée souveraine d'Algérie, avec le concours de leurs relais outre-terre et outre mer, en Orient et en Occident, il y a le Commissaire Mohiédine Amimour. Son nom ne signifie pourtant rien en arabe et sa fonction fait de lui un agitateur même à 85 ans et non, le médecin de formation, le penseur réfléchi qui interroge les faits historiques. Une élite érige la tutelle et la soumission comme un paradigme enseigné dans les écoles d'Algérie : «Okba est un héros, Kahena, une sorcière». Le groupe arabiste professe allégations, mythes et «an-ana» au mépris de l'intelligence algérienne et à la réalité historique. Dites-nous où se trouve le sépulcre de Tarek ? Ce général berbère qui a conquit l'Espagne, est mort dans une prison, parce qu'il a refusé les ordres de Damas !

Des Amazighs pour toujours !

Les habitants d'Afrique du nord ne sont pas venus du Yémen. L'Atérien de Bir-Al-Ater dans les Aurès est le plus ancien site de présence humaine, daté de 150 000 ans avant celui d'Ifri n'Ammar au Maroc. Les sites atériens se multiplient à partir d'environ 130 000 ans, quand le climat devient plus favorable en Afrique du Nord. La dernière découverte près de Sétif repousse la limite de la présence humaine en terre d'Afrique à 2 ou 3 millions d'années. Pas contente cette élite de la Régence, parce que la pensée arabiste affirme que nous sommes des Yéménites.

L'époque capsienne évoquait une culture mésolithique, plus moderne et plus raffinée, centrée principalement sur le bassin Bir-Al-Ater et Gafsa, à l'Est d'Afrique du nord. Une époque qui a duré de 10 000 à 6 000 ans, avant notre ère. Cette période porte le nom de la ville de Gafsa en Tunisie, qui était Capsa, sous domination romaine !

Les peuples d'Arabie n'ont jamais considéré les peuples d'Afrique du nord comme Arabes. Kateb Yacine que vous avez pourchassé et combattu avec le concours de la Régence qui a détruit le pays, disait «peuple arabe et peuple de langue arabe» ou «peuple français ou peuple de langue française» ! Quelle intelligence, quelle sagesse !

Vous affirmez contre toute vérité que l'amazighité, «histoire, langue, emblème, symbole» est une «création outre-mer», encore la main de l'étranger ! Quel est votre diagnostic Docteur pour la Ligue arabe, une créature de la main britannique ? Le chevalier libérateur Laurence d'Arabie ? La Mosquée de Paris ? Ou encore, l'Institut du monde arabe, financé en partie par l'Algérie, une créature mitterrandienne pour copier Napoléon et son Royaume arabe d'Afrique du nord ? Quelle cécité ! Vous ne parlez jamais de l'Emir et de son traité de Tafna ou de la composition de son état-major ! «Le chameau ne voit que la bosse de son voisin», selon un proverbe touareg.

Tout ça pour dire que «l'Afrique du nord n'est pas Amazigh» et que le mot «Amazigh» avec «Azul» sont une «création outre-mer» ! Donc «l'Afrique est française» selon l'Emir ? Elle est arabe selon l'élite de la pensée arabiste ?

Non, l'Afrique du nord est souveraine, «l'Afrique aux Africains» disait le Roi Massinissa. Elle ne sera jamais française, ni arabe ! Elle est certes fortement influencée par la civilisation islamique et la culture arabe et française. Mais elle n'est ni arabe, ni française sur le plan ethnique ! Averroès n'est pas Arabe. Il réfute la «an-ana» haineuse des arabistes ! Réfutation de la Réfutation !

*Chercheur Université Paris 1

**Journaliste Paris