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Une terrible épreuve ! (1ère partie)

par Slemnia Bendaoud

  Désormais l'Algérie est à la croisée des chemins. L'heure est vraiment grave ! Une décision de fond, sincère et très courageuse s'impose de droit. La génération de Novembre 54 tire à sa fin. Le régime qu'elle a enfanté vit ses tout derniers jours. Le changement est imminent.

Quelques rares égarés d'une ère devenue désormais surannée tentent d'empêcher ce changement évident et plutôt nécessaire. Le conflit intergénérationnel connaît ses plus forts moments. Il est à l'image de ce fruit bien mûr, prêt à tomber au sol, en chute libre, faute justement d'être cueilli à temps !

Nous sommes à la veille de sa déflagration au vu de l'absence de sa canalisation et judicieuse exploitation. La rupture épistémologique de la société algérienne s'apprête à livrer un nouvel espace social et de nouveaux acteurs politiques pour prendre le relais d'un ordre devenu si ancien, inopérant et complètement désuet. Le péril est vraiment présent, à tout instant. Le risque est assez grand. Le danger pointe du nez. Un sursaut doit être envisagé pour sauver le pays de cette grave impasse. La conscience collective est interpellée et une action commune doit être envisagée sans tarder. Il faut agir vite et très promptement !

Une nouvelle page de l'Histoire de l'Algérie indépendante s'écrit en ces moments forts où une grande Révolution est à inscrire à son crédit. Le temps est à mettre à profit les bienfaits de cet évènement historique dont dépend justement l'avenir du peuple algérien et de la Nation. La société est l'objet d'un profond changement. Il en fera sa mue. Ce changement doit s'opérer et se négocier avec la participation des tenants du pouvoir ou alors sans leur concours. Ils en seront les vrais artisans sinon ils resteront fidèles à leur nature et aux tyrans dont ils ne pouvaient se désolidariser. Le choix demeure encore possible, tant que les opportunités de se ranger au peuple existent encore. Tant que l'espoir est permis avant de s'évanouir?

L'accouchement de ces nouveaux rapports de force entre citoyens et gouvernants se fait dans la douleur mais aussi dans la résignation d'un peuple déterminé à recouvrer tous ses attributs et autres nombreux droits sacrés de sa citoyenneté. Pouvoir et peuple tirent chacun de son côté sur cette corde raide dans un bras de fer durable et permanent qui tourne de manière progressive à l'avantage de ce dernier.

Rupture de ban et faux-semblant

Au moment où ce peuple se trouve en rupture de ban avec cette gouvernance de fait encore sourde à ses cris de détresse et totalement ignorante de ses justes doléances, les tenants du pouvoir se confinent, eux, dans ces faux-semblants de solution qui participent de cette volonté d'imposer un statu quo politique dont ils tirent encore leur force et de nombreux dividendes.

À l'image de certains tout petits carnivores plutôt domestiques de nature qui rêvent d'un statut privilégié de vrais maîtres de la jungle, dominée par de grands fauves à la réputation fort connue ou bien reconnue, eux aussi espèrent encore s'imposer à leur monde dans cette arène politique même s'ils manquent pourtant de disposer de tous les leviers propres à leur hégémonie et domination.

Entre le rêve et la réalité, il existe en effet ces rares passerelles qui matérialisent l'espoir pour en constituer un réel projet, lorsque celui-ci est bien ficelé, souvent à notre portée et surtout objet de l'émanation d'une ambition mesurée et très ordonnée. Tout le reste ne peut être que le produit de fausses illusions. À ces fausses illusions du régime, se joignent également de faux prétextes dans un raisonnement obtus ou tordu qui tend manifestement à laisser les choses en l'état, en signe d'un refus déguisé pour échapper à cette logique de changement très profond qui l'oblige à revenir à la raison et au bon sens citoyen, de nature à profiter à la nation au lieu de le faire exclusivement au profit d'une caste de prédateurs et d'affairistes.

Les fausses solutions ne peuvent venir à bout des vrais problèmes. On a beau tenter de cacher la vérité, elle finira par sauter aux yeux. Le péril est dans ce souci de toujours nier cette image que nous renvoie le miroir de la vie. Il réside dans cette hypocrisie qui nous ronge de l'intérieur même de notre être. Notre mal est si profond. Un peu trop grand ! Très complexe, en fait.

L'illusion de paraître et la trouille de disparaître

Tout chaton à la robe bariolée de jaune et de noir à la manière d'un fauve naissant et rugissant a beau espérer devenir un tigre lorsqu'il sera grand. Il n'en fera, dès l'âge adulte, plutôt qu'un chat des plus ordinaires. N'en déplaise d'ailleurs à tous ceux qui y avaient pourtant misé sur une vraie tunique d'un tigre en devenir.

Même drapé de l'habit d'un véritable tigre, le chat restera toujours un chat ! Avec le temps, c'est cette illusion farfelue de l'image d'un tigre dressée, longtemps caressée à la hâte ou miroitée à l'excès, qui s'éclipsera pour de bon. Aux tout premiers rayons de soleil matinal, le petit carnivore ouvre grands les yeux, revient donc à la raison et surtout à sa réelle dimension en se pourléchant les babines.

Ne survivra finalement de son aventure vraiment osée ou très risquée que les traces indélébiles de l'échec patent d'un rêve resté encore inachevé ou demeuré en suspens, qui le renvoie manifestement à refaire ses classes au palier inférieur, tel un mauvais élève incapable d'imaginer une esquisse à son avenir, à un moment où le sentiment de se prendre en charge monopolise l'essentiel de son attention et ambition.

Les lendemains d'un rêve inachevé font perdre le sommeil pour déboucher sur de très longues nuits blanches. Ils restent ancrés et subordonnés à ces calculs inopportuns qui ne mènent nulle part. Sauf à ce semblant de solution qui fait table rase sur tous les projets antérieurement échafaudés pour contraindre les êtres humains à au plus vite revenir au réel.

Ombre et lumière des étoiles du système

En vingt ans de règne, Abdelaziz Bouteflika aura fait pire que tous ses prédécesseurs réunis dont la période de leur gouvernance équivaut pourtant au double de la sienne. Et pourtant, Dieu seul sait combien d'occasions inestimables a-t-il eues mais dont il ne put bien malheureusement en tirer le moindre profit !

Abstraction faite de l'epsilon Tebboune, de la courte parenthèse Benbitour, de cette période à mettre entre guillemets de Benflis et de la mise en apposition de l'ère Belkhadem, Sellal et Ouyahia comptent pour beaucoup dans le régime de Bouteflika. Ils (ces deux derniers) représentent sa cheville ouvrière et réelle vitrine. Celle qui s'étale sur tout le long de la façade de son pouvoir au règne sans partage. Ils sont ces deux noms qui marquent ces deux périodes où on agissait à découvert au nom du maître de céans, longtemps absent du pupitre du palais, sans même avoir à lui demander la moindre permission ou encore une quelconque procuration.

L'été sera très chaud cette année à El Harrach (banlieue est d'Alger). Et depuis la fin du printemps, on y afflue déjà, sans discontinuité, en solo ou en groupe compact de comparses et d'amis liés par des intérêts purement mercantiles sur les têtes desquels tombent sans discontinuité toutes ces tuiles dont les débris auront touché l'ensemble des membres de leurs familles et l'économie du pays.

Chaque semaine ramène son lot quotidien de «surprises sur prises» ou de wagons blindés de «potes du régime» à mettre sous mandat de dépôt et surtout ces tout «nouveaux pensionnaires» au statut très relevé de VIP à immédiatement interner, qui le font dans ce défilé de voitures de sécurité bariolées qui filent tout droit du tribunal d'Alger vers la prison d'El Harrach.

Depuis deux mois environ, l'établissement pénitencier d'El Harrach, ce trou d'enfer synonyme de sinistre purgatoire, est devenu paradoxalement cette destination de choix où oligarques et hommes du système, traînant derrière eux de nombreuses casseroles, s'y rendent la main dans la main en grand nombre, à tour de rôle ou encore les uns et les autres enchaînés et confondus avec leurs nombreux méfaits et abjects forfaits.

Au point où ce lieu de détention, qui faisait peur rien qu'à évoquer son nom, focalise à son intérêt tous les feux de la rampe d'une presse comme surprise par l'ampleur du mouvement de personnes qui y affluent, et attire en même temps tout cet impressionnant nombre de badauds et autres curieux venus s'agglutiner sur les trottoirs des artères situées sur son long itinéraire.

Nul besoin de souligner que ce sont ses invités de marque qui font cet important évènement et la «Une» des journaux et télés à la recherche d'un quelconque scoop de haut prestige. En ces moments de grande canicule, ils volent la vedette à tout leur monde pour que les informations les concernant soient suivies avec minutie et au détail près par un grand nombre de citoyens.

Et tel un zoo très prisé ou vraiment courtisé, il reçoit, presque chaque jour de semaine, de jour comme de nuit, ses hommes en cage -vraiment très dangereux pour certains- qui lui parviennent en ces «colis à poster dûment numérotés et solidement menottés» et autres arrivants embrigadés dans ces véhicules cellulaires aux gyrophares activés, tous prêts à être archivés dans les fourrées de ces sombres gueules d'enfer dont certains y demeureront toute leur vie, les fers aux pieds.

Ces ex-hommes forts du pouvoir, hier encore sous les feux de la rampe des télévisions du monde, quittent à tour de rôle leurs pupitres et leur tour d'ivoire pour venir en groupe, sous les huées d'une population surexcitée et affichant sa grande colère, s'agglutiner dans cet espace si sombre et très sinistre vers où convergent habituellement ces ratés de la société et autres très dangereux individus à surveiller de très près.

Ainsi, passent-ils sous la contrainte et sans la moindre transition du plein soleil à une ombre très compacte, de cette vie en rose à ce trou noir des ténèbres carcérales, de ces chics et variés costumes-cravates à cette tenue délayée et débrayée des prisonniers, de cet esprit très hautain d'un homme fort du système qui tient en main le lourd gourdin du pouvoir à un simple pantin qui vit de ces strapontins de la misère pénitentiaire?

En ce moment, ils vivent dans l'ombre : l'ombre d'eux-mêmes et celle de leur -hier encore- étendu pouvoir qui aura fini par les fourvoyer de manière brutale dans les ténèbres de leurs sombres cellules. Ils n'arrivent pas à s'en défaire ou à se libérer de leur trou d'enfer. Eux qui pouvaient ouvrir toutes les portes du Paradis aux leurs et à leurs amis et commis, se trouvent être aujourd'hui si fermement cloîtrés entre quatre murs, complètement isolés de ce monde extérieur qu'ils narguaient sans mettre la forme du haut de leur huppé pupitre.

Ils ne pouvaient imaginer un tel sort au vu de toutes les prérogatives et pouvoir qu'ils détenaient ou en disposaient. À chaque grille de protection du pénitencier qui se referme derrière eux ou sur eux, c'est un de leurs nombreux galons qui disparaît dans la nature. Aussitôt arrivés à la porte d'entrée de leur maudite cellule, ils sont déjà sans grade, complètement dénudés sinon bien nus, tel un roi déchu de son trône.

En rejoignant leur lieu de détention, ils sont déjà abattus, complètement fichus, incapables d'esquisser le moindre geste ou encore de prononcer un quelconque mot. Et seul le sommeil est en mesure de les extraire -pour un court moment d'ailleurs- à leur périlleux calvaire. Ils mesurent, à présent, tout le sens donné à cette -si chère- liberté des citoyens à laquelle ils ne lui accordaient pourtant un quelconque intérêt.

Leur bougie qui scintillait naguère de sa lumière jaillissante est-elle arrivée au stade de son extinction ? Les sombres jours de leur incarcération sont-ils le prélude à des remords arrivés en renfort à un moment où ils prennent bonne conscience de leur tort ? Tout reste possible, même si, d'un cas à un autre, les sentiments ne sont plus les mêmes.

Tel père, tel fils !

Dans la tradition humaine, le concours des parents dans la pérennité de la famille et de sa légendaire réputation passe impérativement par une très solide formation des jeunes générations. Tout comme la noble règle de l'enseignement et du savoir de manière générale qui impose à l'élève le devoir de dépasser son maître, celle d'essence dynastique, tribale ou purement familiale met au défi le rejeton de la contrée de faire bien mieux que ses aïeuls.

A suivre