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Réflexions sur le retard de notre agriculture (Suite et fin)

par Maiza Touhami*

Le principe est simple : l'Etat apporte le capital initial de la coopérative qui sera remboursé sur 5 ans mais ne détient aucun droit de vote, par la suite et chaque année 1/5e des actions de la coopérative seront remplacés et l'attribution se fera en fonction de la capacité contributive de chacun et c'est dans la même proportion que sont distribués les excédents d'exploitation distribuables après remboursement des frais engagés par chaque coopérateur et les frais communs. Ces coopératives sont exonérées d'impôts et font pendant à un secteur privé existant dans le domaine agricole. L'intégration dans le domaine agricole se fait soit par l'hérédité soit par la formation. A la fin de la formation le candidat sera reçu par les services qui lui proposeront plusieurs activités et après son choix il continuera à bénéficier d'un suivi et d'une garantie de revenu minimum, pendant 5 ans et devra suivre les indications qui lui seront fournies et qui résultent des analyses des laboratoires, des données climatiques et ses produits seront écoulés dans des réseaux. Après cette période initial il pourra garder son autonomie ou adhérer à des circuits coopératifs.

L'Etat diffuse l'information, assure la formation et l'intégration des jeunes à travers des manifestations périodiques (concours entre les produits animaux et végétaux pour créer l'esprit communautaire et le préserver). C'est le seul pays où le paysan a un revenu de parité garanti par l'Etat qui ainsi maintient l'attractivité de l'agriculture qui est aussi importante que l'armement.

L'Algérie a envoyé, une fois, en 1964 quelques cadres de l'Agriculture aux USA pour s'inspirer des méthodes américaines. Après 6 mois ils sont revenus et n'ont été accueillis à l'aéroport d'Alger que par l'ambassadeur des USA. Tombés dans l'oubli le ministère de l'Agriculture leur a proposé des postes à Alger. L'un de mes frères a été l'un d'eux et a refusé cette proposition car elle ne correspondait pas à sa vision. En effet malgré son jeune âge à l'époque et indépendamment de sa participation active dans les réseaux de soutien à la Révolution, il avait après une formation agricole, intégré le réseau des structures de développement de l'Agriculture (mis en place, tardivement, par les Français pour développer l'arboriculture par la mise en place de vergers pilotes pour former les paysans et leur apprendre les bases du métier. Dans son esprit la formation devait déboucher sur la transposition de ce modèle coopératif de proximité. Il a gardé cette vision et après le début de l'opération de Révolution agraire qui l'a contraint à opter pour relever les ruines du patrimoine familial qui a été fortement affecté par une mise en quarantaine qui a duré plus de 10 ans (Le secteur agricole privé n'avait pas accès au matériel et le coup de grâce est venu avec la nationalisation, en 1968, des compagnies américaines qui fournissaient le matériel agricole et surtout la pièce de rechange.

Chaque pièce étant codifiée en cas de panne, le bureau local du concessionnaire s'informait en temps réel de la disponibilité sur les réseaux national et international et pouvait dire le temps que prendrait l'acheminement et préconisait aussi les solutions de substitution éventuelles (usinage, adaptation). L'Agriculteur pouvait ainsi optimiser les rendements. La mise en quarantaine qui a suivi l'indépendance a eu raison des hommes de bonne volonté. La sélection des semences en autarcie du secteur privé et ce réseautage ont été décapités.

L'option ne l'a pas empêché de lancer une coopérative privée pour les éleveurs bovins de la région d'El Eulma (wilaya de Sétif) qui a compté plus 2.000 adhérents et qui ne comptait que sur ses membres mais cette structure a été absorbée par d'autres structures publiques qui devaient disparaître (la liquidation par la vente du matériel au enchères publiques a masqué les dégâts financiers occasionnés par la gestion du secteur). Actuellement l'Agriculture continue à se chercher car de l'autogestion l'on est passé à l'usufruit et maintenant à la concession de 40 ans pour le secteur nationalisé alors que le secteur privé a continué à s'émietter et les héritiers finirent par momifier les terres pour les livrer à des prédateurs.

La vérité est que la gestion administrée a été un échec cuisant et renouvelé et que le seul espoir reste de lancer une réflexion sur une mise en valeur axée sur des objectifs précis et mettre en place un vaste réseau de soutien avec des laboratoires d'analyses des sols de chaque zone pour une politique réelle de protection des sols. Une adaptation des cultures et de l'élevage à chaque terroir, en fournissant un effort sur la mécanisation en multipliant des outils de proximité.

Des expériences sont, actuellement menées, dans des zones sahariennes mais l'autisme régnant fait déjà que l'on répète des erreurs qui ont déjà été commises par le passé parce que l'on n'a pas traité de façon préventive la salinité des sols. L'on remarque déjà que des pivots sont abandonné notamment près de Ouargla comme ce fut le cas, plus au sud, sur un périmètre ou les pivots n'ont même pas été récupérés. Si j'ose parler d'autisme c'est qu'en consultant une bibliothèque consacrée à la terre et à l'eau, j'ai pu lire comment s'est développée la Californie par l'action d'une vrai Agence d'Etat et l'influence des cendres volcaniques sur la maîtrise de ce phénomène salin. (J'ai transmis des courriers documentés aux ministères de l'Agriculture, de l'Hydraulique, de l'Environnement en 2014 et j'ai rappelé mes courriers vers le Chef du gouvernement, en octobre 2017 qui m'a confirmé la réception mais juste la réorientation vers ses ministères).

Cette démarche, je l'ai entreprise après avoir participé à des expositions, à Oran où déjà les plaines du Sig se plaignaient des remontés salines qui touchaient les plantations.

L'Algérie dispose de cendres volcaniques similaires à celle utilisées en Californie qui est devenu l'un des plus gros producteurs de lait et de viande des USA. L'usage de ces cendres volcanique existe depuis des siècles au Japon et dans les pays asiatiques et d'autres pays (la Turquie, l'Italie, etc).

Des matières similaires emballées en sacs de 25kg sont importées de divers pays (Espagne, Italie, Turquie, Belgique (transit) origine de Chine. Les partenaires dans les domaines de l'assainissement préfèrent ne pas ramener leurs expertises nationales dans les domaines de l'assainissement.

En remontant dans le temps l'on remarque aussi que les Français en Oranie ont affronté le même problème et la restauration des sols n'a été possible que par l'utilisation des déchets ménagers de l'époque (cendres résultant du quotidien de l'époque et qui ont été rachetées et utilisées à raison de 60 tonnes par hectare, avant la mise en place de drains qui malheureusement seront souvent détruits par les paysans eux-mêmes pour protéger les propriétés familiales à l'époque de la Révolution agraire. En transformant des terres irriguées en terre arable simple on arrivait à relever la fourchette de nationalisation de 5 à 30 ha. Mais faire le chemin inverse surtout que ce changement de destination sans expérience sera très nuisible puisque le climat jouera un rôle.

Quelle chance de vaincre la rupture de la génération qui s'est produite depuis l'indépendance parce que nous n'avons pas su préserver les acquis et surtout dépasser les préjugés qui ont assimilé des résistants qui ont pu récupérer des terres aux colons par une capacité que je ne peux qu'admirer parce que parfois ces acharnés vivaient comme leurs ouvriers, partageant tout et par leurs réserves accumulées pouvaient au besoin profiter de la faillite des colons pour racheter leurs terres vendues aux enchères. C'est ce qu'ont fait plusieurs membres de ma famille qui ont pu concilier les normes de la religion, de la communauté de destin et la lutte pour récupérer cette terre qui sera souvent violée par des usurpateurs au nom de l'utilité publique simulée.

Un jour, j'ai pu affirmer que l'Algérien n'étant pas assez mature (cela se passait en 1974 en pleine période des 3 révolutions qu'à connues notre pays) c'est Dieu qui décide pour nous et pour le mieux. Ainsi à l'indépendance il a fallu un président qui n'a pas respecté la propriété privée des colons et cela nous a épargné une guerre civile, 10 ans plus tard, alors que depuis 1965 et à l'époque de mes dires l'Algérie avait 2 régimes en place comme dans un restaurant ; le socialisme et l'on mange à sa faim donc le menu et le capitalisme qui permet plus de profit et donc plus de risque et l'on mange à la carte quand on a les moyens. Depuis cette époque le contrôle externe de notre pays subtil a conduit à des impasses, Ayant une vision très fermée par des organes régulateurs dépendant de l'expertise étrangère et du contrôle des changes, nous consommons les blés importés et nos terres sont des mouroirs de nos blés sous l'ivraie implantée et l'érosion par un matériel agricole inadapté. La solution est d'adopter des lois adéquates pour promouvoir l'Agriculture coopérative communautaire par la base en copiant le modèle américain qui a si bien réussi parce qu'il a capitalisé un savoir réel engrangé et qu'il a la chance d'avoir eu un F.D. Roosvelt qui a lancé le reboisement massif, la mobilisation de la jeunesse et le système coopératif actif et les vraies agences d'Etat sans obédience politique.

Si je suis arrivé a cette vision globale c'est à travers des lectures d'une importante documentation qu'accumulaient les Associations agricoles de l'époque coloniale mais aussi à travers le suivi de certaines études faites à une époque où pour convaincre le Président Boumédienne de ces possibilité il a fallu revenir à une affirmation de l'adage populaire : « Un homme fort et celui qui arrive à faire remonter l'eau vers le haut de la pente ». Cette réflexion, je l'ai faite pour essayer de rattraper cette rupture de génération qui reste d'actualité car nos structures, bâties par le sommet sans réflexion sur le terrain, sont stériles par nature.

*Expert comptable