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Trump veut mettre le pétrole iranien hors-jeu

par Akram Belkaïd, Paris

À partir du 2 mai prochain, il sera plus que risqué d’acheter du pétrole à la République islamique d’Iran. En effet, l’administration américaine vient de décider de ne pas reconduire les exemptions qu’elle avait accordées à de nombreux pays importateurs de brut iranien. Pour mémoire, les Etats-Unis ont quitté l’accord international sur le nucléaire iranien en mai 2018 et ont décidé d’imposer des sanctions à Téhéran. Des sanctions qui seraient «les plus dures de l’histoire» à en croire Washington. Les protestations des clients de l’Iran et les risques de flambée des cours de l’or noir durant l’été 2019 avaient obligé l’administration Trump à reporter ces sanctions de six mois. Mais cette indulgence semble terminée.

Sanctions en vue

Pour Washington, il est donc désormais temps de «réduire les exportations iraniennes à zéro pour soustraire au régime sa principale source de revenus» comme l’indiquait un communiqué de la Maison-Blanche datant du lundi 22 avril. En clair, les acheteurs de brut iranien seront passibles de sanctions américaines, notamment financières mais aussi pénales. On ne répétera jamais assez que ces sanctions ne se fondent sur aucune résolution des Nations unies et qu’elles sont uniquement le fait de la volonté unilatérale des Etats-Unis d’imposer leur volonté et de punir le régime iranien. Rappelons aussi que Washington estime que toute transaction effectuée en dollar américain, y compris à l’extérieur des Etats-Unis, expose l’acheteur et le vendeur concernés à la loi américaine. C’est ce qui permettra, entre autres, les poursuites contre les importateurs de brut iranien.

La détermination américaine est évidente et les marchés ne s’y sont pas trompés. Le baril de Brent flirte avec la barre des 75 dollars, son niveau le plus haut depuis six mois. Dans un contexte hautement tendu, les prix pourraient même augmenter et l’hypothèse d’un baril à 80 dollars d’ici la fin de l’été n’est pas exclue même si les autorités américaines font pression sur leurs partenaires du Golfe pour qu’ils compensent la diminution des quantités de pétrole iranien écoulées sur le marché. Comme on pouvait donc s’y attendre, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) devraient jouer ce rôle d’ajustement. Leur aide est d’autant plus attendue par Washington que l’embrasement actuel de la Libye risque, là aussi, de constituer un facteur haussier pour le marché.

Quelques réfractaires

Quels sont les pays concernés par les possibles sanctions américaines ? Il en est deux qui ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils n’obéiraient pas à Washington. C’est le cas d’abord de la Chine, déjà confrontée à un bras de fer commercial avec son grand rival. Pour Pékin, pas question de se priver de brut iranien même si les autorités chinoises sont enclines à «conseiller» à Téhéran de faire des concessions en se retirant, par exemple, de Syrie. L’autre pays récalcitrant est la Turquie dont les relations avec les Etats-Unis se sont beaucoup dégradées au cours des six derniers mois. Une aggravation de la crise entre ces deux membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) n’est pas à exclure.

Enfin, d’autres clients de l’Iran vont essayer de convaincre Donald Trump de leur accorder un nouveau délai. Il s’agit de la Corée du Sud, de l’Inde et du Japon. Rien ne dit que le président américain sera enclin à leur répondre favorablement. Cela les obligera à se tourner vers d’autres fournisseurs dont, peut-être, les producteurs de pétrole de schiste en Amérique du Nord.