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Tlemcen: Agriculteurs cherchent main-d'œuvre désespérément !

par Cheikh Guetbi

Le déficit en matière de main-d'œuvre dans différents secteurs, particulièrement celui de l'agriculture, au niveau de la région extrême nord-ouest, était auparavant justifié par l'activité de trafic illicite transfrontalier qui a détourné les jeunes et moins jeunes.

Mais actuellement, malgré que ce phénomène ait été quasiment éradiqué et la saignée économique arrêtée grâce aux différents dispositifs consentis par les pouvoir publics, telle la tranchée dissuasive par ses dimensions, creusée le long de la frontière ouest de la wilaya de Tlemcen, les outils juridiques ainsi que le renforcement de l'effectif humain des gardes-frontières et la modernisation des moyens de surveillance, le problème demeure entier et la disponibilité de la main-d'œuvre se fait paradoxalement encore plus aiguë.

Cette situation semblait une aubaine pour les différents secteurs d'activité, principalement ceux de l'agriculture et du BTP, mais la pénurie est toujours là. Et, aussi bien les producteurs que les investisseurs ou les entreprises souffrent de ce déficit à l'origine bien souvent de retards dans la réalisation des projets de développement local dans ces régions frontalières. Le doigt est pointé vers les dispositifs d'aide à la création d'emplois. Selon un producteur de pomme de terre dans le périmètre irrigué de Maghnia, ces dispositifs tels l'Ansej et la Cnac sont pour beaucoup dans ce déficit en ouvriers agricoles. Au lieu de peiner à la cueillette, l'ouvrier est plutôt attiré par le moins contraignant, moins pénible et plus rentable tel le transport de voyageurs, de marchandise ou encore le créneau de la location de véhicules pour laquelle l'engouement est plus prononcé. «Ces dispositifs dont le but est d'inciter les jeunes à travailler ont eu l'effet inverse. Ils ont incité le travailleur agricole au moindre effort, car une fois le camion, le bus ou les véhicules acquis, il recrute le chauffeur ou le gestionnaire, jouera le rôle de son patron et demeure improductif?» conclut notre interlocuteur. Selon cet autre propriétaire d'une oliveraie de Beni Boussaid, la main-d'œuvre parmi les migrants subsahariens était pour les producteurs agricoles un important appoint mais, même avec celle locale qu'ils sont contraints d'aller chercher dans les régions environnantes ou des communes enclavées de certaines wilaya de l'ouest, avec toutes les conséquences qui en découlent tels leur transport ou leur prise en charge sur le site, elle demeurait néanmoins insuffisante.

Avec l'actuel départ massif des migrants, la situation semble se compliquer davantage et le monde rural accuse, plus que jamais, un déficit inquiétant en main-d'œuvre, ce qui n'est pas sans conséquence sur l'avenir agricole dans certaines régions frontalières à vocation agricole telle Maghnia qui vit ce cruel déficit. Selon le témoignage d'un producteur de pommes de Maghnia, le secteur agricole traverse une période très difficile à cause de ce cruel déficit en main-d'œuvre qui risquerait de mettre à néant tous les efforts consentis par les pouvoirs publics pour la relance du secteur de l'agriculture.

Certains parmi les grands producteurs ont déjà abandonné le métier ou vendu leurs terres, et le périmètre de la plaine de Maghnia qui se prête mieux à la production de fruits et légumes est envahi par l'olivier. Le constat pousse réellement au pessimisme. Certains parmi les grands producteurs, pour pallier ce déficit, ont décidé de mécaniser au maximum les tâches agricoles comme c'est le cas pour ce vigneron de Houanet dans la daïra de Nedroma qui affirme avoir investi 150 millions dans leur mécanisation. «Désormais, la pulvérisation et les traitements phytosanitaires, l'aération de la base des arbres, le désherbage et le ramassage et la réduction des branches après la taille ou l'élagage sont faits par les machines spécialisées.

C'est le manque de main-d'œuvre qui m'a poussé, ainsi que nombreux collègues, à investir lourdement dans la mécanisation. Seule la taille est faite manuellement», déclare un producteur d'agrumes qui s'avère par ailleurs être le seul à avoir réussi le pari de l'aquaculture sur 3 producteurs-pilotes de la région de Maghnia grâce à la mécanisation. Celui-ci qui nous cite certains agriculteurs que ce manque de main-d'œuvre a contraints à décrocher et à vendre leurs propriétés. Il cite également ces oléiculteurs qui, à défaut de main-d'œuvre, ont préféré stimuler à travers des avantages des jeunes pour la cueillette des olives ou cet autre de Tounane qui a investi plus de 100 millions dans 3 hectares de petits pois et, pour attirer la main-d'œuvre, a proposé de céder la récolte aux cueilleurs et la leur acheter 20 DA le kg cueilli. Pour notre interlocuteur, la situation est au bord de la catastrophe si une solution bien réfléchie n'est pas trouvée. «Faire appel à la main-d'œuvre des pays subsahariens, frontaliers avec notre pays, pourrait être une partie de la solution aux côtés de la valorisation du métier du travailleur agricole local», conclut notre interlocuteur.