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Chine vs USA, cela continue

par Akram Belkaïd, Paris

On s’y attendait, cela s’est concrétisé. Huawei, le géant chinois des télécommunications vient d’engager des poursuites contre le gouvernement des États-Unis. La plainte a été déposée auprès de la justice de l’État du Texas avec pour objectif l’annulation de la loi interdisant aux administrations américaines d’utiliser des équipements et des services de Huawei.

Pour les dirigeants de l’entreprise chinoise, il s’agit de dispositions restrictives qui violent le droit commercial américain. Pour l’administration Trump, il s’agit surtout de «protéger» le gouvernement d’un éventuel espionnage chinois.

Des négociations en cours

Dans cette affaire, comme nous l’indiquions dans une chronique précédente, il y a surtout la bataille pour les parts de marché de la future 5G qui pèsent. En excluant Huawei des marchés publics en matière de télécommunication, Washington ouvre la voie aux opérateurs américains qui se débarrassent ainsi d’un concurrent très entreprenant. Mais rien n’est encore joué. Devant la justice texane, le gouvernement va devoir apporter les preuves que Huawei est vraiment une menace pour la sécurité nationale. Il ne s’agit pas simplement de dire et de répéter, comme le fait Donald Trump, que les Chinois espionnent les États-Unis, encore faut-il prouver que Huawei est acteur de ces manœuvres.

On sait aussi que les poursuites entamées par Huawei interviennent alors que Pékin et Washington négocient pour mettre un terme à leur différend commercial. De fait, il est impossible que Huawei ait engagé des poursuites sans avoir l’aval du gouvernement chinois. C’est donc un levier de plus dans des négociations plus larges. Une véritable partie d’échecs se joue actuellement. Elle dessine ce que sera le paysage commercial mondial pour les années à venir. Les États-Unis ont beau jeu de relever que Pékin ne respecte pas les règles de l’ouverture. Ils ont aussi raison de relever qu’aucune compagnie américaine ou occidentale ne pourrait entreprendre des poursuites juridiques en Chine contre l’État chinois lui-même. Mais, de façon générale, ce qui se joue c’est la capacité des États à imposer des restrictions à la concurrence étrangère.

Le libre-échange en question

Avec Donald Trump à la Maison Blanche, c’est tout un paradigme qui vole en éclats. Pendant des années, depuis les présidences de Bill Clinton, le libre-échange, le démantèlement tarifaire et la réduction des restrictions douanières ont constitué le mantra de nombre d’organisations internationales et de gouvernement. L’admission de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) fut l’apogée de cette évolution voulue par les firmes transnationales (FTN). Aujourd’hui, la donne change.

En Europe, la Commission européenne, libre-échangiste par nature et vocation, fait face à la contestation venue de mouvements et de gouvernements populistes. Cela génère des critiques et des cris d’orfraie, mais cela permet de rappeler une vérité toujours éludée : la démocratie ne rime pas forcément avec libre-échange. Ce qui se passe actuellement entre les Etats-Unis et la Chine vient nous le rappeler de manière régulière.