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Rachid Nekkaz, de l'incompréhension au mépris !

par Nabil De S'Biha

«Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres, et à donner l'apparence de la solidité à ce qui n'est que vent.» George Orwell

En Algérie, nous avons vu des scandales, des méthodes de gangsters, des complots, des règlements de comptes... Et nous avons compris, depuis, que le système est capable de tout. Mais le 03 mars 2019, nous avons vu un autre niveau. Au fait, après les explications de Rachid Nekkaz, les Algériens ont compris le coup théâtral qui s'est produit au Conseil constitutionnel. Un fait unique qui s'est réalisé sous les regards des journalistes, qui ne croyaient pas leurs yeux. Un choc sans précédent, qui a suscité un malaise palpable parmi les présents. Au fait, en imitant les méthodes du système en place, qui a osé présenter un candidat-cadre, Rachid Nekkaz croyait pouvoir déjouer, selon ses dires, un complot visant sa personne. Il pense et dit que la modification des lois qui organisent ces élections présidentielles, était faite afin de l'empêcher d'être candidat.

En jouant comme le système, Rachid Nekkaz s'est approprié les défauts que le peuple refuse, en essayant, en ce moment, de faire dégager ce système. Le peuple aspire à des qualités humaines qui dépassent le cadre d'une candidature électorale. Il aspire voir de la sincérité chez des personnes qu'il considère plus proches de lui que celles que lui offre ce système. Il aspire à des sacrifices qui lui rappellent la glorieuse guerre d'indépendance.

Le peuples veut éviter la reproduction des conditions qui ont fait émerger ce système. Il ne veut pas revoir un autre loup sous l'apparence d'un agneau. Il ne veut pas des gens qui se moquent de son génie. Oui, comme les autres peuples, les Algériens ont leur propre génie. Les manifestants ont prouvé, si besoin, que ce peuple est extrêmement habile, patient, généreux. Il a montré, surtout, qu'il est mature, difficile à manipuler et de surcroît, pacifique même dans des moments difficiles.

Rachid Nekkaz en voulant utiliser sa « roue de secours », méprise totalement le peuple qu'il veut représenter. Se cachant derrière des arguments fallacieux, il pense justifier un tel acte, condamnable. Je ne connais pas l'aspect juridique de cette histoire, mais ça reste moralement indéfendable. Les Algériens qui ont parrainé sa candidature l'ont fait parce qu'ils avaient confiance en lui.

Ils voyaient en lui ce qui fait défaut aux autres : un rapprochement générationnel, une rupture radicale avec la «légitimité historique» que chante le système. Ils pensaient avoir, en lui, l'homme qui comprend le désarroi de la jeunesse algérienne. Ils voyaient en lui le nouveau Ferhat Abbas, qui a sacrifié son statut pour l'accomplissement du rêve algérien. Son utilisation massive des réseaux sociaux a fait de lui une star auprès des jeunes. Il a pu conquérir ces jeunes, parce qu'ils voyaient en lui le damné de la terre, qui subissait l'injustice de ce système, comme la subit le peuple depuis l'indépendance. Mais, au regard des événements récents, on est enclin à penser qu'il n'a rien compris à ce peuple. Soit il est con, soit il prend les Algériens pour des imbéciles. Après cette comédie, qui a fait pleurer beaucoup d'Algériens, on comprend aisément le fait que Rachid Nekkaz prend le peuple pour des imbéciles. En écoutant sa vidéo, on a la certitude qu'il a pensé à ce «stratagème» depuis le début.

À cet effet, une question s'impose : sachant qu'il n'avait aucune chance d'être candidat, au regard de la Loi, pourquoi n'a-t-il pas pensé à être honnête avec son public, ses fans ? Au fait, il aurait dû proposer dès le départ cette éventualité et laisser les Algériens décider de le suivre ou non dans cette aventure ? Mais il a préféré jouer comme le système : malhonnêteté viscérale qui repousse les gens, en discréditant le militantisme politique.

Au fait, il avait plusieurs choix, mais il a préféré cette option qui le place, in fini, au même niveau de bassesse que le système qu'il prétend combattre. Surtout quand on apprend de sa bouche que son plan consiste à placer sa «roue de secours» pendant une semaine, juste le temps d'un coup d'État institutionnel qui lui permettra d'être le Vrai Président. Pathétique.

À peine commencer, il annonce déjà la couleur. Et si on pousse cette logique au bout, on se rendra compte qu'il est pire que le système. Il pense que la finalité peut justifier la manière. Il est sans vergogne, et vient nous dire qu'il s'agit d'un «pragmatisme» qui lui permettra d'accéder au pouvoir, puis changer le système ! Au fait, Orwell disait, dans son roman 1984, que : «Personne ne s'empare du pouvoir dans l'intention d'y renoncer un jour. Le pouvoir n'est pas un moyen, c'est une fin.»

Cela dit, soyons optimistes pour sa candidature et disons que sa «roue de secours» sera élue. Dans ce cas, la légitimité, nécessaire pour exercer pleinement la présidence lui fera défaut au moment même où il exécute son coup d'État institutionnel. Au fait, il y a un aspect très curieux chez Rachid Nekkaz, à savoir son entêtement. Il veut participer à cette mascarade électorale comme si sa vie en dépend. Tous les Algériens savent que personne ne peut gagner contre le candidat-cadre de ce système. Les cercles du Pouvoir ne peuvent accepter une défaite. Pour gagner, ils vont transgresser toutes les lois et jouer tous les coups possibles et invraisemblables.

Pour faire un parallèle, participer à cette élection présidentielle c'est être chaussé avec des patins à glace pour un sprint de 100 m. Le résultat est joué d'avance. C'est donner également du crédit à cette mascarade électorale. Donc, on se demande vraiment pourquoi une telle abstinence ? Sachant bien que le peuple a exprimé, fort et clair, son refus catégorique, le mieux à faire aurait été de se retirer comme l'ont fait d'autres personnes. Avec ces manières de gangster, on peut dire que Rachid Nekkaz donne du crédit à la famille du chef de l'État, qui gère le pays à sa place et par procuration, tacitement admise et acceptée.

Cela dit, il y a encore des Algériens qui le soutiennent et qui ont vu en lui un fin stratège ! Chose désolante, car un minimum de connaissances en histoire suffira à leur changer d'avis. L'Algérie a déjà connu des personnes qui ont passé par ce genre de subterfuges pour justifier leurs actions. Le coup d'État du dictateur Boumediene a été rebaptisé «la correction...» Et la défense du peuple avait été leur argument phare. Mais la suite des événements a démontré, si besoin est, que celui qui a pris le pouvoir par la Violence est incapable de comprendre les revendications de son peuple. La violence de Boumediene était militaire, celle de Rachid Nekkaz est plutôt symbolique : la candidature de « sa roue de secours ». Et elle annonce, si elle aboutit, une tyrannie.

Pour en finir avec cette escroquerie, disons que l'histoire ne peut garder, dans ses annales, ce genre de personnes. Il sera oublié rapidement. Personne ne va penser à lui, si ce n'est pour en rire. L'Algérie est la patrie des braves, rappelons-le. C'est la terre des hommes qui ont fait la guerre à la troisième puissance militaire de l'époque, la France. Mais malheureusement, nous sommes arrivés à une telle bassesse : une roue de secours veut concurrencer un cadre. L'histoire ne pardonnera jamais les trahisons. Tôt ou tard, le peuple reprendra la parole pour dire sa Vérité à ceux qui le méprisent. Comme disait Orwell : «En ces temps d'imposture universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire.» Et les Algériens prouveront, encore une fois, que c'est un peuple de révolutionnaires.