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Bank of Algeria et la planche à billets (Suite et fin)

par Mounir Ben Abba*

Le Venezuela, semblable à l'Algérie, son économie est totalement dominée par l'industrie du pétrole et du gaz, 98% de revenus du Venezuela. En dépit d'avoir les plus grandes réserves de pétrole prouvées, au monde, avec une production de 3 millions de barils / jour, en 2011.

Ce chiffre a, maintenant, chuté à un peu plus d'un million de barils / jour. Le Venezuela connaît, actuellement, la crise économique la plus dure, jamais vécue par un pays.

Selon Forbes, l'hyper-inflation s'est établie à 80.000 %, en 2018. Le pays vit une énorme tourmente politique et l'Etat lui-même est sur le point de s'effondrer.

Similaire à l'Algérie, l'effondrement des prix de l'or noir en mi - 2014, a causé une chute drastique des recettes de l'Etat. Les mesures prises par la Banque centrale du Venezuela, en augmentant la masse monétaire et dépréciant la monnaie vénézuélienne, le bolivar, pour s'attaquer au déficit budgétaire énorme de 58 %, en 2016, ont contribué à la situation actuelle. Bien qu'aucune statistique officielle ne soit conservée, le marché noir (le marché parallèle) attribue au bolivar une valeur quasi-nulle. En effet, le gouvernement est en faillite et a même manque de payer sa dette extérieure estimée à 185 milliards de dollars. Maintenant, le Venezuela n'a plus la possibilité d'imprimer de bolivars pour rembourser sa dette, sa monnaie n'ayant déjà presque plus aucune valeur. La baisse de la valeur du bolivar a rendu la vie presque impossible. Le fait que le gouvernement paie pour des produits essentiels de la population, tels que l'alimentation et médicaments, qui sont pour la plupart importés.

Les Vénézuéliens font la queue dans l'attente de la possibilité d'acheter l'essentiel quotidien et le pays est tellement en ruine que le gouvernement manque d'argent pour imprimer de l'argent.

De même, le Nigéria, 7ème plus grand exportateur de pétrole au monde avec une production de 2,5 millions de barils / jour, et la plus grande économie d'Afrique, 2,5 fois plus grande que l'Economie algérienne. Le Nigeria a, également, eu recours à l'assouplissement quantitatif entre 1999 et 2007. Durant cette période, les prix ont connu une augmentation de plus de 12 fois la moyenne (1.200 %) par rapport à ce qu'elle était avant l'injection de liquidités. Les prix des journaux ont augmenté d'environ 700 %, les frais de transport de 500 %, le ciment de plus de 400 % par sac, un terrain qui se serait vendu à 150.000 nairas (monnaie de Nigeria) en 1999 à Lagos et vendu pour 2 millions de nairas nigérians, en 2007, qui représente une augmentation entre 1.200 et 2.000 %.

Selon la tendance générale, les prix ont fortement augmenté entre 300 et 2.000 % par rapport aux précédents, en 1999. Parallèlement à la flambée du taux d'inflation, le Nigéria a vu sa productivité chuter de 100 %, en 1999, à 46% en 2007.

En dépit de tous les arguments sur l'efficacité de financement non conventionnel, le résultat final est :

1- : Le financement non conventionnel (Quantitaive Easing) est plus susceptible de fonctionner dans une économie bien établie, bien structurée et productive, dotée d'un système bancaire et financier fort.

La mesure agit comme une injection de carburant dans un moteur séché pour le redémarrer à nouveau. Mais si le moteur économique est en panne, l'injection de l'argent ne lancerait pas l'économie.

De plus, les mesures ne peuvent pas durer éternellement et doivent disposer d'un calendrier précis où la sortie de l'assouplissement quantitatif doit être décidée avec des objectifs de date.

2- : Pour que la politique donne des effets positifs, elle devrait s'accompagner d'autre actions, principalement une restructuration fondamentale du cadre financier, telles que la relance budgétaire et la réforme bancaire.

De toute évidence, si la mesure ne s'accompagne pas de véritables réformes, les pays, s'ils ne font pas attention, risquent davantage de s'enfoncer dans une spirale d'assouplissement quantitatif, comme le Venezuela ; même, s'il réussit à s'échapper de la ?planche à billets'. Ce ne serait pas pour longtemps, ils finiraient toujours par revenir au financement non conventionnel, encore une fois, le cas du Nigéria, qui a eu recours à l'assouplissement entre 1999-2007 et encore une fois, en 2015, près de 10 ans après sa sortie de la politique.

Bien que, j'ai le sentiment que le gouvernement utilise le financement non conventionnel plutôt que l'emprunt extérieur comme le moins mauvais choix. Cependant, nous ne devons pas nous leurrer et croire que la création monétaire réglerait mystérieusement le financement de notre économie. Les cas vénézuélien et nigérian montrent que l'ingérence du gouvernement a aggravé la situation. Par conséquent, ces deux expériences doivent constituer une grande mise en garde concernant l'action du gouvernement et sa capacité à provoquer une hyper-inflation des prix. Je maintiens toujours que le seul moyen de remédier à la situation actuelle du pays consiste à promouvoir des réformes structurelles holistiques, profondes et sérieuses afin de construire une économie productive, résiliente et prospérante.

Cela nécessite d'abord des réformes de la structure, les organes et le fonctionnement de l'Etat, lui-même, afin d'établir un état de droit s'appuyant sur des lois justes et équitables, et un système judiciaire compètent et indépendant. Redéfinir un nouveau rôle pour l'État en tant que «Régulateur» plutôt que «Gestionnaire» et limitant l'interférence de l'Etat dans des affaires qui ne l'approprie pas et réduisant sa taille volumineuse qui encombre la vie et les affaires de tout le monde.

Même ces institutions étatiques s'encombrent, elles-mêmes, perturbent et dérangent le fonctionnement, de l'une et l'autre, au point où chacune devient presque redondante. Sans mentionner les coûts faramineux de leur fonctionnement. L'avancement de la technologie et digitalisation a rendu le monde tel un petit village, nous devons donc en tirer partie pour améliorer notre service public. Par exemple, le pays doit-il avoir 48 wilayas, 535 daïras et 1.541 communes où un pays comme le Royaume-Uni (l'Angleterre, l'Ecosse, les Pays de Galles et l'Irlande du Nord) a uniquement 418 communes. Sa capitale, London, la plus grande d'Europe est le centre financier et bancaire du monde, qui a une population de presque 10 millions d'habitants, mais reçoit 15 millions personnes, par jour, a uniquement 32 communes ou la wilaya d'Alger a 57 communes. Le pays doit-il avoir 28 ministères sans compter leurs agences et auxiliaires attachées où le gouvernement d'un grand pays comme l'Allemagne est composée d'uniquement 16 ministères.

Le pays doit-il avoir 2 chambres du parlement totalisant 606 membres où un pays comme l'Inde qui a une population de 1,35 milliard d'habitants, son parlement contient 543 député(e)s. Le pays doit-il avoir 142 entres ambassades, consulats et représentations à l'étranger où un pays comme l'Australie a uniquement 54 ambassades. Le pays doit-il avoir plus de 2.5 millions de travailleurs dans la Fonction publique, représentant un pourcentage de 25% de nombre total des employés, (secteur privé et public) ou aux USA la Fonction publique représente 14% de nombre total des employés.

Le pays a donc besoin d'un projet de société qui s'appuie sur l'identité, les traditions, les coutumes, l'histoire, les attentes et les aspirations de notre peuple. Une conception d'une nouvelle structure d'Etat décentralisée, convenablement organisée, appropriée et adéquate, en donnant plus de pouvoir, d'indépendance et de responsabilité aux collectivités locales et aux institutions de base que ce soient universités, écoles, mosquées, hôpitaux, dans la gestion de leurs affaires. L'établissement des autorités légitimes et crédibles et dignes de confiance de peuple. Renforcement, protection et sauvegarde des institutions de contrôle et audit, que ce soient Parlement, Cour des comptes et autres organes. L'installation d'un system et culture de meritocracy, professionnalisme, spécialisme, expertise, compétence, intégrité et honnêteté dans l'attribution des tâches et missions, nominations dans les postes et la gestion des affaires du pays. Se débarrasser de népotisme, favoritisme, régionalisme, tribalisme, clanisme, clientélisme, bureaucratie et corruption.

Le pays a besoin d'un leadership fort, responsable, compétent et conscient, seulement de l'intérêt du pays. Une bonne gouvernance, basée sur le savoir, la science, l'intelligence, l'expérience, la transparence et la sagesse et arrêter le règne de l'ignorance, le calcul politique, le bricolage, la médiocrité, et ?je-m'en-foutisme'. Des institutions compétentes modernes, efficientes et efficaces qui assurent un fonctionnement rentable et efficace, des opérations sans causer des perturbations et des désarrois dans les affaires des autres et loin des agendas et calculs politiques. Des mentalités, des cultures et des attitudes ouvertes, souples, positives « Can do attitude », réalistes, pragmatiques et raisonnables, loin des idéologies, des démagogies ou des doctrines spécifiques. Valorisation du travail, du temps, de l'éthique et de la morale. L'investissement dans l'amélioration de la qualité de l'Education, de la Santé et du bien-être de la société.

*Enseignant des Finances et Management