Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Ingérence occidentale au Venezuela : l'errance des pays rentiers vulnérables (1ère partie)

par Chems Eddine Chitour*

« Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent » Jean-Paul Sartre (le diable et le bon Dieu)

Plus que jamais nous assistons à un nouveau partage du monde voulu par les Etats-Unis et ses vassaux européens. Le maître mot est s'emparer des ressources minières notamment pétrolières des pays faibles. Le Venezuela en est un exemple à l'échelle de l'Amérique du Sud. Pourquoi cet acharnement sur un pays qui, sans être un modèle comme tous les autres pays occidentaux, est visé à plus d'un titre, d'abord par son histoire récente. Il faut savoir en effet que le président Chavez avait pu maintenir un certain taux de croissance qui a permis le développement du Venezuela et ceci grâce notamment à sa politique pétrolière. Les guerres commencent toujours par des médias-mensonges, tromper, manipuler, conditionner les opinions publiques à accepter que des gens qui ne se connaissent pas puissent s'entretuer au profit de gens qui se connaissent mais ne s'entretuent pas. Le même scénario d'il y a 9 ans qui avait été appliqué contre la Syrie, s'applique au Venezuela : révolution populaire contre le régime - la communauté internationale reconnait le leader de l'opposition - Les Usa et l'opposition demandent à l'armée de ne pas tirer sur la population - Les médias font croire que des militaires des généraux font défection - Les amis du Venezuela libre iront de pair avec la création de l'armée vénézuélienne libre. Tous les jours les médias parleront de défection d'un grand nombre de militaires, afin de déstabiliser l'armée...

Justement le malheur du Venezuela est triple. D'abord il est proche des Etats-Unis qui ne veulent à aucun prix à leur proximité un gouvernement récalcitrant. Il se trouve aussi que le Venezuela renferme des réserves pétrolières et gazières importantes qui sont enviées par les Etats-Unis Pourtant la production de pétrole est si élevée, en fait, qu'en octobre 2018, les Etats-Unis sont maintenant indépendants sur le plan énergétique. C'est de fait un accaparement des richesses d'autrui et tous les moyens sont bons pour y arriver.

La préparation du coup d'Etat

Des documents internes du gouvernement des Etats-Unis présentent les grandes lignes d'un programme de «guerre économique» contre le Venezuela (The Grayzone). Un document interne du gouvernement révèle des tactiques de «guerre économique» et d'»armes financières» que les Etats-Unis utilisent contre le Venezuela au nom de la «promotion du capitalisme» (...) L'aveu discret confirme ce que le gouvernement de Caracas répète depuis des années : les Etats-Unis mènent une guerre économique contre le Venezuela, le pays qui possède les plus grandes réserves de pétrole du monde. Les sanctions paralysantes imposées par l'administration Donald Trump ont privé le Venezuela de milliards de dollars. Le professeur Steve Ellner, un éminent spécialiste de la politique vénézuélienne, a expliqué dans une interview accordée à Moderate Rebels que les sanctions ont isolé économiquement Caracas : «la crainte de représailles de la part de l'administration Trump a poussé la communauté économique mondiale à abandonner l'économie vénézuélienne. Cela équivaut pratiquement à un blocus du Venezuela»(1).

Comment opèrent les Etats-Unis ?

Pour étrangler un pays et procéder à un changement, point besoin, écrit Ben Norton, d'opérer comme on le faisait avant par la démocratie aéroportée comme ce fut la cas pour Allende au Chili - peu commode à mettre en œuvre de nos jours on met en jeu les «armes financières» et la «guerre économique». WikiLeaks a publié un extrait de ce qu'il a décrit comme le «manuel du coup d'Etat américain», le livret des Forces d'opérations spéciales de l'Armée de terre sur la guerre non conventionnelle. Dans le manuel de guerre non conventionnelle, l'Army Special Operations Forces (ARSOF) écrit que les Etats-Unis «peuvent utiliser la puissance financière comme une arme en temps de conflit jusqu'à une guerre générale à grande échelle». Et il a noté que «la manipulation de la force financière des Etats-Unis peut influencer les politiques et la coopération de gouvernements étrangers» - c'est-à-dire forcer ces gouvernements à se conformer à la politique américaine (1).

L'objectif de ces dernières sanctions américaines est clair : Steve Mnuchin, secrétaire au Trésor de Trump et ancien directeur de l'information de Goldman Sachs, a indiqué que Juan Guaidó, le leader du coup d'Etat soutenu par les Etats-Unis au Venezuela, utilisera PDVSA et les actifs pétroliers basés aux Etats-Unis pour financer son gouvernement parallèle non élu. L'OFAC, qui, selon l'ARSOF, «a une longue histoire de guerre économique», a pris soin de souligner, tout en sanctionnant la PDVSA, que cette compagnie pétrolière d'État est «une source primaire de revenus et de devises étrangères du Venezuela». Le manuel de guerre non conventionnelle de l'ARSOF indique clairement que ces politiques ne sont pas seulement une campagne de pression pacifique ; elles font partie d'une stratégie explicite de «guerre non conventionnelle» visant le Venezuela » (1).

L'avis de la vraie communauté internationale et des Nations Unies

Les médias occidentaux ne s'arrêtent pas de parler de chaos, d'isolement du gouvernement de Maduro et pourtant près de trois semaines après le déclenchement du coup d'Etat, le gouvernement n'est pas renversé. Mieux, ce que les Occidentaux appelèrent la communauté internationale se résume à une trentaine de pays sur injonction de l'empire, et obéissance des vassaux européens à l'exception de l'Italie qui n'a pas voulu suivre l'Union européenne. On trouve aussi Israël et les petits pays indexés sur les Etats-Unis ; même en Amérique du Sud il n'y a pas d'unanimité, le Mexique et la Bolivie se démarquent.

Le secrétaire général des Nations Unies, Guterres, a annoncé que l'ONU ne reconnaissait que le gouvernement Maduro. L'Italie a bloqué la reconnaissance du Mec au hasard par l'Union européenne alors que l'Union africaine soutient Maduro et s'est prononcée contre la tentative de coup d'Etat. La Russie, la Chine, la Turquie membre de l'OTAN, l'Iran et la Syrie ont exprimé leur soutien au gouvernement Maduro. Au total, le « soutien international » que la tentative de coup d'Etat menée par les Etats-Unis a obtenu jusqu'à présent est assez mince » (1).

Le premier rapporteur des Nations Unies à se rendre dans le pays depuis deux décennies, le juriste Alfred de Zayas, a déclaré à The Independent que les sanctions internationales dévastatrices imposées au Venezuela sont illégales et pourraient constituer un crime contre l'humanité (...) «Les sanctions économiques et les blocus des temps modernes sont comparables aux sièges des villes des temps médiévaux». Il a ajouté : «Les sanctions du XXIe siècle tentent de mettre à genoux non seulement une ville, mais des pays souverains». Premier rapporteur de l'ONU à écrire sur le Venezuela depuis 21 ans, M. de Zayas a déclaré à The Independent : «Quand je dis que l'émigration est en partie attribuable à la guerre économique menée contre le Venezuela et en partie aux sanctions, les gens n'aiment pas entendre cela. Ils veulent juste le simple récit que le socialisme a échoué et qu'il a failli devant le peuple vénézuélien». Et les Etats-Unis n'ont pas été les seuls dans cette agression. La Banque d'Angleterre a également refusé de rendre au gouvernement souverain du Venezuela ses 1,2 milliard de livres de réserves en or (1).

Le 26 janvier lors des discussions au Conseil de sécurité sur les troubles qui secouent le Venezuela, Vassili Nebenzia, ambassadeur de Russie auprès de l'ONU, s'est demandé s'il ne fallait pas plutôt parler des Gilets jaunes. la France n'a pas du tout été appréciée En définitive, les Etats-Unis n'ont pas obtenu le soutien de la communauté internationale en faveur de la reconnaissance du Mec au hasard en tant que président du Venezuela. Jusqu'à présent, seuls le Canada, Israël et quatorze Etats d'Amérique latine ont pris ce parti. Aucune organisation internationale ne soutient sa position. Le Mexique et l'Uruguay, tous deux membres du groupe de Lima - ont refusé de reconnaître Guaido et ont appelé à de nouvelles élections « (2).

Les médias occidentaux et le prétexte de la famine

Il n'y a guère de doute sur la position des médias « occidentaux » au sujet de la tentative de coup d'Etat menée par les Etats-Unis au Venezuela. The Economist soutient cette stratégie de famine. Les agences de presse supposées neutres ne valent pas mieux que le magazine archi-néolibéral. Le bureau de Reuters en Amérique latine a également changé son image d'en-tête pour celle du Mec au hasard Il est revenu en arrière après avoir été semoncé (...). Pour l'AFP des dizaines de milliers de manifestants vont affluer dans les rues de la capitale vénézuélienne #Caracas samedi pour soutenir les appels du président de l'opposition Juan Guaido à la tenue d'élections anticipées alors que la pression internationale sur le président #Maduro s'intensifie pour qu'il quitte le pouvoir (...) C'était à 7 h 10, heure locale de Caracas, plusieurs heures avant le rassemblement. Un tel « rapport prédictif » est maintenant censé être une « nouvelle ». Un peu plus tard, l'AFP a posté une vidéo » (3) :

Philippe Arnaud écrit à propos des médias français tous unanimes à diffuser des fakes news : « j'ai regardé le 2 février (2019) au journal télévisé de 20 h de France 2 les informations sur le Venezuela. Ces informations empruntent la forme d'une présentation entièrement en faveur de Juan Guaido (...) Dorothée Olliéric, la journaliste de France 2, souligne que, derrière Nicolas Maduro, il y a la Russie, la Turquie, l'Iran, la Chine. Cette énumération est révélatrice : elle est révélatrice en ce qu'elle met en avant des pays que les médias français s'ingénient, à longueur d'émissions, à présenter comme antipathiques, car dictatoriaux, envahisseurs, comploteurs, amasseurs d'armes et d'arsenaux, prêts à fondre sur d'innocents voisins. Le Venezuela est donc mis au même banc d'infamie qu'eux. Mais elle est aussi révélatrice en ce qu'elle « oublie » de mentionner les pays latino-américains qui soutiennent Nicolas Maduro, à savoir le Mexique (plus grand pays hispanisant du monde), la Bolivie, Cuba et le Nicaragua. Le titre du Point est révélateur d'une certaine outrecuidance : il y est dit que Nicolas Maduro « défie » l'Occident, comme on dit d'un bandit retranché qu'il défie la police, comme si l'Occident (c'est-à-dire les Etats-Unis, le Canada, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Portugal, auquel s'est agrégée l'Autriche - soit, en gros, à part l'Autriche, le cœur de l'OTAN) représentait dans le monde l'autorité morale et juridique suprême, en lieu et place de l'ONU. Quelle est l'autorité morale de cet « Occident » ? En quoi cet Occident a-t-il reçu un quelconque mandat de l'ONU pour faire la leçon à Nicolas Maduro ? Où sont les résolutions de l'Assemblée générale ou même du Conseil de sécurité allant en ce sens ? Lorsque Israël passe outre à un vote de l'ONU condamnant sa colonisation de la Cisjordanie, vote d'un très grand nombre de pays, représentant une part encore plus importante de la population mondiale, je n'ai guère vu Le Point » (4).

Comme lu sur le site Moon of Alabama : « Les grands médias américains découvrent soudain le Venezuela. Sans aucune connaissance réelle du pays, toutes les saloperies que leurs journalistes peuvent imaginer sont lancées contre le gouvernement légitime de ce pays. Ne vous attendez pas à ce qu'ils se basent sur des faits pour écrire leurs articles. La plus grande partie n'est que propagande pour justifier une guerre. Non. Les médias au Venezuela ne sont pas contrôlés par le gouvernement. Il existe de nombreux journaux et chaînes de télévision privés. (...) L'ambassadeur britannique à l'ONU a répété hier que Maduro avait remporté l'élection présidentielle en » remplissant les urnes ». Le Venezuela n'a pas d'urnes. Il utilise un système électronique mis au point par une société britannique, un système très apprécié : en septembre 2012, l'ancien président américain Jimmy Carter déclarait que »le processus électoral au Venezuela est le meilleur au monde». Une autre affirmation fréquemment entendue est que la mauvaise gestion économique est à l'origine des problèmes du Venezuela. Mais c'est la chute des prix du pétrole et, plus important encore, les sanctions américaines qui ont entraîné des milliards de pertes de revenus pour le gouvernement et causé les difficultés économiques. Les sanctions ne fonctionnent pas contre les gouvernements comme on le prétend souvent, mais appauvrissent la population » (5).

Qui est Juan Guaidó ?

Juan Guaidó étudiant engagé a participé à de nombreuses manifestations anti-Chavez, Aux côtés de Leopoldo Lopez, sorte de mentor de toute une génération, Guaidó sera un des fers de lance de Redes Populares (Réseau Populaire). Suppléant en 2010, Juan Guaidó, devient député de l'Etat de Vargas en 2015. Les partis d'opposition misent sur l'Assemblée nationale et lancent un système de présidence tournante sur un an. Et c'est le parti de Guaidó (Volonté Populaire) qui prend alors les commandes au sein de l'Assemblée. Parfait inconnu, il devient, le 5 janvier dernier, le plus jeune président du Parlement. Pour Nicolás Maduro c'est «un gamin qui joue à la politique», autoproclamé président par intérim le 23 janvier sa feuille de route est de renverser un pouvoir légalement élu. Les Etats-Unis ont ainsi initié un coup d'Etat politique. Juan Guaidó comme soi-disant «président intérimaire». M. Guaidó, qui était un inconnu pour 81 % des Vénézuéliens, selon un sondage effectué en janvier, a tenté d'usurper le gouvernement légitime, réélu lors des élections présidentielles de 2018 qui ont été volontairement boycottées par l'opposition soutenue par les Etats-Unis.

Trump, son vice-président Mike Pence, le directeur du département d'Etat américain Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, ainsi qu'un groupe de pays d'Amérique centrale, qui sont grosso modo des colonies américaines et qui n'ont pas de politique étrangère propre, ont annoncé, en même temps, que le Venezuela avait un nouveau président (...) Ce qui ressort immédiatement, c'est la combinaison de l'incompétence et du désespoir dont font preuve toutes les personnalités publiques et non publiques mentionnées ci-dessus. Pompeo, en exprimant sa reconnaissance à Guaidó, l'appelant « guido », qui est une insulte ethnique contre les Italiens, tandis que Bolton a fait mieux en l'appelant « guiado », ce qui pourrait être compris en espagnol par « contrôlé à distance ». » (1)

L'aide humanitaire prélude à l'invasion : remake du Kossovo ?

Le secrétaire d'Etat américain a lancé un ultimatum au gouvernement vénézuélien du président Nicolas Maduro lui demandant d'ouvrir ses frontières à un plan orchestré par les Etats-Unis pour fournir de l'«aide humanitaire». d'intervention humanitaire. Depuis la mi-2017, Trump parle ouvertement d'une guerre pour prendre le contrôle des immenses réserves de pétrole du Venezuela (...) Les Etats-Unis ont également revendiqué un droit très discutable d'utiliser la force pour une « intervention humanitaire ». Par exemple, l'intervention des Etats-Unis et de l'OTAN en 1999 au Kosovo était une intervention humanitaire qui s'est transformée en guerre. Après une guerre économique à long terme qui cherchait à priver le Venezuela de ressources et a coûté chaque année des milliards de dollars au pays, les Etats-Unis prétendent aujourd'hui que celui-ci subit une crise humanitaire. Ils sont en train d'utiliser cette crise humanitaire qu'ils ont contribué à créer pour ouvrir la voie à une guerre contre ce pays, avec l'aide des mandataires des Etats-Unis, la Colombie et le Brésil. exigeant une intervention pour fournir cette aide humanitaire, comme l'explique la BBC. Une fois le pied dans la porte, il est facile de fabriquer une excuse pour le conflit » (6).

A suivre

*Professeur

1. Ben Norton https://www.legrandsoir.info/des-documents-internes-du-gouvernement-des-etats-unis-presentent-les-grandes-lignes-d-un-programme-de-guerre-economique-contre.html

2.http://lesakerfrancophone.fr/la-tentative-americaine-de-coup-detat-au-venezuela-manque-de-soutien-international

3 ;http://lesakerfrancophone.fr/la-tentative-americaine-de-coup-detat-au-venezuela-manque-de-soutien-international

4.Philippe Arnaud :https://www.legrandsoir.info/le-venezuela-vu-par-la-television-publique-francaise.html

5:https://www.moonofalabama.org/2019/01/these-media-claims-about-venezuela-are-lies-or-misconceptions.html#more

6.https://www.mondialisation.ca/venezuela-les-etats-unis-poursuivent-leur-aide-humanitaire-en-direction-de-la-guerre/5630867