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L'herméneutique de la création de l'État d'Israël dans l'évolution du monde arabe: Les «nécessités de l'histoire»

par Medjdoub Hamed*

Comment comprendre la «Géopolitique et la stratégie-monde» aujourd'hui ? Dans l'analyse précédente, on a énoncé qu'«en 1973, la complexité du monde arabe sera encore plus exponentielle. Et le seul tort des pays arabes est qu'ils n'ont pas été défaits totalement, en 1973, par Israël. Bien au contraire ils ont montré leur savoir dans les opérations de guerre, puisque les forces armées égyptiennes ont traversé la ligne de Bar-lev en un temps record, le jour même du déclenchement des hostilités. Une ligne Bar-lev israélienne jugée infranchissable et les 2000 morts d'Israéliens au Sinaï, annexé, à cette époque, par Israël. Et ceci n'arrive pas à passer dans l'esprit des stratèges américains et israéliens»(1) Avant d'avancer dans la compréhension du monde, il faut dire que les guerres dans les pays d'Islam ont été les vecteurs de leur évolution. Aussi la question se pose : Qu'en est-il de ces vecteurs ? Quel fut l'impact de la création de l'État d'Israël en terre d'Islam sur les pays arabes ?

Les questions que pose la création de l'État d'Israël en Palestine

La première question que l'on peut poser est pourquoi la création de l'État en 1948 ? Dans le sens du développement de l'histoire. Il faut se rappeler le pacte du Quincy, surgi ex nihilo par la force de la conjoncture historique de l'époque. Il liait les États-Unis à l'Arabie par un accord d'entraide mutuel. Il est signé le 14 février 1945 par le président des Etats-Unis, Franklin Roosevelt et le roi Ibn Saoud, fondateur du royaume d'Arabie saoudite, à bord du croiseur USS Quincy. L'essentiel de l'accord porte sur l'exclusivité pour les États-Unis de l'exploitation de tous les gisements pétroliers du royaume, pour une durée de 60 ans, en contrepartie, les États-Unis garantissaient militairement la monarchie saoudienne. Comment peut-on regarder cette alliance de deux pays, l'un une grande nation démocratique qui s'allie à une autre nation monarchique au régime foncièrement féodal ? Le seul lien qui les unit est économique -le pétrole- et sécuritaire -la protection de la monarchie saoudienne. Le pacte relève en fait de circonstances historiques. Trois ans après, un autre événement surgit, c'est la proclamation de l'Etat d'Israël, le 15 mai 1948, un jour après la fin du mandat britannique sur la Palestine. 700.000 Palestiniens furent chassés de leur terre. Après la première guerre israélo-arabe en 1948, suivront trois guerres en 1956, 1967 et 1973. Deux grandes puissances, les États-Unis et l'Union soviétique, qui ont participé à celles de 1956 et 1973, ont failli provoquer une confrontation nucléaire.

Pour répondre à la première question, il faut avancer qu'après deux Guerres mondiales, le monde avait complètement changé. La décolonisation de l'Afrique et de l'Asie était en cours. Le sionisme juif dans le monde était en pleine ascension. Le monde arabo-musulman, désorganisé, colonisé, seuls quelques pays accédèrent à l'indépendance. Quant aux monarchies arabes moyenâgeuses, elles n'existaient que par la grâce des puissances occidentales. Les forces juives constituées de l'armée clandestine, la Haganah, le groupe Etzel Irgoun, et le groupe Stern, qui étaient efficacement encadrés tant sur le plan humain que matériel, sont sortis victorieux de la guerre. C'était une grave débâcle pour les pays arabes.

Comme il a été signifié dans une réponse à un commentaire qui m'est parvenu sur la victoire des forces juives face à la coalition de pays arabes : «Il y a la voie de la raison que l'on ne doit pas oublier. Des fois la réalité n'est pas prise dans sa vraie réalité. Ce n'est pas pour élever les pays arabes et diminuer Israël, ce qui n'a pas de sens. Mais si nous prenons un homme de stature normale qui se bat contre 4 hommes de stature normale, il n'aura certainement pas le dessus. Il sera battu. Cet homme ne peut battre que s'il a quelque chose de plus. Dès lors, partant de ce principe simple, je me dis comment les milices juives qui n'avaient pas d'armées, ont pu vaincre plusieurs pays arabes ? La seule réponse logique est qu'ils ont été massivement armés et aidés par d'autres et l'Amérique a veillé à tout. Donc tout a été programmé dans cette guerre. Sinon comment expliquer avec seulement le Hamas, l'armée israélienne, au rang de puissance régionale, a toutes les difficultés du monde pour combattre des jeunes Palestiniens armés seulement de pierres ?» (1) Ceci étant, une deuxième question se pose. «Pourquoi l'État d'Israël, depuis qu'il a été créé en 1948, se trouve-t-il jusqu'à aujourd'hui en guerre ? Et pourquoi cette guerre permanente ? Dans le sens, cette guerre trouvera-t-elle une issue finale ? » Nous intégrons le soutien des États-Unis, l'Organisation sioniste mondiale, l'intérêt américain pour le pétrole, ou le Premier Congrès sioniste ouvert à Bâle en 1897, comme des données naturelles de l'histoire. A Bâle, le journaliste Théodore Herzl a défini le sionisme, comme «la nécessité de créer, en Palestine, pour le peuple juif, un Foyer garanti par le droit public» i.e. une reconnaissance internationale, et donc une légitimité d'un pays souverain.

Le problème qui s'est posé dans l'histoire d'Israël c'est que «la création d'Israël s'est faite dans la guerre». Et celle-ci a consisté à chasser un peuple qui a vécu pour prendre sa place. Et la situation n'a pas évolué depuis. Un État palestinien n'a toujours pas vu le jour, et le plateau du Golan syrien reste toujours annexé par Israël. La réponse à la deuxième question qui rejoint la première est qu'il existe des «forces herméneutiques» qui sont à la fois à l'origine de la création de l'État d'Israël et en même temps ont déjà mis en marche un nouveau processus appelé à changer l'histoire du Moyen-Orient et le rapport des forces dans la région et dans le monde. Qu'en est-il de ces forces herméneutiques qui relèvent, il faut le dire, de la métaphysique ? Mais cependant une métaphysique compréhensible, accessible pourrait-on dire, pour peu que l'on comprenne que les forces de la négation agissent pour contrebalancer d'autres forces de la négation préexistantes. Il est évident que, dans tout acte historique, il y a un sens. Il est impossible que l'humanité évolue sans repères, sans une intelligence qui existe dans chaque fait humain. A plus forte raison si ce fait est historique. Sinon rien de ce que fait l'homme, et par l'homme l'histoire, ne peut être compréhensible, ne peut être porté à la raison. Et dans la raison humaine, il existe une faculté, peu importe comment on l'appelle, l'intelligence, l'entendement, la pensée réfléchie, elle permet de comprendre et nous comprendre dans le mouvement de l'histoire. Par conséquent, dès lors qu'il y a eu création d'un État, et c'est l'État d'Israël qui a surgi dans la guerre et par la guerre, c'est qu'il y a eu des forces qui ont contribué à le créer, et celles-ci entrent comme produites par les «Nécessités de l'histoire». Dans cette idée, il y a un lien de cause à effet, donc de forces dépendantes entre elles et qui agissent en tant que composantes d'une instance transcendante que l'homme ne connaît pas mais qu'il subit.

Pour en donner un sens, toute nécessité historique relève de déterminations historiques contre lesquelles l'homme n'y peut rien. Elles arrivent et c'est tout. Et tout a été fait que pour que cela arrive. Et cela revient au déterminisme historique qui est une réalité, quand bien même on peut lui opposer l'indéterminisme. L'homme ne pourrait se retrouver si le monde est irrationnel. Pour donner un exemple historique qui a existé, prenons la crise boursière de 1929. Elle était inattendue, et elle est arrivée. Et elle a représenté un fait historique majeur qui a entraîné une dépression économique mondiale dans les années 1930. Grâce à cette dépression économique et ses 6 millions de chômeurs allemands qu'Hitler a pris le pouvoir en Allemagne. Envoûtant le peuple allemand, Hitler a provoqué la Deuxième Guerre mondiale. A la suite de laquelle se sont opérées la décolonisation et la création de l'État d'Israël.

N'est-ce pas là une histoire du monde réelle et en tout point rationnelle ? Rien ne vient sans cause, et les hommes malgré eux subissent en fait les événements de l'histoire. La crise récente de 2008 a bien surgi, l'Occident et le monde l'ont subie. Et cette crise n'entrait pas dans les plans des puissances. Donc chaque événement qui survient après celui qui a précédé entre dans un ordre logique naturel. Les événements historiques qui devaient survenir ont survenu, et par conséquent ne pouvaient que survenir parce qu'ils étaient prédéterminés. Sauf que l'homme n'en a pas prescience.

Que serait-il passé dans le monde arabe si l'État d'Israël n'avait pas existé ?

Pour comprendre encore la «Nécessité-monde», prenons la Terre. D'où vient-elle ? Du Big Bang ? Et le Big Bang d'où vient-il ? De ex nihilo ? Et qu'est-ce que le «ex nihilo» ? I.e. le Néant ? Le Néant a-t-il un sens ? N'est-il pas le contraire du tout ? Du vide ? Et cela étymologiquement parlant. Parce que néant, tout, terre, humanité sont des mots qui expriment une réalité physique ou abstraite, et dans la signification du sens de l'humain, ils se complètent. De même pourquoi la Terre tourne sur elle-même ? Et avec une précision phénoménale. Tout a été fait pour que la Terre chauffe le jour et se refroidit la nuit. Et l'homme peut travailler le jour et se reposer la nuit. Et qui fait tourner cet astre qui est notre Terre ? Et pourquoi la Terre fait un tour d'évolution autour du Soleil et qui nous donne les quatre saisons de l'année, sans lesquelles l'écosystème terrestre ne fonctionnerait pas ? Et la même question, quelle force phénoménale fait tourner la Terre sur elle-même et autour du Soleil ? Et l'homme n'a pas de réponse sur ces phénomènes sidéraux ni même lui-même pourquoi il a été créé ? Et quelle est sa finalité puisque, après la vie qui lui est donnée, il y a la mort qui marque la fin de son existence. Et l'humain que nous sommes a besoin de connaître et de se connaître par ces nécessités qui définissent sa réalité à la fois dans son macrocosme et son microcosme. Et s'il n'a pas la connaissance totale, il a sa connaissance humaine par laquelle il est et il existe. On comprend dès lors que l'être humain est dépendant de tout ce qui a rapport à la «Nécessité-monde». Pour lui, il n'est que ce qu'il doit être et ce qui doit être. Tout ce qui doit être ne peut être autrement. C'est cette constance de ce qui doit être et ce qui n'est pas arrivé et qui doit être que l'entendement humain peut définir comme faisant partie, comme relevant de la «Nécessité-monde». Dans tout ce qui existe ou vient à exister relève d'une nécessité causale. Qu'un oiseau vole dans le ciel, se pose sur un arbre ou sur le bord d'une fenêtre ou se trouve dans une cage relève d'un lien nécessairement causal et intrinsèquement existant dans l'essence de l'oiseau. L'oiseau n'est que par ce qui découle de la nature même de son être, donc de son essence qui l'a fait ce qu'il est. Donc la «Nécessité-monde», c'est aussi l'essence nécessaire par quoi est le monde. Dès lors, si on regarde comment est créé ou a été créé Israël, et là il faut s'arrêter, et dire que comment est créé Israël relève de ce que les hommes ont fait eux-mêmes, par les forces historiques dues aux volontés des uns et des autres, aux volontés des grandes puissances, du recours aux institutions internationales, et ce qui par un lien de cause à effet a abouti à la création de l'État d'Israël. Par contre dire comment a été créé Israël relève aussi des hommes mais aussi d'une «Essence pensante, directrice» dans la «Nécessité-monde». Par exemple, on peut se poser la question sur l'Arabie saoudite, son lien avec les États-Unis, et très proche de ses frontières l'État d'Israël (Golfe d'Aqaba). Une situation inédite. Une grande puissance démocratique, les États-Unis, un État considéré comme un pays démocratique, Israël, bien que, pendant 70 dix ans, il n'a cessé de martyriser le peuple palestinien, et par cette «Nécessité-monde», il a élu domicile par la force des armes dans le monde arabe, en Palestine, et enfin un État, l'Arabie saoudite, un pays féodal en marge du monde où viennent les fidèles des pays musulmans du monde entier pour accomplir leur pèlerinage à La Mecque. Pour comprendre le sens de cette irruption occidentale à travers l'implantation de l'État d'Israël dans le monde arabe, «représentons-nous ce qui se serait passé si Israël n'avait pas existé.» Parce que pour avoir une idée des contingences de l'histoire, et donc sur le lien causal de tout ce qui est apparu, et celui-ci doit aussi travailler pour ce qui viendra à être, il est clair que l'absence de l'État d'Israël aurait donné une évolution différente du monde arabe. Dans ce contexte d'absence d'un État tiers greffé sur son sol, le monde arabe, après la décolonisation, aura-t-il connu de grands bouleversements comme les autres blocs du monde ?

L'Europe, par exemple, a réussi dès 1957 à créer son marché commun. D'une Europe des Six, elle est passée à une Europe des Neuf, des Douze, des Quinze jusqu'à l'Union européenne des 27, aujourd'hui ? le Royaume-Uni étant sorti de l'UE ? Elle a même créé l'Europe monétaire des Dix-neuf, la zone euro. L'Union soviétique a réussi à créer le bloc de l'Est, bien que celui-ci a éclaté ensuite. Mais de l'ex-URSS, elle est passée à la Russie et à la CEI (Communautés des États indépendants). La Chine a construit, avec l'avènement de la Chine populaire en 1949, un troisième bloc communiste. Le Japon, de nucléarisé par deux fois, grâce aux forces historiques, s'est hissé au rang de deuxième puissance économique mondiale. Aujourd'hui, dépassé par la Chine, il occupe la deuxième place dans le monde. Qu'en serait-il pour le monde arabe ? «A part quelques pays progressistes, l'Algérie, la Syrie, la Tunisie, qui seront fort peu pour changer le cours de l'histoire du monde arabe, y aurait-il une évolution positive pour le monde arabe ? » Cette éventualité ouvre une autre histoire en puissance si elle s'est réalisée sans l'irruption d'Israël sur la scène arabe. En effet, les pays monarchiques arabes auraient certainement créé un front face au formidable mouvement de décolonisation qui a commencé avec l'indépendance de l'Inde et du Pakistan (partition) en 1947, avec le soutien des pays occidentaux. A cette époque, la guerre froide faisait rage. Se rappeler le blocus de Berlin. Isolés au milieu de la zone d'occupation soviétique en Allemagne, les Occidentaux ont été obligés de ravitailler leurs forces militaires et les populations civiles berlinoises par la voie des airs (un grand pont aérien).

Ces monarchies arabes, pour continuer à diriger leurs royaumes, se seraient certainement unies pour s'entraider mutuellement économiquement et militairement. Un conseil des monarques arabes pris sur le modèle de la «Sainte Alliance» en Europe, en 1815. A cette époque, les guerres napoléoniennes et les révolutions en Europe ont poussé les monarchies européennes à adopter le système Metternich. Celui-ci, proclamant le «principe d'intervention» dans les affaires intérieures des pays d'Europe, permettait aux grandes puissances de l'époque de recourir aux armes pour rétablir leur pouvoir absolu partout où il est ébranlé. La Sainte-Alliance en fait était une alliance contre-révolutionnaire, dont le but était de réprimer toute aspiration populaire de se libérer du joug de la soumission. Ce qu'ont calqué, depuis 1981, dans leurs plans de sécurité, les six monarchies arabes du Golfe persique (Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis, Qatar) par la création du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Des forces armées communes du CCG ont été mises en place pour assurer leur sécurité. Se rappeler qu'en mars 2011, en plein Printemps arabe, l'Arabie saoudite a envoyé des troupes du CCG pour écraser le mouvement de révolte au Bahreïn. Ainsi, on comprend que si Israël n'avait pas existé, et qu'il y ait eu une coexistence pacifique en Palestine entre Juifs et Arabes, il n'y aurait certainement pas eu de heurt majeur, et donc pas de crise ou de guerre. Dès lors, les royaumes d'Égypte, d'Irak, du Yémen, de Libye, dans les années 1950, 1960 à aujourd'hui, n'auraient certainement pas disparu. Il faut rappeler que la monarchie hachémite de Bagdad qui faisait partie du Pacte de Bagdad est renversée en 1958. De même, la monarchie d'Égypte est renversée en 1952. La monarchie du Yémen est abolie bien plus tard en 1962, et celle de Libye en 1969. Qu'en serait-il de la Syrie et de l'Algérie ? S'ils étaient restés minoritaires dans un monde arabe régi le plus par des monarchies absolutistes. Même l'Iran, un pays musulman non arabe, est gouverné par la monarchie absolutiste des Pahlavi. Pour la Syrie, indépendante en 1946, toutes les troupes françaises ont évacué son sol, à cette date. Le même processus, si la guerre israélo-arabe n'avait pas éclaté, il n'y aurait pas eu une série de coups d'Etat en Syrie comme conséquence à la défaite qui a suivi face aux forces israéliennes. En effet, après la victoire israélienne, en 1948, le premier coup d'Etat est mené par un colonel de l'armée syrienne suivi d'autres coups d'Etat, en mars 1949. C'est dire le délitement gouvernemental en Syrie qu'a opéré la défaite arabe face à Israël.

Quant à l'Algérie, avec une Égypte encore monarchique, aurait-elle pu lancer son insurrection armée contre la France en novembre 1954 ? Il est clair que seule la Syrie qui a accédé à l'indépendance en 1946, et entourée de monarchies arabes, et sans le coup d'Etat qui a renversé la monarchie en Égypte, il serait extrêmement difficile pour la Tunisie et l'Algérie de lancer leur mouvement d'indépendance. Probablement seul le Maroc, compte tenu du soutien des autres monarchies arabes, aurait accédé rapidement à l'indépendance. Ce qui signifie que l'Algérie aura certainement son indépendance mais plus tard, et ce en considération que la situation telle qu'elle se présentait ne serait pas favorable. L'Algérie étant un pays colonisé certes, mais non assujetti à un régime monarchique.

Dès lors, il apparaît clairement que la création de l'État d'Israël a joué paradoxalement un rôle incontestable dans l'évolution politique du monde arabe. Par les guerres et le renversement de plusieurs monarchies arabes, il a opéré un processus similaire à ce qui s'est passé en Europe. Certes, la situation du monde arabe reste difficile, instable, et Israël, comme les autres régimes arabes qu'ils soient monarchiques ou républicains se trouvent sur la défensive face à leurs peuples. Mais ce cycle historique que vit le monde musulman arabe et non-arabe n'est pas terminé et il réserve des surprises que l'on peut définir d'extrêmement graves vu l'impasse dans lequel se trouvent le monde arabe, Israël, l'Iran, la Turquie, les États-Unis, la Russie et la Chine. Le risque est que le dénouement pourrait être extrêmement douloureux pour la région.

«La nature a horreur du vide» : le nouvel Iran remplace l'Égypte dans l'échiquier moyen-oriental

Il faut dire que tous ces tourments politiques et économiques relèvent de l'histoire qui n'a pas marché comme l'ont souhaité les gouvernants arabes, les grandes puissances et Israël. En effet, après la quatrième guerre israélo-arabe et la semi-victoire de l'Égypte face à Israël, une urgence s'est posée pour les États-Unis de sortir à tout prix Israël du conflit avec l'Égypte. Ce pays devenait une puissance susceptible de mettre en péril l'État hébreu. Et c'est ainsi qu'une paix a été négociée entre l'Égypte et Israël sous la houlette des États-Unis. Le rapprochement entre l'Égypte et les États-Unis se concrétisant par la création d'un conseil égypto-américain en 1975 et le remplacement du matériel soviétique par des armes américaines va mener à l'accord de Camp David en 1978. Le traité de paix israélo-égyptien sera signé le 26 mars 1979 à Washington. L'Égypte sera le premier pays arabe à signer un traité de paix et à reconnaître Israël. La Jordanie ne le fera qu'en 1994, avec le traité israélo-jordanien. Ironie de l'histoire, les États-Unis n'en sont pas pour autant sortis de leur politique de contenir tout péril qui remettrait en cause leur stratégie dominatrice sur le Moyen-Orient, et de protéger Israël. Puisque, à la même année de la signature du traité de paix égypto-israélien, une révolution islamiste, paradoxalement sponsorisée par les États-Unis, va éclater en Iran. Une république islamiste d'Iran est née, elle va bouleverser tous les plans géostratégiques mis en place par les États-Unis dans cette région pétrolifère, la plus importante du monde. En effet, à l'issue d'un référendum organisé le 1er avril 1979, soit moins d'une semaine après le traité de paix israélo-égyptien, une république islamique est instaurée, avec à la tête l'imam Rouhollah Khomeyni qui devient le guide suprême. Dès son instauration, la république d'Iran soutient l'OLP. D'autre part, au moment où les tractations entre les États-Unis et l'Égypte s'opéraient, une guerre civile faisait rage au Liban depuis 1975, avec une invasion israélienne en 1982 pour écraser les Palestiniens qui combattaient les forces israéliennes occupantes. Des génocides inhumains que rappellent le massacre de Sabra et Chatila, ldes camps palestiniens, une horreur digne des crimes contre l'humanité de l'Allemagne nazie. Une guerre libanaise qui durera 15 ans. Deux autres guerres Iran-Irak et URSS-Afghanistan. L'islamisme dopé par les pétrodollars saoudiens conjugué à la stratégie américaine dite la «ceinture verte» va changer l'«ordre géostratégique mondial». Il est évident que les années 1980 seront déterminantes dans le changement des rapports des forces. Les pays arabo-musulmans devenaient surpuissants, compte tenu d'une guerre entre l'Iran et l'Irak extrêmement destructrice et meurtrière. Tous les types d'armements ont été utilisés, des armements lourds aux «guerre des villes par l'usage de missiles balistiques» et à l'usage des «gaz de combat». Et des pertes humaines évaluées en huit ans de guerre à un million de morts pour chaque pays belligérant. Les États-Unis n'avaient pas d'alternative que d'intégrer le théâtre de guerre au Moyen-Orient.

Israël ne pesait plus comme un «poste opérationnel avancé» pour les États-Unis, non seulement dans le monde arabe, mais cette fois les guerres se sont étendues à pratiquement tout le Moyen-Orient. Les États-Unis seront donc obligés de prendre le relais pour détruire les nouvelles puissances moyen-orientales.

Ceci étant, il est évident que là encore, les «accidents de l'histoire» ne cessent de se produire. Que ce soit les guerres israélo-arabes entre les années 1940 aux années 1970, ou les guerres des années 1980 depuis la révolution islamique d'Iran, en 1979. En fait, il n'y a eu herméneutiquement parlant, entre les deux périodes, qu'un remplacement d'une puissance régionale, en l'occurrence l'Égypte, par une autre puissance encore plus redoutable, l'Iran. Puisque la donne redoutable, le «nucléaire» entre dans la compétition, ce qui rompt l'équilibre et rend le Moyen-Orient encore plus «explosif».

C'est dire que «La nature a horreur du vide». Toutes les guerres qui ont suivi dans les années 1980, que ce soit entre l'Iran et l'Irak et l'URSS en Afghanistan, relevaient d'une situation nécessaire due à la fois à l'instabilité politique et économique régionale et mondiale, des intérêts géostratégiques vitaux des États-Unis face aux convoitises des autres puissances, telle la protection des gisements de pétrole moyen-orientaux, le libellé monétaire du pétrole, i.e. le dollar américain, mais aussi, et cela n'apparaît pas, qui relève des «Nécessités de l'histoire».

En fait un processus historique qui, indépendamment des plans des puissances non que le processus historique les ignore mais les intègre, les inscrit selon une seule trajectoire logique, rationnelle, prédéterminée, non pensée par l'homme mais pensée par l'histoire elle-même qui devait s'accomplir selon son propre processus. Et pour le bien de tous. Ce qui signifie que si «les grandes puissances arrivaient à mettre à exécution leur plans «tels qu'ils sont ou qu'ils étaient pensés», sans que cette «Nécessité-monde» ne préexiste, et d'où tout dérive, par conséquent leur domination perdurerait des temps. Alors on peut dire qu'il n'y a pas et ne pourrait exister une humanité réellement humaine. N'existerait alors qu'une humanité qui serait dénuée de liberté, dénuée de sens. Et précisément, c'est à cela que travaillent les forces relevant des «Nécessités de l'histoire», elles-mêmes relevant de la «Nécessité-monde».

*Auteur et chercheur spécialisé en économie mondiale, relations internationales et prospective. www.sens-du-monde.com

Note :

1. «Comprendre l'importance des guerres entre le monde arabo-musulman, Israël et les USA dans la viabilité de l'économie mondiale et du monde», par Medjdoub Hamed. Le 29 janvier 2019

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/comprendre-l-importance-des-212103