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La mise en garde de Lagarde

par Akram Belkaïd, Paris

D’où viendra l’étincelle ? Depuis 2008, de nombreux augures annoncent une nouvelle crise économique globale et mettent en garde contre ses conséquences dévastatrices. Il y a quelques temps, c’est l’économiste français Jacques Attali qui a fait part de son pessimisme quant à l’avenir de la conjoncture mondiale et, récemment, c’est Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) qui a estimé qu’une «tempête économique» menace la planète. Présente au World Government Summit à Dubaï, elle a ainsi déclaré que «quand il y a trop de nuages, il suffit d’un éclair pour déclencher la tempête.»

Brexit, dette et taux d’intérêts...

Avant de citer les raisons qui fondent le cri d’alarme de la patronne du grand argentier mondial, il faut tout de même faire un pas de côté pour rappeler que le FMI a été largement critiqué en 2008 parce qu’il fut incapable de voir venir la crise des subprimes. Depuis, on peut donc penser que le Fonds prend les devants et se prémunit contre toute critique à venir. En mettant en garde de manière régulière contre une crise majeure, l’institution joue son rôle de vigie mais elle peut aussi lasser. C’est un peu l’histoire de Pierre et le loup. À force de lancer des mises en garde contre des tempêtes qui ne viennent pas, le danger est grand que plus personne ne prête attention à ses avertissements.

Selon Christine Lagarde, plusieurs facteurs menacent l’économie mondiale. D’abord, le Brexit. La perspective d’une sortie brutale de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (UE) -donc un retrait sans aucun accord- inquiète beaucoup le FMI (et d’autres organisations). De fait, le risque est grand que cela crée des perturbations importantes dans les échanges commerciaux et les flux de capitaux. Les marchés financiers pourraient alors mal réagir, ce qui déclencherait ensuite un effet domino touchant l’économie réelle. On n’en est pas encore là, mais il faut suivre de près les négociations de dernière minute entre Londres et la Commission.

La remontée des taux d’intérêt, phénomène enclenché aux États-Unis (l’Europe commence à peine à suivre) est une autre source d’inquiétude. Comme nombre d’économistes, Christine Lagarde estime que l’économie mondiale est encore trop fragile pour encaisser le choc d’une augmentation du loyer de l’argent. Et cela rejoint son autre préoccupation, à savoir que de nombreux pays sont très endettés. On pense notamment aux émergents qui ont beaucoup emprunté sur les marchés au cours des dix dernières années et dont le service de la dette risque d’exploser en raison d’une hausse des taux. Qu’un pays vienne à annoncer un défaut de paiement et, là aussi, les conséquences en cascades pourraient être dévastatrices.

...sans oublier la Chine

La Chine et tout ce qui la concerne est l’autre point de focalisation pour le FMI. D’abord, la dispute commerciale entre Pékin et Washington. Des négociations sont en cours mais le pessimisme s’installe. Les deux parties n’ont pas l’air de vouloir faire des concessions et cela pourrait déboucher sur un vrai conflit commercial dont les conséquences négatives ont déjà été évoquées dans ces colonnes. À cela s’ajoute le ralentissement économique chinois dont l’impact risque d’être non négligeable pour la croissance mondiale.

Alors, d’où viendra le coup de semonce ? Bien entendu, personne n’est capable de le dire, mais les mises en garde de Lagarde méritent d’être prises au sérieux.