«L'Etat
ne laissera pas l'opposition prendre la rue ». C'est lourd comme décision
administrative dans une conjoncture politique des plus complexes. A défaut de
vous voir ou vous revoir investi de l'instinct présidentiable qui vous poursuit
telle une pathologie, vous revoilà récupéré par cette envie d'être toujours à
contrario des événements, d'être toujours en porte-à-faux avec un peuple à qui,
sans autorisation, vous aviez squatté la parole et parlé maladroitement en son
nom. Vous n'êtes ni l'Etat, ni l'opposition, ni encore le souffle de la rue.
Vous exercez à l'apparence la partie extérieure d'un pouvoir qui, à chaque
fois, semble vous échapper quand il ne vous désavoue pas.
Vous
avez, certes, pris le pays plusieurs fois lorsqu'il était en situation
exsangue. Votre carapace de « crocodile » n'en a pas trop cependant subi les
coups de ceux que vous prenez pour adversaires. Vous n'avez pas d'opposition
Monsieur Ouyahia, juste quelques tirs pour agrémenter
le semblant de vie démocratique que vous voulez voir. Ce qui ne me plait pas en
vous, malgré mon admiration pour votre jovialité et ouverture d'être humain,
c'est cette dérision par laquelle vous tentez de motiver l'échec économique, le
désarroi citoyen et l'incertitude des lendemains. Vous avez choisi votre
candidat, c'est un droit tant pour vous que pour lui, mais de là à aller
l'imposer au nom de l'Etat, dont les autres candidats en font entièrement
partie et leur est redevable de protection et de liberté d'expression, vous
vous placez au-dessus des lois et de toute souveraineté. Pourtant vous ne
semblez pas dissimuler l'ombre d'un dictateur, ni celle d'un exclusiviste. Vous
aviez été élevé et nourri du sein de cet Etat qui a fait de vous ce que vous
êtes, contrairement à vos « alliés » élevés dans l'opposition à cet Etat et
nourris du sein de la haine et de la vindicte ou des prêts bancaires et des
marchés publics. Vos « ennemis » Monsieur Ouyahia ou
ceux que vous prenez pour tels ne sont pas dans la catégorie du peuple ni dans
les rédactions ni dans les coins de rue ou agglutinés dans les cages
d'escaliers ou sur les rivages des plages désertes guettant le rêve et l'illusion; ils sont chez vous, à vos côtés, siégeant souvent
sous votre présidence. C'est envers eux que vous devez jeter, en ordre, vos
miasmes et courroux. L'on voit bien quand l'un ou plusieurs d'eux refusent de
souscrire à vos démarches, les autres égratignent vos prérogatives allant
jusqu'à défier votre chefferie pour se permettre de parler au nom du président
et encore au nom du peuple. D'autres sont également juchés dans la texture mal
tissée d'une alliance parfois contre-nature, parfois impudemment intéressée.
Quel rapport de vertu politique ou de besoin de soins de beauté et d'esthétique
devrez-vous avoir avec un Benamara ou un Ghoul ? Quant à l'autre parti, plus digne, plus noble qu'un
tube de gel, l'histoire s'en chargera. Vous devez en être différent. Alors
Monsieur Ouyahia, soyez cet homme en qui une grande
majorité y voit l'homme d'Etat en l'absence d'un Etat juste et fort, le
gestionnaire opiniâtre, le christ des pires religions. Laissez-faire la
compétition tout au moins en essayant d'égaliser les chances, sachant
préalablement la pertinence de la probabilité du résultat final. Offrez-vous,
par votre candidat, la gloire d'avoir gagné par mérite et non pas par la
camisole et le bâillon. Faites-vous enfin figure de bon démocrate.