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Révolution dans les chemins de fer, la réalité et le déni (2ème partie)

par Amar Tou

(Série des grands bilans)

Même après la création de telles agences, dans d'autres secteurs, les missions d'étude sont restées, sur un plan opérationnel, entre les mains de bureaux et entreprises étrangères. De telles agences publiques, dans une première phase, se limitent aux responsabilités de contractualisation avec les étrangers pour la réalisation des études et le suivi de réalisation; sauf de rares exceptions comme l'ANESRIF qui a créé son propre bureau d'études pour ses propres besoins avec des compétences nationales formées dans les universités algériennes.

Le passage à une étape, qualitativement meilleure en matière d'études et de suivi de réalisation s'imposait en partenariat avec des bureaux étrangers en créant des bureaux mixtes, comme celui qui a été créé avec les Italiens en matière d'études et de suivi de réalisation de voies ferrées ou ceux qui ont été créés par la SNTF avec les Allemands et les Autrichiens, respectivement dans les domaines d'électrification, de sécurité et de télécommunications dans les chemins de fer.

Vicissitudes de réalisation des projets

90 mois pour une distance de 100 km de voies ferrées constitue le parcours normal bureaucratique (pris dans son acception négative), de la date d'inscription d'un projet jusqu'à sa réception, vient s'ajouter aux handicaps connus tels les problèmes du foncier et les pénibles procédures administratives sur le terrain comme l'expropriation des assiettes des projets avec ce que cela comporte comme difficultés créées par les propriétaires terriens à exproprier qui ont tendance à maximiser la valeur des terrains à indemniser, même quand il s'agit de terrains propriétés de l'Etat entrant dans le cadre des concessions des terres publiques agricoles. Souvent l'on se cache derrière le caractère agricole des terres pour avorter tout un projet stratégiquement impératif.

Les cas des projets des lignes ferroviaires: Bordj Bouarriridj-Thénia (Boumerdes), Béni Mensour (Bouira)-Béjaia, quelques tronçons de la ligne stratégique des hauts plateaux, Hassi Mesoukh (wilaya d'Oran)-Mostaganem, Annaba-Ramdane Jamal (Skikda) et Annaba-Taref, constituent, à cet effet, des exemples édifiants de ces entraves. Ce sont des sources handicapant la bonne conduite des projets de chemin de fer et expliquant l'allongement des délais de réalisation et le grevèrent des coûts, comme nous l'expliquerons, plus loin, par les chiffres.

Moyens nationaux de réalisation

Au lancement de la réalisation de ses programmes des chemins de fer, l'Algérie ne disposait pas de moyens propres de réalisation. Le recours aux moyens étrangers était pratiquement total, s'y sont bousculés : Français, Italiens, Espagnols, Allemands, Chinois, Indiens et autres.

Quelques entrepreneurs algériens en génie civil, en relation avec le chemin de fer, firent tardivement leur apparition. Leurs champs d'intervention se limitent au génie civil où souvent ils font recours à la sous-traitance pour l'exécution des travaux qui leur sont confiés. Le secteur a connu, par contre, la naissance de deux entreprises publiques spécialisées dans la réalisation des chemins de fer (INFRAFER et INFRAIL) à la faveur des timides programmes lancés en réalisation, principalement tout au début des années 2000. Mais la maigreur de ces programmes ne permit pas à ces deux entreprises publiques qui employaient plus de 2200 travailleurs, de résister à leurs crises internes. Elles furent menacées de faillite, n'eût été leur sauvetage in extrémis opéré par les autorités publiques algériennes entre 2010-2012 en les restructurant et leur assurant de manière volontariste un copieux plan de charges dans le cadre des plans de développement ferroviaire. Elles concurrencent actuellement les entreprises étrangères.

Elles sont aidées en cela par les faveurs accordées par la législation algérienne en matière de passation de marchés publics.

L'importante entreprise publique (COSIDER) spécialisée dans les travaux publics et dans le génie civil, étendit ses activités aux travaux de chemin de fer, à la faveur de la même dynamique de ce secteur (chemins de fer). Ce succès vient dans le prolongement de celui que réalisa l'entreprise dans sa participation croissante dans la réalisation du Métro d'Alger où, en effet, elle passa d'une participation de 40% à 100% de la partie travaux publics et génie civil de l'extension du Métro qu'elle exécute depuis 2013 sur la ligne El Harrach-Aéroport d'Alger, sur celle d'»Ain Naâdja-Baraki» et, prochainement, sur l'extension ouest ( Bab el Oued-Chevalet ).          Et ce, en attendant de meilleures disponibilités financières pour la réalisation des tronçons «Delly Brahim-Cheraga-Ouled Fayet-El Achour-Draria» tels que fixés dans le projet initial approuvé par les pouvoirs publics en 2009 et dont les études détaillées y afférentes ont été déjà livrées, il y a quelques années.

Ainsi la place de l'entreprise étrangère s'estompa-t-elle, généralement dans la réalisation des projets de chemin de fer en Algérie. Cette tendance était prévue se maintenir pour se prolonger dans le domaine de l'électrification de tout le réseau ferré.

Elle est inscrite dans le programme de développement du secteur.

Ce volet (électrification) a fait, en effet, en 2011-2012, l'objet de création d'une société publique mixte entre le secteur des chemins de fer et celui de l'électricité, en raison de l'ambitieux programme qui prévoit l'électrification, à terme, de tout le réseau des chemins de fer algériens.

Les considérations sont d'ordre stratégique: économique et environnemental. L'espoir était de voir cet objectif se concrétiser dans les mêmes délais que ceux fixés à la réalisation des voies ferrées. Quelques lignes le sont déjà: Alger-Oued Aissi par Tizi-Ouzou, Oued Tlélat (Oran)-Sidi Bel Abbès-Tlemcen, Annaba ?Djebel Onk (Tébessa), la banlieue algéroise dont Alger-Bir Touta-Zéralda, Alger-Afroun et Alger-Boumedès-Thénia.

Vitesse des trains

En raison de la relation directe de la vitesse avec les coûts de réalisation de voies ferrées au côté d'autres facteurs tels le relief et la nature du sol, les décisions des pouvoirs publics sont subordonnées à la résilience du trésor public à supporter les coûts des études, de réalisation et de suivi de réalisation. La décision officielle, à cet effet, connut des changements à trois reprises : lors de la préparation des dossiers d'investissement à la mi-décennie 2000 sous l'influence des changements des cours de pétrole. Ceci affecta profondément le planning de lancement des travaux de réalisation sur le terrain. La décision en faveur d'une vitesse de 220 km/heure fut prise quand les cours de pétrole se sont améliorés à compter de 2005, particulièrement. Mais la vitesse fut ramenée à 160 km/heure quand le prix du pétrole chuta de moitié entre 2008 et 2009. Les incidences de ces changements sur le traitement des dossiers d'investissement, sur le plan des études avec ce que cela comporte comme perte de temps, furent très pénalisantes.

Le redressement très sensible des cours de pétrole à compter de 2009, permit de trancher définitivement en faveur de 220 km/heure pour les projets qui n'étaient pas encore lancés en réalisation sur le terrain. Tous les projets programmés pour le Sud algérien profitèrent de cette décision ainsi que la ligne Oued Tlélat- frontières ouest» du pays qui passe par Sidi-Bel-Abbès et Tlemcen.

Sécurité des trains

Il s'agit de la sécurité en rapport avec l'état des lignes de chemin de fer. Elle est exprimée en degré de vétusté des rails, au niveau des ballasts, en degré de vétusté des wagons de transport des personnes et des marchandises. Ces facteurs ont influé considérablement sur la vitesse des trains durant la période d'avant 2005, vu la vétusté avancée qui avait frappé voies et trains. Seule une maintenance assurée par un personnel ayant accumulé de longues années d'expérience permettait de maintenir, en activité minimum, la circulation des trains, comme indiqué précédemment. La réduction régulière de la vitesse des trains était le refuge permanent pour éviter de grandes catastrophes. Mais l'acquisition de nouveaux trains de vitesse supérieure et l'ouverture de nouvelles lignes modernes, à partir de 2009, vit apparaitre l'excès de vitesse, en infraction des règles écrites relatives à la vitesse des trains.

Les responsables du secteur recourirent alors à un nouveau système moderne de maitrise et de contrôle de la vitesse des trains auquel sont graduellement astreints les mécaniciens-conducteurs.

Le centre de formation spécialisé que gère la Société Nationale des Transports par Chemin de Fer (SNTF) et où, entre autres, ont été conclus des partenariats avec les détenteurs de brevets de ce système (de contrôle des vitesses), permet d'assurer la formation des mécaniciens-conducteurs dans le domaine. Ce système vient appuyer celui des télécommunications dédié exclusivement aux trains, également moderne et performant que la SNTF et L'ANESRIF ont, parallèlement, adopté sous la supervision de leur tutelle ministérielle.

C'est un système qui permet de devancer les accidents ferroviaires pour les éviter. Une anticipation préventive sur les accidents. C'est le entre d'Aiguillage Informatisé (CAI) qui fut installé en 2010, en premier lieu, sur le tronçon ferroviaire reliant «Tabia» dans la wilaya de Sidi-Bel-Abbès à «Méchria» dans la wilaya de Nâama, en raison de l'aspect désertique de la zone et de l'absence de repères d'apprivoisement humain, au besoin, n'eut été le caractère de «parcours sans pâturages» des troupeaux «ovins» régulièrement en transhumance. Un «Poste de Relais Géographique» (PRG) fut également installé à Méchria pour le contrôle et la garantie de la sécurité des trains rapides qui étaient programmés sur la ligne Oran-Béchar et sur d'autres lignes dans le pays à l'instar de la nouvelle ligne «Constantine-Batna-Bikra-Touggourt». Ces systèmes sont à présent (2019) opérationnels. Les trains modernes et rapides y circulent. L'extension à d'autres lignes est engagée.

Les télécommunications

L'introduction des trains modernes et rapides: urbains, électrifiés et de longues distances, rejoignant des contrées lointaines dans le pays, imposa le recours à des moyens de télécommunications modernes et avancés. Le téléphone portable GSM-Rail (GSM-R) dédié, fut introduit, par conséquent, à compter de 2010, parallèlement à son introduction dans peu de pays développés dans le monde. Ce moyen assure aux trains un secours rapide, en tant que de besoin ; car il permet, en toutes circonstances, de lier contact instantané, pour secours urgent, avec la station régionale la plus proche (EST ou Ouest) et, simultanément, avec la station nationale située à Alger, faisant toutes partie du système de sécurité des trains de la SNTF.

A suivre