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Révolution dans les chemins de fer, la réalité et le déni (1ère partie)

par Amar Tou

(Série des grands bilans)

Dans un climat géopolitique où domine le déni excessif des réalisations de l'Algérie dans différents domaines face à une trop timide défense des bilans, la plus faible des honnêtetés intellectuelles appelle à réaction. La présente contribution, venant dans le prolongement d'autres réactions(1), s'intéressera au bilan dans le domaine des chemins de fer. Elle s'articule autour des axes suivants:

- Etat des chemins de fer à la veille du lancement du programme exceptionnel sans précédent pour le développement de ce secteur à partir de 2009;

- Evolution du réseau de voies ferrées et programme de développement de la période 2005-2009 au titre de trois plans quinquennaux : 2005-2009, 2010-2014 et 2015-2019, en réalisation, études et leurs impacts sur l'état du réseau de voies ferrées à fin 2018 et 2020;

- Moyens d'études, de réalisation et suivi de réalisation;

- Vicissitudes de réalisation des projets sur le terrain;

- Renouvellement et maintenance des équipements et matériel ferroviaires;

- Réalisation des projets de chemin de fer;

- Coûts de réalisation en Algérie comparés à ceux d'autres pays;

- Présentation d'un projet modèle lancé en travaux de réalisation en juin 2013 et mis en essais d'exploitation le 2 janvier 2019;

- Perspectives de développement du secteur, avec ies problématiques y attenantes, à l'horizon 2025 et 2035.

1- Etat des chemins de fer à la veille du programme exceptionnel sans précédent pour le développement de ce secteur à partir de 2009:

La longueur du réseau des chemins de fer algériens a connu entre 1962 et 1998 un rétrécissement de l'ordre de 1200 kilomètres, le réduisant à seulement 1769 km pour les raisons suivantes :

- Déjà en 1962, le réseau était très vétuste, en état de délabrement très avancé;

- 80% de ce réseau étaient constitués de voies étroites qui ne sont plus utilisées actuellement dans les réseaux modernes dans le monde.      La vitesse se limitait à 20-60 km/heure. Il était exposé, de ce fait, en plus du nombre croissant des accidents, à une disparition accélérée, faute de rénovation et de modernisation et d'extension, en phase avec le développement qu'a connu le transport par chemin de fer dans le monde développé.

Ce fut alors le recul continu du transport des personnes et des marchandises par chemin de fer jusqu'à atteindre moins de 50% du pic d'avant pour les personnes.

L'état du réseau se compliqua, en raison de l'abandon par les politiques gouvernementales, de ce type de transport entre 1962 et 1999, par préférence du transport routier : par voitures légères, autocars et camions, au point d'abandonner des projets de chemin de fer qui avaient été lances en réalisation à la fin de la décennie 1970 et dont les travaux s'arrêtèrent sous l'effet de la chute des prix de pétrole à compter de 1986. Ce sont notamment les projets « Constantine-Tébessa», «Bordj-Bou-Ariridj- M'Sila-Ain Touta» et «Oran-Arzew».

Seule la ligne «Ramdane Jamal-Jijel», reliant le nouveau port de «Djendjen» au réseau national de chemins de fer de l'époque, si modeste qu'elle était, échappa à l'abandon.

Ces projets ne furent achevés que pendant la période 2005-2009 dans le cadre du programme de développement global très ambitieux. Celui-ci connut son décollage, tout particulièrement, durant le plan quinquennal 2005-2009. Essentiellement à compter de 2008. Son exécution s'est poursuivie avec une bonne cadence quand les prix du pétrole s'améliorèrent sensiblement. Mais la volonté politique qui soutenait cette dynamique se heurta à un nouvel effondrement des prix du pétrole à partir de juin 2014. Malheureusement, le léger redressement des prix enregistré en 2018 n'était pas, jusqu'à maintenant, suffisant pour retrouver la cadence de réalisation d'avant cette dernière crise (des prix du pétrole).

Tableau n°1: Le programme de développement décidé pour la période 2005-2009 au titre de trois plans quinquennaux de développement (2005-2009, 2010-2014, 2015-2019): tranches réalisées et tranches en cours de réalisation et celles en cours d'étude.

Longueur de la voie ferrée à la fin de 2018                4769 kilomètres

Longueur de la voie ferrée à la fin de 2017                4104 kilomètres

Lignes en cours de realisation à fin 2018          2202 kilomètres

Longueur de voies ferrée attendue à fin mars 2019             5204 milomètres

LIgnes en cours de realization à fin mars 2019          1050 kilomètres

Lignes en cours d'étude à fin 2018          5440 kilomètres

Longueur du réseau ferré attendue à fin 2020            5941 kilomètres

Important: La longueur du réseau ferré à fin 2020 (5941 km) comprend les lignes «Touggourt-Hassi Messaoud» et «El Beyad-Mechria» vu l'avancement des travaux. Par contre, la ligne «Tlemcen-frontières ouest» du pays ne sera pas livrée à cette échéance en raison du retard considérable pris à l'engagement du bureau de suivi de réalisation. La ligne «Relizane ?Tiaret» n'y sera pas non plus livrée. En raison du ralentissement des travaux pour engagement d'un nouveau contractant en remplacement du contractant étranger qui s'est retiré du contrat. La ligne minière «Annaba - Djebel Onk» longeant nos frontières de l'Est ne pourra pas également être livrée vu le retard mis dans le lancement des travaux pour diverses raisons liées notamment aux correctifs du tracé et à l'insuffisance de crédits de paiement. La ligne «Hassi Mefsoukh-Mostaganem» devant continuer la ligne «Oran-Arzew» et dont les travaux de réalisation ont été lancés en juin 2013, ne sera pas réceptionnée pour des raisons liées à l'expropriation des terres agricoles alors que son financement était dégagé et l'entreprise de réalisation est une entreprise publique spécialisée. La réception de la ligne « Béni Mansour-Béjaia» est également renvoyée au-delà de 2020 pour refus pendant longtemps des propriétaires terriens de l'expropriation de parcelles de leurs terrains ; la ligne est ancienne, vétuste, défectueusement exploitée actuellement ; elle devait être modernisée, mise à voie normale, électrifiée pour une vitesse de 160 km/heure ; le contrat de réalisation a été conclu il y a plus de six ans. Enfin, la ligne Boughezoul- El Afroun dont le contrat de réalisation n'est pas encore conclu alors que les études de réalisation ont été livrées, ne sera pas livrée à fin 2020 ; faute de financement en dépit du caractère stratégique de la ligne comme nous le verrons plus loin. L'ensemble de ces considérations explique globalement la différence en longueur du réseau de chemin de fer entre les 6 300 km annoncés régulièrement par les pouvoirs publics pour la fin 2020 et les 5 951 km sus arrêtés. Après l'indépendance du pays en 1962, les premiers projets de chemin de fer ne furent lancés qu'à partir du début des années 1980. Mais ils furent suspendus après la réalisation de petites distances en raison de la crise des prix de pétrole de 1986. Il s'agit principalement des lignes Constantine-Tebessa passant par Ain M'lila, Oum El Bouagui, Ain Beida et de la ligne Bordj Bouariridj ? Ain Touta, passant par M'Sila et Barika. Ces lignes ne furent reprises et réalisées qu'en 2009 et 2010 dans le cadre de l'exécution des plans quinquennaux de développement précédemment présentés.

2 - Evolution du réseau des chemins de fer algérien de 2005 à 2018 et à 2020:

Les nouvelles lignes et celles qui connurent leur achèvement s'étendent à toutes les régions du pays. La longueur du réseau passe ainsi de 1769 km en 1999 -2008 à 5 204 km à fin mars 2019, en attendant la réception des nouvelles lignes actuellement en cours de réalisation d'une longueur de l'ordre de 737 km à l'horizon 2020. La longueur globale du réseau ferré sera alors de 5 941 km. C'est ce que les cartes suivantes illustrent dans le cadre de la traduction, sur le terrain, de la vision de développement des chemins de fer en Algérie.

Ces extensions mettront, à l'horizon 2025, le réseau des chemins de fer algériens à une longueur de 11 600 km si, toutefois, le cap est maintenu sur les objectifs planifiés.

Le tableau et la carte suivants l'expriment clairement:

Tableau n°2: l'évolution programmée pour les chemins de fer algériens à l'horizon 2025, décidée, en 2008, pour l'horizon 2016 en l'absence de la crise du pétrole intervenue en 2014.

Longueur des chemins de fer algériens à fin mars 2019                5204 km

Lignes en cours de réalisation à fin mars 2019          1050 km

Lignes en étude à fin 2018.            5440 km

Longueur totale des chemine de fer algériens à fin 2025               11604 km

La réalisation des lignes qui sont en cours d'étude (5440 km) est subordonnée à la disponibilité des ressources financières et/ou la volonté stratégique quand se réunissent les indices à cet effet. La disponibilité, désormais, de moyens d'études et de réalisation presque totalement algériens ou en partenariat avec les étrangers, si on excluait, toutefois, les rails qui ne représentent que 7% du coût global de réalisation. Même cette réserve sera levée par la production nationale de l'extension du complexe sidérurgique d'El hadjar et de la production du nouveau complexe sidérurgique de Bellara (Jijel); pour peu que les formules appropriées de partenariats soient inventées, avec des partenaires qui possèdent les technologies, le savoir-faire managérial et les marchés extérieurs.

Par ailleurs, la vitesse, la sécurité et les télécommunications constituent des conditions de compétitivité par rapport aux autres moyens de transport.

3- Moyens d'études, de réalisation et de suivi de réalisation.

Les moyens d'études et de suivi de réalisation étaient, à l'origine, réunis entre les mains des entreprises de réalisation qui étaient, généralement, étrangères, dans le domaine ferroviaire, particulièrement. Le développement des chemins de fer était confié, à l'origine, à la société nationale de transport ferroviaire (SNTF) avant d'être confié à l'Agence Nationale d'Etude et de Suivi de Réalisation des Investissements Ferroviaires (ANESRIF) qui a été créée en 2005 et rendue opérationnelle en 2007. Cela fait suite à la séparation des fonctions d'investissement et d'exploitation au sein des entreprises publiques économiques pour, d'une part, améliorer les performances des deux fonctions et éviter, d'autre part, l'interpénétration des comptes et des responsabilités. Ceci était rendu, particulièrement nécessaire, après le boom pétrolier, l'augmentation exceptionnelle conséquente des ressources financières, la multiplication des projets de développement et l'augmentation de leurs tailles.

A suivre