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Je suis certain que je doute !

par Moncef Wafi

«Le doute est le commencement de la sagesse», Aristote. La certitude, elle, a été depuis l'antiquité l'objet de multiples mises en garde philosophiques en la désignant souvent comme un idéal. Platon, dans La République, s'interrogeait sur une certaine illusion du savoir : une certitude immédiate (ou opinion) que l'on devrait distinguer de la vérité, en cela qu'elle puisse en avoir les apparences externes sans l'être tout à fait. Cette définition, copiée-collée de Wikipédia, trouve toute sa justesse dans cette Algérie des paradoxes où se déroule un théâtre d'ombres chinoises qui veut que la vérité n'est pas forcément celle partagée par des millions de gorges.

Le mensonge n'est plus une ombre, disputant la lumière au soleil. Un pays qui devrait douter mais qui, malheureusement pas, ne doute plus, certain de son invincibilité de façade, de son nombrilisme étriqué et de sa vision myope de l'avenir. Entre doute et certitude, le pays s'est perdu dans un labyrinthe mythique, voulant fuir sa propre réalité et rattraper un ersatz de modèle bâti sur le mensonge et les contes de fées. Une architecture surréaliste basée sur des certitudes pérennes, celles des discours lénifiants, des statistiques bidonnées et des mystifications institutionnelles. Une sémantique, véritable guide pratique d'un à-plat-ventrisme érigé en référence de promotion professionnelle et d'accession sociale. Le tableau noir est alors pris d'assaut par des chiffres, des annotations, des citations à la gloire de la connerie universelle puis, vient un prédicateur semer la bonne parole. «Tiens, c'est pour toi, prends-en encore c'est gratuit et ça ne coûte pas un rond. Toi, là, arrive, fais des courbettes, prosterne-toi devant le poster, oui comme ça et ne relève pas la tête jusqu'à ce qu'on te dise d'applaudir avec ta langue». Des certitudes formelles sur un avenir radieux d'un pays qui doute encore de son identité, de ce que lui réserve avril prochain, du temps et de la beauté de sa miss 2019.

Des certitudes payées sur le Trésor public, renforcées par des contrats à longue durée qui ne sauraient souffrir d'aucune remise en question ni d'interrogations légitimes. Des certitudes qui ne laissent aucune place aux doutes permis ne serait-ce que parce Nietzsche a dit que « ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou», mais dans un pays de fous, les malades ne sont pas finalement ceux qu'on croit.