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L'Algérie, le monde arabe et l'Occident vers la fin d'un cycle historique ? (Suite et fin)

par Medjdoub Hamed*

Prenons un exemple très simple de mutation du monde, l'histoire du Japon et de l'Allemagne. Tout dépassement de retard civilisationnel ne peut être que d'ordre historique et transcendantal dans la sphère même de l'évolution. Le Japon avec l'ère meiji s'est redressé au XIXème siècle alors que la puissance chinoise n'a pas pu et pourtant, par sa puissance, elle rayonnait sur l'Asie. Et cette puissance ne lui a servi à rien puisqu'elle fut dépassée. Et même, une région très importante de son territoire, la Mandchourie, fut colonisée. Le Japon, en réalité, s'érigeait en «grain de sable dans l'ordre colonial en Asie», comme l'Allemagne s'érigeait en «grain de sable dans l'ordre de puissance en Europe». Et cela relevait des «lois de la Nécessité» pour que l'histoire de l'humanité ne stagne pas dans un système colonial rétrograde pour tous les peuples colonisés et comme pour les peuples d'Europe qui sont une même humanité, et donc solidaire.

Et le même processus est en cours aujourd'hui, une mutation mondiale et des systèmes féodaux arabes qui rompront l'arrimage des peuples à cet ordre archaïque moyenâgeux moyen-oriental, et que le président américain, Donald Trump, se vante dans les médias que, sans la protection de États-Unis, ces monarchies du Golfe seraient renversées par leurs peuples. Et ce féodalisme arabe moyenâgeux infère sur les autres peuples arabes, et c'est là le dilemme dans le retard des peuples arabes. Et ces peuples ont montré lors du Printemps arabe qu'ils aspirent tous à la dignité, au travail, à une citoyenneté respectée. Certes, le Printemps arabe a été utilisé par l'Occident pour ses intérêts propres qui sont depuis toujours la mainmise sur le pétrole arabe et sur lequel est adossé le dollar américain, et indirectement l'euro, la livre sterling et le yen, quatre monnaies mondiales solidaires et mettant en coupe le monde. Sans le pétrole arabe et le dollar en tant que monnaie de facturation des transactions pétrolières, les États-Unis ne se seraient pas intéressés au monde arabe. Ni l'Europe ni le Japon. Il n'y aurait aucune utilité à tirer d'une mainmise sur ce monde, un monde presque comparable à l'Afrique subsaharienne.

Et si les systèmes monarchiques sont d'essence féodale depuis des siècles, les républiques arabes cherchent à lutter contre ce féodalisme rétrograde. Cela ne signifie pas que les républiques progressistes arabes issues de la décolonisation ne sont pas rétrogrades. Mais certainement beaucoup moins. Comme si Dieu les a mis dans cette situation, les républiques arabes dans une autre et l'Occident encore une autre. Les voies du Seigneur sont impénétrables. Cependant il y a l'«espoir». Et cet espoir, on ne doit pas le perdre. Parce que quelle que soit la situation de l'Algérie, comme du monde arabe, il y a le Tout-Puissant qui veille, en clair le « Vent absolu du changement », par où viennent les touts du monde. C'est ce Dieu, le Tout -Puissant qui programme la marche de l'histoire, qui programme le progrès du monde. L'homme croit trouver, mais c'est par l'esprit qui vient de Dieu et qui est mis en l'homme pour qu'il avance. Sans cet esprit, l'homme ne peut penser sa voie.

C'est cela que l'on doit comprendre, aucune nation ne commande son destin. Le XXIème siècle sera le siècle d'une seconde libération du monde arabe et de l'Afrique. Ce sera certainement une nouvelle naissance. Les Américains vont certainement se retirer du monde arabe, l'impérialisme américain, par ses défaites, a montré les limites de sa puissance. En clair, de plus en plus, il n'y a rien à gratter de ce monde. La Russie se déploie, mais c'est surtout la Chine et l'Inde dans quelques décennies qui relègueront l'Occident en deuxième puis en troisième position dans d'ordre de puissance. La pax americana va se terminer, c'est inéluctable. Pour ne prendre que le Japon ou Israël, Les prévisions tablent pour le Japon une population de 47 millions de Japonais à la fin du siècle contre 130 millions aujourd'hui.

Quant à Israël, c'est simple, voilà ce qu'écrit S. Daniel Abraham, fondateur et président du Center for Middle East Peace, Washington DC (Centre pour la paix au Moyen-Orient). «D'après le professeur Sergio Della Pergola de l'université hébraïque de Jérusalem, la population israélienne est aujourd'hui minoritaire en Cisjordanie, à Gaza et en Israël, tandis que la population arabe, déjà majoritaire de la Méditerranée au Jourdain, ne cessera d'augmenter car son taux de naissance est supérieur à celui des Israéliens. [...] Sans la conclusion d'un solide accord de paix, l'avenir d'Israël ne fait aucun doute. Les Palestiniens devenus majoritaires, exerceront une telle pression démographique, culturelle et sociale, que le gouvernement israélien se verra contraint de le leur donner le droit de vote. Le Hamas, qui aura alors obtenu la majorité absolue au Parlement, en prendra acte, donnant au pays le nom de Palestine [...] L'État d'Israël, tel que nous le connaissons aujourd'hui, aura cessé d'existé» (1)

Dans une autre analyse, Yoram Ettinger, ancien diplomate israélien, qui a étudié les statistiques palestiniennes depuis 2004, donne son point de vue sur le problème démographique en Israël : «Pourquoi les Palestiniens gonflent-ils leurs chiffres (démographiques) ? Pour Ettinger, ils le font dans le but de recevoir davantage d'aide de la communauté internationale ainsi qu'un important approvisionnement en eau de la part d'Israël. Mais surtout, les Palestiniens tentent d'effrayer les Israéliens avec «une bombe démographique à retardement». Kobi Michael fait le même constat: «les Palestiniens ont un agenda politique et un objectif stratégique: imposer une solution à Israël en recrutant le soutien international par la délégitimation de l'Etat hébreu».

Mais parmi les statisticiens israéliens, tous ne sont pas d'accord avec l'analyse d'Ettinger, et beaucoup contestent ses chiffres. Le professeur Arnon Soffer de l'université de Haïfa accuse à son tour Ettinger de ne pas fonder son travail sur des recherches académiques. Pour lui, les conclusions de l'ancien ambassadeur servent ses idéaux politiques. «Les habitants des implantations se confortent dans l'illusion qu'il n'y a pas de problèmes», mais s'il n'y a pas de séparation, prévient Soffer, «dans deux ou trois ans, les Palestiniens seront majoritaires».

Le professeur Sergio Della Pergola, expert en démographie à l'Université hébraïque de Jérusalem, explique que «les données palestiniennes doivent être minutieusement examinées. Mais ce qui est incontestable, c'est que la population arabe grandit et continuera de le faire plus vite que la population juive. Pas besoin d'attendre les chiffres publiés par Ramallah pour le comprendre.» «Si l'objectif de l'Etat d'Israël est d'être l'Etat du peuple juif, et non un pays qui adopte une politique de discrimination contre les non-juifs, la seule voie possible est de ne pas intégrer des portions de territoire où les non-juifs sont majoritaires, sous la souveraineté de l'Etat » (2).

Ceci est révélateur du problème démographique en Israël. Le monde avance, et le gouvernement israélien ne peut arrêter la marche de l'histoire. Et les mutations démographiques concernent de nombreux pays dans le monde, dont l'Allemagne, l'Espagne, la Russie, les États-Unis, la France..., sinon comment comprendre ce phénomène migratoire qui a commencé en ce début de siècle et qui prend de l'ampleur ? Des prémices dues au vieillissement et à la dépopulation des pays riches ? Qu'en sera-t-il dans 50 ans ? Dans 80 ans ? Et les années passent très vite sans que l'on se rende compte.

Cela est en lien avec la fin d'un cycle de l'histoire de l'humanité qui touchera tous les domaines, de l'économique, passant par le financier et monétaire, au démographique et évidemment la bonne gouvernance, c'est-à-dire la démocratisation des régimes monarchiques et républicains autoritaires arabes. Pour le monétaire, après la Chine et son yuan dans le panier des cinq grandes monnaies mondiales, de nombreux postulants parmi les autres grandes puissances pourraient intégrer leurs monnaies dans le panier qu'utilise le FMI pour déterminer la valeur des droits de tirages spéciaux (DTS).

D'autre part, le brassage de races va s'accentuer dans les pays riches dont le taux de natalité est très bas. Le revers de la médaille pour les pays trop riches, trop ordonnés, trop policés. Comme la Chine s'est développée, d'autres mondes en retard se développeront inéluctablement. Les années et décennies à venir seront déterminantes, elles marqueront la «fin d'un cycle historique». Une chose est certaine, le XXIème siècle ne ressemblera pas au XXème siècle comme le XIXème siècle ne ressemble pas au XXème siècle.

«Une loi de la nature, et cela conforte l'«espoir» pour tous les peuples riches ou pauvres. Un mouvement irréversible de changement, d'un monde toujours neuf suivant une «loi positive dans le développement». Et cela ne peut être autrement pour l'«humanité». C'est le sens même de son existence, de «progresser» qui s'inscrit dans sa raison d'être sur terre.

*Chercheur spécialisé en Economie mondiale

Notes :

1. «L'Algérie et le monde arabe face au «Vent absolu du changement»», par Medjdoub Hamed Le 10 janvier 2019

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-algerie-et-le-monde-arabe-face-211490

2. «Tribune ? Israël disparaîtra sans le moindre coup de feu», par La Revue N° 29. Février 2013

3. «La guerre des chiffres aura-t-elle lieu?», par le journal israélien, The Jerusalem Post. Le 11 février 2015

https://www.jpost.com/Edition-fran%C3%A7aise/Social-Eco/La-guerre-des-chiffres-aura-t-elle-lieu-390703