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Et si le chef est incompétent !

par M.T. Hamiani

Les relations hiérarchiques sont omniprésentes dans tous les domaines et peuvent avoir de fortes répercussions sur les individus.

De nombreuses études ont montré que les chefs peuvent considérablement influencer la façon dont les employés vivent leur travail et leurs relations à leur place de travail. Par exemple, un manque de soutien ou de communication entre un chef et son employé réduit le bien-être de l'employé et est également un facteur de stress.

De plus, beaucoup d'employés signalent que la relation avec leur chef était le facteur le plus important pour leur satisfaction au travail, bien avant leur salaire. Non seulement, l'insatisfaction des employés avec leur chef affectent leur bien-être, mais elle peut également toucher toute l'entreprise, en provoquant une augmentation significative du taux de rotations de poste ou des grèves.

On assimile souvent le terme de chef à celui de leader. Au sens propre, un leader est un individu qui est capable d'influencer, de motiver, et de rendre les autres capables de contribuer à l'efficacité et au succès des entreprises.

Ces dernières années, de nombreux chercheurs ont démontré qu'il ne suffisait pas d'avoir un chef sachant influencer ses employés pour que ces derniers soient efficaces et épanouis, car il existe un leadership destructif. Le leadership destructif se définit comme un comportement systématique et répété d'un leader, superviseur ou manager, qui viole les intérêts légitimes de l'entreprise en sapant ou sabotant les buts de la structure, les tâches, les ressources, ainsi que l'efficacité ou la motivation, le bien-être ou la satisfaction des employés.

Le leadership destructif prend par exemple en compte les comportements abusifs des chefs, tels le favoritisme, le mensonge, la critique publique de l'employé, ou bien la manipulation. Ces comportements touchent principalement à la relation entre le chef et son employé. Des employés qui se disent abusés par leur chef sont insatisfaits professionnellement et également d'un point de vue général, ils ont plus l'intention de quitter leur travail, perdent plus facilement leur repère et connaissent une plus grande détresse psychologique.

Face aux abus, ces employés répondent soit par de l'incivilité, ne se confrontant pas directement à leur chef, mais se révoltant contre l'employeur par crainte de représailles directes, soit en agressant directement leur chef. Le leadership destructif peut également prendre en compte les comportements liés à la compétence du chef ou plutôt à son incompétence. Ces comportements sont principalement liés à la tâche, tels que le fait de ne pas connaître le sujet, d'être trop focalisé sur les détails ou bien donner des instructions erronées.

À première vue on serait plutôt choqué par un chef abusif que par un chef incompétent. On pourrait penser que le chef abusif fait plus de dégâts qu'un chef incompétent. Mais comme nous allons le voir, ce n'est pas forcément le cas. Il est évident que la compétence du chef ou du moins la perception que l'employé a de cette compétence est un facteur qui influence la relation entre un chef et son employé. Quand on parle de compétence, on pense à différents types, tels que la compétence sociale ou la compétence technique.

Un bon nombre de professions n'exige pas nécessairement que le chef soit plus compétent que ses employés. Néanmoins, quand on pense aux taches techniques, les chefs d'équipe sont censés être plus compétents et connaître exactement la tâche que les membres de leur équipe effectuent quotidiennement. En d'autres termes, ils sont censés être experts. Différentes recherches ont montré que lorsque les chefs d'équipe étaient perçus comme moins compétents dans la tâche que les autres membres de l'équipe, il en résultait une baisse de la performance. Or, la compétence du chef n'affecte pas uniquement la performance des équipes, mais également comment les employés perçoivent et interagissent avec leur chef considéré comme non-expert.

Cela engendrait un comportement dominant de la part des employés. Donc ces employés ont plus de pouvoir. Ils résistent plus à l'influence de leur chef. Ils écoutent donc moins les conseils de leur chef pour résoudre la tâche et ils s'expriment de manière plus dominante, c'est-à-dire qu'ils formulent leur préférence ou leur opinion de manière plus forte ou campent sur leur position.

La principale attente qu'un chef a envers son employé est une certaine soumission ; idéalement l'employé devrait être en accord avec les idées de son chef et ne pas les remettre constamment en question. Néanmoins, le fait que l'employé se comporte de manière plus dominante que son rôle de subordonné, le prescrit peut poser des problèmes dans une relation à long terme avec son chef.

L'employé risque de se demander pourquoi il n'est pas lui-même dans la position de chef, voire carrément à la place de son chef perçu comme incompétent. Cette situation va engendrer du stress et une forte rivalité entre le chef et l'employé. A ce moment-là, la relation entre dans le cercle vicieux dans lequel l'abuseur abuse l'abusé qui à son tour abuse l'abuseur. Voilà pourquoi les employés peuvent se permettre de se poser beaucoup de questions.