Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le secteur financier algérien face au blanchiment de capitaux

par Bouchene Fateh*

Le blanchiment de capitaux est le fléau contre lequel les banques sont mobilisées parce qu'elles sont les premières victimes de l'utilisation des circuits financiers par les blanchisseurs.

Il faut situer l'ampleur du phénomène en termes de chiffres qui dépassent 1.600 milliards de dollars en 2009, selon le rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, soit 2,7% du PIB mondial. Ce montant colossal qui représente 5% du PIB mondial, selon le FMI, est en évolution croissante, parce que les « blanchisseurs » ont trouvé un terrain fertile pour blanchir l'argent sale dans les banques offshore installées dans les pays qui pratiquent un secret bancaire excessif, comme le cas des Antilles néerlandaises, Bahamas, Bahreïn, Hong Kong, îles Caïmans, Panama, Singapour, et secondaires, Dublin, Chypre, Madère, Malte, Malaisie (île Labaun), Thaïlande et Bangkok. Cette situation alarmante a poussé la communauté internationale à adopter des mesures préventives pour protéger le secteur financier contre le phénomène du blanchiment de capitaux, à travers une législation sévère fondée sur la criminalisation du blanchiment d'argent, en cohérence avec les standards internationaux afin de limiter l'extension du phénomène du blanchiment de capitaux, qui se développe notamment dans le domaine des opérations de change, transferts internationaux et les crédits...). Parmi les standards internationaux de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme on trouve:

- le GAFI (groupe d'action financier intergouvernemental) qui a élaboré les 40 recommandations plus 9, et qui travaille en étroite coopération avec les organismes qui ont pris des initiatives en matière de lutte contre le phénomène de blanchiment de capitaux tels que :

- l'APG (groupe Asie pacifique sur le blanchiment de capitaux);

- GAFIC (groupe d'action financier des Caraïbes);

- PCREN (comité restreint d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux);

- LOGBS (groupe des autorités de contrôle bancaire);

- MENA FATF (Organisation régionale de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme au Proche-Orient et en Afrique du Nord;

- CTRF (cellule de traitement de renseignement financier en Algérie).

Ces organismes de lutte contre ce fléau ont pour rôle primordial, entre autres :

1/ les échanges d'informations;

2/ la coordination et la coopération;

3/ la sensibilisation de la communauté internationale contre le phénomène du blanchiment de capitaux.

Et comme l'Algérie, qui ne vit pas seule dans ce monde et qu'elle n'est pas à l'abri du phénomène de blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, se trouve dans l'obligation de coopérer avec ces organismes internationaux, à travers la CTRF, que le décret exécutif n° 02-127 du 7 avril 2002 a défini son rôle, son organisation, sa mission et son fonctionnement. Auquel s'ajoute le règlement n° 05-05 du 15 décembre 2005 qui est inspiré de la loi n° 05-01 du 06 février 2005 relative à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et qui est destiné plus particulièrement au secteur financier.

Et pour montrer encore l'ampleur du phénomène, voilà un échantillon d'enquêtes menées par les spécialistes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux :

- 12 novembre 2007 : les sociétés de courtage et d'assurance chinoises sont soupçonnées de blanchiment de capitaux;

- 9 novembre 2007 : en Grande-Bretagne, certaines institutions émettrices de cartes de crédit bloquent les cartes affichant un solde créditeur, le but était de couper l'herbe sous le pied des blanchisseurs, parce qu'ils paient en trop le solde de leurs cartes et conservent un solde créditeur élevé; ils se servent ensuite de ce solde créditeur pour acheter des biens de valeur;

- 8 novembre 2007 : le chef de l'IRA (Irlande) est arrêté pour soupçon de blanchiment de capitaux;

- 7 novembre 2007 : la police fédérale brésilienne soupçonne les banques UBS et Crédit suisse d'avoir aidé de grandes entreprises à se soustraire aux impôts et de s'être livrées à du blanchiment d'argent, l'enquête aurait prouvé des montants de 3.4 millions de dollars;

- 11 octobre 2007 : l'Union des industries et métiers de la métallurgie française (UIMM); cette institution patronale réputée est soupçonnée d'avoir subtilisé des caisses de l'UIMM des millions d'euros en liquide, selon la cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux;

- 31 août 2007 : l'entreprise Bombardier aéronautique a résilié le contrat de vente d'un avion d'affaires à l'effet que l'acheteur était un gouverneur nigérian désireux de régler sa facture avec de l'argent sale;

- selon l'agence de presse officielle chinoise (Xinhua), les forces policières d'Abou Dhabi aux Emirats arabes unis ont démantelé un réseau international qui utilisait ce pays comme base pour blanchir de l'argent provenant du trafic de drogue, le réseau est composé de 4 têtes dirigeantes qui auraient blanchi 654 millions de dollars.

Enfin, le deuxième trimestre 2011 : la CTRF Algérie a réceptionné 600 déclarations de soupçons de blanchiment d'argent, selon son président. Ces échantillons d'enquêtes que nous venons d'exposer et dont la liste est longue prouvent que le phénomène du blanchiment de capitaux est dangereux, entrave le progrès social, engendre l'inégalité et l'injustice. Il est difficile à combattre dans le moyen terme, parce qu'il est déjà propagé dans le secteur financier national et international, depuis de longues années, et qui demande encore plus d'effort, de vigilance et de continuation de la part de la communauté internationale afin de limiter l'extension du fléau du blanchiment de capitaux (prévenir mieux que guérir).

Conclusion

En tant que banquier, on n'a pas toujours les moyens de s'assurer que ce qu'on voit dans une banque est une opération de blanchiment d'argent, mais on doit être capable de dire que ce type d'opérations est peut-être une opération de blanchiment. En tant que banquier, on ne peut jamais avoir la preuve qu'il y a l'élément intentionnel, ça c'est du domaine de la police ou du juge. Si un système bancaire est bien contrôlé, bien règlementé, les opérations du blanchiment deviendront l'exception.

*Auteur