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Tribunal criminel d'Oran: 10 ans de prison pour avoir tenté de tuer le maire d'Aïn el Bia

par M. Nadir

B. Mohamed, chômeur âgé de 38 ans, a été condamné jeudi dernier à 10 ans de prison pour avoir tenté de donner la mort à Abbas Mohamed, maire d'Aïn el Bia, qui, a-t-il expliqué à la barre, n'a pas daigné lui renvoyer l'ascenseur en l'aidant à trouver du travail, lui qui l'a soutenu dans sa campagne électorale.

La boisson et un couteau de boucher

Au soir du lundi 25 septembre 2017, B. Mohamed tente de noyer son ressentiment dans l'alcool. Depuis plusieurs mois, il rappelle à son ancien ami et maire d'Aïn el Bia sa promesse de le soutenir dans sa quête d'un emploi stable. A 37 ans, il n'a pas encore de situation sociale stable : sans travail et sans logement, il est toujours célibataire et le seul espoir auquel il est resté accroché a pour nom Abbas Mohamed : «Je l'ai aidé à gagner les élections et il s'était engagé à me trouver un emploi. Mais à chaque fois que je l'interpellais, il me renvoyait à d'autres lendemains», expliquera l'accusé à la barre plus tard.

Ce lundi-là, Mohamed n'arrive pas à contenir sa colère et, l'alcool aidant, il s'arme d'un couteau de boucher et s'en va trouver le maire d'Aïn el Bia. L'enquête menée par la police déterminera que Mohamed s'est rendu au domicile de l'édile, l'a trouvé dans la voiture de fonction en compagnie du chauffeur et d'un employé de la mairie, a demandé à lui parler en privé avant de tenter de l'égorger. N'était-ce l'intervention des deux témoins et d'un commerçant, Abbas Mohamed n'aurait pas survécu. Le médecin légal de l'hôpital d'El Mohgoun constatera une blessure traversant la gorge sur une longueur de 15 cm, et des lésions à une oreille et une joue. Plaies qui ont entrainé un arrêt de travail temporaire de 16 jours mais qui ont, surtout, accrédité la thèse d'une tentative de meurtre avec préméditation.

La thèse -corroborée par le témoignage des deux employés de la mairie, les menaces plusieurs fois proférées par le suspect et une agression perpétrée contre le P/APC trois mois plus tôt- mènera à l'inculpation de B. Mohamed pour les chefs d'accusation de meurtre avec préméditation conformément aux articles 254, 255, 256, 257 et 261 du code pénal.

L'accusé : «Je n'avais pas l'intention de tuer»

A la barre du tribunal criminel de première instance, jeudi dernier, B. Mohamed ne tente pas de nier. Au contraire, il justifie son acte par les engagements non tenus de la victime : «Je l'ai aidé à se faire élire maire et il a toujours promis de m'aider à trouver un emploi. Mais une fois maire, il a commencé à se défiler. Toutes les fois que je le relançais, il me répondait invariablement de revenir plus tard. Et pendant tous ce temps, il a attribué des locaux commerciaux, trouvé des emplois à d'autres personnes. Il connaissait pourtant ma situation sociale difficile», relate-t-il, le regard à terre en exposant les raisons de sa colère irrépressible du lundi 25 septembre: «Cette soirée-là, j'avais beaucoup bu. Je n'ai pu calmer mon ressentiment, j'ai pris un couteau de boucher et je suis allé le trouver pour lui parler. Mais je n'ai jamais eu l'intention de le tuer. Je ne sais même plus comment je l'ai atteint à la gorge», tentera-t-il désespérément d'expliquer.

Ce qui ne convainc manifestement pas le président d'audience qui a les dépositions de la victime et des témoins (absents du procès) sous les yeux : «La victime a affirmé que vous avez tenté de l'égorger, les témoignages des deux témoins abondent dans le même sens», rétorque-t-il.

B. Mohamed achèvera sa déposition en reconnaissant ses torts mais en jurant ne pas avoir eu l'intention de tuer le maire.

Intention criminelle avérée, selon le ministère public

Pour le représentant du ministère public, l'intention criminelle de l'accusé ne souffre d'aucun doute : il est allé à la rencontre de la victime armé d'un couteau de boucher et il a porté des coups d'une gravité extrême «Il avait l'intention de donner la mort», conclut-il son bref réquisitoire en réclamant 20 ans de réclusion criminelle.

Les deux avocates de la défense, elles, ont tenté de plaider la requalification des faits et les circonstances atténuantes. «Si l'accusé avait voulu tuer, il aurait frappé au cœur. La vérité est qu'il etait ivre et que ses coups étaient désordonnés et ne visaient pas spécialement la gorge de la victime», affirme l'une d'elles en demandant au tribunal de requalifier les faits en coups et blessures volontaires, selon l'article 264 du code pénal. La défense insistera également sur la situation difficile d'un homme approchant la quarantaine qui n'a pas encore réussi à se faire une place dans la société : «Notre client est lui aussi une victime. Il avait 37 ans, souffrait du chômage et ne parvenait ni à se marier ni à avoir un logement. De plus, celui qu'il considérait comme un ami lui avait tourné le dos et refusait de l'aider», énumérera l'avocate pour tenter de sensibiliser les membres du tribunal aux souffrances qui ont motivé l'acte désespéré de son client, et obtenir les circonstances atténuantes.

Après délibérations, le tribunal criminel déclarera B. Mohamed coupable des faits reprochés et le condamnera à purger une peine de dix ans de prison assortie de la privation des droits civiques durant les cinq premières années qui suivront son élargissement.