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De quel droit vous parlez au nom des Algériens ?

par Mohamed Salah

Le remue-ménage autour de la prochaine élection présidentielle n'engage que ses acteurs qui pensent, à tort ou à raison - là n'est pas la question - qu'ils ont quelque légitimité pour l'évoquer en faiseurs d'opinion. L'actualité électorale a plombé, ces deux dernières années, un pays en crise multidimensionnelle, reléguant l'urgence sur un banc des remplaçants pour se focaliser sur une date qui risque de ne jamais arriver. L'essentiel n'étant pas dans le maintien ou le report de la présidentielle, mais dans cette cacophonie de voix, autorisées ou pas, qui s'élèvent pour parler au nom du peuple. Un peuple devenu aphone, à force, qui n'a aucun droit de cité dans un processus qui l'engage en premier lieu.

Que ce soit l'opposition ou les partis dits de la majorité présidentielle, les Algériens ne se sentent nullement concernés par leurs propositions du fait même que ces formations politiques ont perdu, depuis longtemps, toute représentativité citoyenne. Cette question soulève le peu d'intérêt des Algériens à la chose politique avec laquelle ils ont divorcé depuis et convoque cette lancinante interrogation sur la pertinence de ces gens et leur réelle influence sur l'échiquier national. Que ce soit les islamistes, les démocrates, les républicains-conservateurs ou les partis de l'extrême gauche, tous convergent vers cette désaffection populaire prouvée à maintes reprises par les taux record d'abstention enregistrés lors des différents scrutins organisés. S'il ne fait aucun doute sur cet aspect des choses, il serait bienvenu de revenir sur les propositions des uns et des autres pour constater que rien de nouveau n'est venu se greffer au débat engagé en amont sur la légitimité du système en place. Pour les défenseurs de l'option report «anticonstitutionnel», selon le FFS, l'objectif est de retarder l'échéance et de gagner du temps, même si pour le MSP, il s'agit avant tout de réformer. Réformer quoi ? Avec qui ? Pourtant, les Algériens n'ont que trop enduré ce genre de discours creux, conscients qu'aucun changement ne pourra avoir lieu tant que les mêmes hommes qui ont conduit ce pays au mur restent aux manettes du pouvoir. Que ce soit chez l'opposition ou dans les partis de la coalition, on est face à une indigence d'idées qui frise l'irresponsabilité et les meilleures options ressemblent à du bricolage de dimanche. Un système D qui s'ingénie à prioriser le décor au détriment des véritables enjeux qui menacent le pays.

Le problème n'est plus dans le maintien du vote ou de son report puisque le résultat est identique. Que ce soit Bouteflika et un cinquième mandat ou un autre nom coopté autour d'un consensus de circonstance, l'essence même d'une élection libre est remise en question.