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Les importations sont-elles notre ennemi économique ? (1ère partie)

par Mounir Ben Abba

Au cours de la période 1999-2008, les importations du pays sont passées de $ 9,88 milliards à $ 42 milliards, soit une augmentation de 352%. Sachant que la population n'a augmenté que de 14% (de 30.1 millions à 34.43 millions) mais le produit intérieur brut a augmenté par 256%.

En 2008, les exportations algériennes s'élevaient à $ 83,6 milliards, soit 12 fois plus que celles de 1999 ($ 6,95 milliards). De 2008 à 2016, les exportations ont baissé de 63% à un taux annuel de près de 8%. Toutefois, les importations ont continué à augmenter à un taux annuel de 3,5%. En 2015, les importations (,702 milliards) avaient dépassé les exportations (,668 milliards) et le pays enregistre le premier déficit commercial (,034 milliards) après 17 ans. Depuis lors, le pays est entré dans une spirale de déficit commercial qui devrait même durer les quatre prochaines années. En 2016, le déficit commercial était de ,3 milliards (exportations: ,026 milliards ? importations: $ 47,089 milliards), 2017 était $ 14.41 milliards (exportations: ,57 milliards - importations : $ 48,98 milliards) et, au cours des dix premiers mois de 2018, le déficit commercial de l'Algérie est tombé à $ 4,11 milliards (exportations: 34,126 milliards et importations: ,240 milliards), grâce à l'amélioration des prix du pétrole avec une moyenne de dollars le baril, contre dollars à la même période de 2017.

De 1998 à 2015, les recettes des exportations pétrolières couvraient la totalité des importations, mais en 2015, 2016. 2017, les exportations couvraient respectivement 67%, 64%, 70% des importations, soit une moyenne de 67%. En 1997, le ratio Importations/PIB était de 18%, vingt ans plus tard. En 2017, les importations représentaient presque le tiers du produit intérieur brut du pays, ce qui représente une augmentation de 50%, malgré la chute spectaculaire des recettes du pays depuis 2011.

En 2017, 22% des importations du pays étaient des produits alimentaires (céréales, lait, etc.) et des médicaments, 32% des biens de production, 32% des équipements et 14% des biens de consommation non alimentaires. Tenant compte de la classification actuelle des catégories d'importation adoptée par les autorités, il ressort que 86% de nos importations sont des produits essentiels pour les producteurs, les consommateurs et l'ensemble de l'économie. Nous continuons d'importer environ ,33 milliards de produits agricoles et de produits alimentaires chaque année. Nous sommes l'un des plus grands importateurs de blé (,39 milliards) et de produits laitiers (,16 milliard) au monde.

Aux dix premiers mois de 2018, la facture alimentaire s'était établie à ,252 milliards, alors que les importations des produits bruts se chiffraient à ,59 milliard. Concernant les biens de consommation non alimentaires, l'Algérie a importé pour $ 8,01 milliards. La facture des produits énergétiques et lubrifiants s'élevait à $ 879 millions. La facture d'importation des biens d'équipements agricoles totalisait $ 470 millions de dollars. Pour les biens d'équipements industriels, le pays a déboursé $ 11,05 milliards. Les importations des demi-produits ont légèrement reculé à $ 8,986 milliards.

En 2015, 2016 et 2017, nos importations par habitant s'élevaient respectivement à 10, $ 1151 et $ 1166. En termes de total d'importations, nous sommes le deuxième plus grand importateur en Afrique après l'Afrique du Sud et au coude-à-coude avec l'Égypte. Néanmoins, en 2017, nous avons importé par habitant 1,5 fois plus que le Maroc et plus du double de ce que l'Égypte importait par habitant, sachant que sa population est de 99 millions d'habitants. La même année, nos importations ont été supérieures à celles du Nigeria, dont l'économie est 2,55 fois plus grande que la nôtre, fortement dépendante de l'importation et sa population (191 millions d'habitants) 4,65 fois supérieure à la nôtre. De même, nous avons importé plus que l'Irak, dont les revenus sont supérieurs aux nôtres et a la même population que la nôtre, mais son économie est totalement en panne et entièrement dépendante des importations.

Selon un bilan des douanes de 2017 à 2018, malgré toutes les mesures restrictives et protectionnistes prises par le gouvernement depuis 2016, la facture totale des importations a diminué du pourcentage insignifiant de 0,35%, qui représente la modique somme de 4 millions, alors que le gouvernement tablait sur un objectif de $ 10 milliards en 2018.

Cette tendance à la hausse des importations a été conduite par :

1 - Le désengagement de l'Etat du contrôle du commerce extérieur et la libéralisation du marché des importations qui a commencé aux années 1990 et s'est intensifiée dans les années 2000, notamment après la mise en œuvre de l'accord d'association avec l'Union européenne en 2005, qui a largement contribué à l'augmentation des importations. Aujourd'hui, les biens provenant de l'UE représentent plus que la moitié du total des importations.

2 - Grâce aux revenues des hydrocarbures, le produit intérieur brut du pays a augmenté massivement. Entre 1999 et 2008 le produit intérieur brut par habitant a augmenté de 307%, passant de 16/habitant à $ 4967/ habitant et en 2014 atteint un montant plus élevé de 67 /habitant et actuellement est de 23. La croissance du produit intérieur brut conduit à une augmentation remarquable due niveau de vie surtout à travers les multiples augmentations des salaires, le nouveau statut de la population qui est devenu un petit peu plus affluente, a amplifié non seulement la consommation, mais aussi la recherche des produits de qualité, qui généralement viennent de l'extérieur.

3 - Entre 1999 et 2018, l'Algérie a connu une croissance démographique très rapide de 35%, passant de 31.1millions à 42 millions d'habitants. En conséquence, le pays a dû faire face aux besoins très élevés de la population auxquels l'économie locale ne pouvait répondre. Donc, recours à l'importation !

4- Encore, grâce aux revenus massifs des hydrocarbures, depuis 1999 le gouvernement est embarqué dans des projets de grande ampleur, le bâtiment, les travaux publics et infrastructures, l'agriculture, l'énergie, les télécommunications, la construction de barrages, l'extension des réseaux ferroviaires et routiers, la construction d'aéroports, complexes sportifs, universités, logements, etc. La réalisation de ces projets nécessitaient le recours à l'importation des matériaux, équipements et même un appel massif aux entreprises étrangères dans la majorité de ces projets. Cependant, l'incompétence, les études non fiables des projets, la mauvaise planification, une gestion médiocre, l'absence de contrôle et de suivi, mais surtout le manque de moralité et d'éthique ont rendu le coût de la plupart de ces projets exorbitants, même par rapport aux prix internationaux. Malgré les avantages énormes dont nous disposons. La main-d'œuvre est au moins 10 fois moins chère qu'en Europe. Beaucoup de matériaux utilisés en grandes quantités tels que le tuf, les sables et graviers ne coûtent pratiquement que leurs frais d'extraction et le concassage, le carburant est 5 à 7 fois moins cher, les loyers, l'électricité et le gaz aussi, les occupations temporaires de terrains qui coûtent des fortunes en Europe ne sont même pas payantes en Algérie lorsqu'il s'agit de terrains relevant du domaine public. Ainsi notre capacité de payer au comptant, qui annule tout coût financier, comme dans le cas d'un emprunt de fonds. En plus de ceux-ci, notre forte position de négociation en raison de la concurrence internationale intense et nos capacités financières qui n'ont posé aucun risque de non-paiement aux fournisseurs. Donc, nous aurions pu négocier un meilleur prix et de meilleures conditions.

5 - Une étude comparative et analytique effectuée sur les importations au cours des quinze dernières années a conclu que nous avons dépensé plus sur nos importations que nous n'aurions dû. Des recherches ont même indiqué que le pays importait environ 20% de plus que ce dont il avait besoin en terme de volume et payait 25% de plus en terme de prix. De nombreux professionnels et même des membres du gouvernement ont reconnu que factures majorations, manipulations et fausses déclarations s'effectuaient à grande échelle dans les opérations d'importation.

De toute évidence, il y a eu une tendance délibérée à augmenter les importations. Cela a été noté en quelque sorte dans le dernier rapport de la Banque mondiale Intitulé «Doing Business» où la seule rubrique dans laquelle le pays avait un score plus élevé était celle de la facilitation des importations. En outre, dans son dernier rapport, la Banque d'Algérie a conclu que, dans l'ensemble, les importations du pays étaient moins favorables à l'investissement et beaucoup plus favorables à la consommation.

A suivre...