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Le rêve brisé des étudiants algériens

par Farouk Lamine

Le Premier ministre français Édouard Philippe vient d'annoncer une hausse spectaculaire des frais d'inscription à l'Université, pour les étudiants étrangers hors-Union Européenne. Les frais d'inscription en Licence passeront donc de 170 à 2.770 euros, et de 243 à 3.770 euros en Master et Doctorat. Les étudiants algériens et africains en général, seront les plus touchés par cette mesure. En effet, beaucoup d'étudiants algériens, si ce n'est la majorité, nourrissent le rêve de poursuivre leurs études en France.

Si la France a toujours été une destination prisée par les étudiants algériens, ce n'est pas uniquement, en raison des liens entre les deux pays (notamment la langue), mais c'est aussi parce que les frais d'inscription dans ce pays restaient, relativement, peu coûteux, par rapport à d'autres pays en Europe, notamment l'Angleterre dont les frais d'inscription s'élèvent à des montants vertigineux. Néanmoins, ce sont les coûts du gîte et du couvert calculés sur toute une année scolaire (ces frais s'élèvent à 6.000 euros) et l'octroi limité des visas qui ont jusque-là, entravé la poursuite des études à l'étranger, pour de nombreux étudiants algériens, et la dégringolade de notre monnaie nationale, complique davantage les choses. Désormais, il faudra tenir compte également des frais d'inscription annuels onéreux qu'imposeront les universités françaises. Un cauchemar pour les étudiants !

Cette augmentation des frais vise à attirer les étudiants des pays riches pour lesquels les frais d'inscriptions servent d'indicateur de la qualité de formation dispensée. Ce sont notamment les étudiants chinois qui sont la cible. Le boom économique que connaît la Chine, depuis les années 1990, a fait que le nombre d'étudiants est passé, en 15 ans, de 7 à 35 millions. Les bénéficiaires de cette croissance se voient offrir la chance de partir étudier à l'étranger, notamment dans les pays anglosaxons. C'est, donc, là un grand marché qui s'offre aux universités occidentales. Le choix des universités en Chine ainsi que dans d'autres pays riches se fait selon des classements controversés, comme le « classement de Shangaï », qui se base sur la production scientifique des universités. Les universités anglosaxonnes occupent les premières places en termes de « productivité » (Nobel, nombre de publications, etc.).

Ces universités sont dotées de service de communication et de marketing pour se vendre auprès d'une clientèle qui ne voit, dans la faculté, qu'un moyen de s'insérer dans un marché de travail, de plus en plus, concurrentiel et élitiste. L'université comme un espace d'égalité et de savoir émancipateur, où l'on mûrit, progressivement, pour acquérir de l'indépendance et de l'esprit critique, recule de plus en plus pour une vision entrepreneuriale des campus qui délivrent des diplômes rentables.

Il est, par ailleurs, intéressant de voir quelles écoles ont commencé par transformer des lieux d'études en hôtels 5 étoiles, en France : l'Ecole des Science Po et les Ecoles de Commerce (business schools).

On peut, d'ores et déjà, deviner la suite de l'histoire. Il suffit de voir ce qui s'est passé, outre-Manche (Angleterre) et de l'autre côté de l'Atlantique (Etats-Unis). Cette mesure, qui n'a pas provoqué la colère des Français (sauf quelques associations d'étudiants), finira par les atteindre. Mais il y aura toujours une mesure pour faire avaler la pilule : souscrire à un crédit bancaire que l'étudiant remboursera une fois en poste et bien rémunéré. Or cette méthode n'a pas fait ses preuves. En cas de chômage, les étudiants, entre temps devenus investisseurs, seront incapables de rembourser leur prêt, et l'université, devenue entre-temps entreprise, risque alors la faillite. La dette étudiante aux Etats-Unis s'estime à plus de 1500 milliards de dollars, au point que l'on se demande si elle va succéder aux subprime ? Malgré tout cela, le modèle américain fascine toujours les dirigeants, et l'absence d'une alternative fiable qui fédère rend la contestation floue et inaudible.