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Des témoins gênants que Ryad va promptement éliminer

par Kharroubi Habib

Selon le procureur général saoudien, le journaliste opposant Jamal Khashoggi assassiné le 2 octobre au sein du consulat de son pays à Istanbul aurait été drogué et démembré par l'équipe de «négociateurs» envoyée par le chef adjoint des services saoudiens pour le ramener de gré ou de force à Ryad. Il a toutefois réfuté que les assassins du journaliste ont agi sur ordre venu du plus haut sommet de la hiérarchie du pouvoir saoudien comme l'a affirmé le président turc Recep Tayyip Erdogan et que le pense l'opinion internationale. Une réfutation qu'Ankara a aussitôt jugée insuffisante et contradictoire avec les «preuves» qu'ont réunies les enquêteurs turcs ayant fait apparaître que le meurtre de Khashoggi a été prémédité à l'avance et a appelé Ryad à révéler les vrais commanditaires de cet acte criminel.

Si en réaction aux dires du procureur général et à sa tentative de dédouaner du crime le «haut niveau» de l'Etat saoudien les autorités turques persistent à exiger de Ryad d'admettre la préméditation impliquant des commanditaires ayant rang plus élevé au sein du pouvoir saoudien que celui qu'il a désigné, celles de Paris semblent s'en satisfaire en ayant qualifié l'enquête diligentée par ce magistrat saoudien comme «allant dans le bon sens». Que «l'enquête» saoudienne ait un sens, c'est certain, mais qui n'est assurément pas celui d'établir toute la vérité sur un assassinat qui a universellement horrifié et révolté. La France comme la plupart des Etats occidentaux qui ont de gros intérêts en jeu avec la monarchie wahhabite se montrent disposés à prendre pour argent comptant la version présentée par le parquet général de Ryad et à se satisfaire du procès des sous-fifres impliqués dans l'assassinat qui comme l'a indiqué le haut magistrat saoudien va probablement se conclure par la confirmation de la peine de mort requise par lui contre ceux d'entre eux qui sont susceptibles d'éventer le lourd secret que la monarchie ne veut pas voir étalé.

L'expéditive justice saoudienne se chargera d'empêcher son dévoilement en exécutant la sentence qui a pour objectif de faire définitivement taire des acteurs du crime d'Istanbul qui détiennent les clefs du secret dont l'implication du prince héritier et homme fort de la monarchie en serait la cause. Il n'y a que la Turquie pour empêcher que ce jugement annoncé clôture l'ignoble séquence du meurtre de Jamal Khashoggi. Peu importe qu'elle le fasse pour des calculs «politiques» comme l'en a accusée l'inénarrable ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, si au bout du compte elle parvient à acculer la monarchie wahhabite à reconnaître son implication au plus haut sommet. Ce résultat aura pour conséquence de faire apparaître au grand jour la cynique hypocrisie occidentale qui est à l'œuvre depuis le 2 octobre consistant à se déclarer déterminé à faire toute la lumière sur l'odieux assassinat et en même temps à s'abstenir de prendre des sanctions et à faire pression conséquente sur la monarchie saoudienne pour la contraindre à dévoiler qui sont ses sanguinaires et réels commanditaires que tout désigne pourtant à la lumière de la nature du pouvoir qui régente le royaume.