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Le virus des primaires

par El Yazid Dib

A l'apparence, tout semble s'inscrire dans la démarche d'une pratique démocratique. L'urne étant une balance qui par principe ne doit ni mentir ni produire des injustices, sauf qu'elle est là aussi pour contenir des voix le plus souvent sans conviction. Dans les coulisses, c'est la négociation du donnant-donnant et du réveil des cellules dormantes d'un régionalisme intra-muros. Abstraction faite du commerce politique qui se favorise dans la transaction des cessions d'adhésion. C'est une question de caisse et d'encaisse.

L'on aurait vu dans ces primaires rejaillir un autre spectre de subterfuge machiavélique. L'emprunt de voix. Des candidats recrutent le temps de l'opération primaire des élus-électeurs d'autres corporations afin d'accomplir l'abject et réintégrer ensuite, en fin de vote, leurs formations d'origine. Ainsi, il y a tout ce qui pousse l'analyste à rire et s'abstenir d'en pleurer, tellement la vilenie et la vente de soi en sont devenues des agios bancaires. La loyauté a fini par foutre le camp du camp où est censée se mener une bataille de punch et de gabarit et non pas une démonstration de malice, de forfaiture, de corruption de mœurs et de tartuferie. Ces primaires, dans certains cas, ne vont donner que de la mauvaise haleine partisane. Le sénat, si l'on tient à ses valeurs cardinales et génésiaques, n'est pas un club attenant à une culture de tabac à priser, de grosse gueule ou de folles ambitions. L'on voit mal un affairiste, une vulgarité, un sans-emploi, une instabilité politique, une connerie, une frénésie de candidature dans la peau d'un sénateur. Un sénateur de 40 ans est encore un stagiaire. Il finira tôt ses classes, sans même pouvoir y apprendre le cours de la vie. Et puis que deviendra-t-il après la forclusion du mandat ? Le désert et la nostalgie. La frustration et désenchantement.

Si le rajeunissement était pris en option dans le processus tant rabâché du renouvellement des instances, la notion n'exprimerait pas qu'il fallait confier des tâches de représentation à des poupons ou à des personnes quelconques et indifférentes. Aussi le renouvellement ne peut rimer avec la réincarnation des momies ou la réparation pâteuse des épaves extirpées du cimetière politique.

Tout reste à revoir. En l'état actuel des choses: rien ne stimule la paisibilité des rangs quand un académicien, un mathématicien, un professeur d'université se le dispute à un rien bardé uniquement d'une armée de voix toutes enrôlées aveuglement. Il ne reste que la croyance intrinsèque de ses propres idéaux, de sa lutte et de son combat, quoique perdant une manche ; contre cette domination grégaire du faux nombre.