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Le pétrole, toujours

par Mahdi Boukhalfa

Le projet de loi de finances 2019 sera adopté ce jeudi en séance plénière par le Parlement. Il va consacrer, dans le fond, la politique sociale qui a été toujours prônée par le président Bouteflika, autant pour garantir la «paix sociale» que pour répondre à une énorme demande sociale en termes d'infrastructures, d'habitat et de services.

 La nouveauté dans le PLF 2019, et au-delà du gel des hausses des tarifs de plusieurs produits comme les carburants et l'électricité, et de relative détente fiscale, est que le gouvernement a tenté une timide sortie de la dépendance des hydrocarbures pour reprendre prudemment les chemins de la croissance. Une démarche à souligner, sinon à encourager, dans la mesure où le ton est clairement donné pour abandonner progressivement, même si cela n'est pas envisageable à brève échéance, la piste des hydrocarbures pour soutenir la croissance.

 Le gouvernement Ouyahia a d'ailleurs bien établi qu'il compte, en 2019, s'appuyer sur les secteurs économiques hors hydrocarbures pour assurer une croissance prévue à 2,9% contre les 4% de 2018. Hors hydrocarbures, le taux de croissance prévu par le gouvernement Ouyahia est de 3,2%, avec un appui plus marqué sur les secteurs de l'industrie, du BTP, de l'agriculture ou des services. Ces secteurs, selon la démarche de l'exécutif, qui veut se libérer de la dépendance des hydrocarbures pour améliorer ses indicateurs économiques, seront en quelque sorte le cheval de bataille de la relance économique et, surtout, marqueront la fin de la dépendance de l'économie algérienne aux hydrocarbures. Un vaste projet cependant, car dans l'immédiat et dans les cinq prochaines années, il s'agit surtout d'éponger les déficits, ramener à l'équilibre notamment la balance des paiements, ainsi que la fin de l'érosion des réserves de change par le recours qui s'annonce massif, mais contesté aux hydrocarbures de schiste. En fait, dans l'absolu et en l'absence d'une économie résolument orientée vers l'exportation de biens hors hydrocarbures, le gouvernement actuel (et à venir) doit mettre le cap en priorité sur une meilleure stratégie d'exploitation des secteurs industriel, agricole et des services, qui ont des potentiels énormes. Les estimations sont optimistes pour 2019, avec une croissance dans le secteur du bâtiment et des travaux publics de 4,7%, de 5% dans l'industrie, de 3,7% dans l'agriculture et de 1,8% dans les services marchands et non marchands de l'Etat. Des chiffres qui donnent une certaine confiance dans des secteurs ailleurs moteurs de la croissance, alors qu'en Algérie, la hausse du PIB n'a jamais été tirée par l'industrie, encore moins par l'agriculture et les services. Aujourd'hui, il semblerait que la crise financière ait rendu le gouvernement plus sage, qui veut cependant s'assurer d'une croissance à deux niveaux, celle tirée par les hydrocarbures et celle à venir liée à une amélioration des performances des secteurs industriel et agricole, les services étant encore trop en retrait pour être compétitifs, hormis quelques niches isolées. Sur la base d'une remontée des performances des secteurs hors hydrocarbures, le gouvernement compte réaliser en 2020 une croissance économique de 3,4% et 3,2% en 2021 avec une moyenne de croissance hors hydrocarbure de 3,1% en 2020-2021. C'est bien, mais dans les faits, les déficits restent importants et la demande sociale tout autant, notamment pour le dossier des retraites, du soutien des prix aux couches défavorisées, l'habitat et la relance de l'emploi. Ce qui, fatalement, va reporter à plus tard la stratégie d'une croissance économique indépendante des hydrocarbures. Et ainsi, les lois de finances seront toujours étalonnées sur le pétrole.