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Comment taxer les GAFA ?

par Akram Belkaïd, Paris

Comment faire en sorte que les GAFA, autrement dit ces grandes entreprises de l’Internet (Google, Apple, Facebook, Amazon) paient ce qu’elles doivent aux États comme impôts ? La question n’est pas nouvelle et elle se pose de manière récurrente surtout quand on apprend que tel ou tel géant du net ne paie pas grand-chose dans tel ou tel pays. Cela grâce à ses structures fiscales qui lui font concentrer l’impôt dans des pays à faible imposition comme, par exemple, l’Irlande ou le Luxembourg.

Bénéfice ou chiffres d’affaires ?

Ces dernières années, l’idée d’une taxe unique et uniforme en Europe a fait son chemin. Mais elle semble avoir du plomb dans l’aile en raison d’une opposition entre l’Allemagne et la France pour ce qui est de sa concrétisation. Paris veut que les géants du net soient taxés à 3% du chiffre d’affaires réalisé. C’est clair et tangible. De son côté, Berlin préfère un impôt minimum mondial basé sur les bénéfices. C’est plus vague. Autrement dit, il s’agit de deux philosophies différentes qui obligent les deux capitales à négocier pour trouver un accord d’ici la fin de l’année.

Personne ne peut contester aujourd’hui le caractère anormal, pour ne pas dire scandaleux, de la situation fiscale des GAFA en Europe mais aussi en Afrique où ces entreprises commencent à réaliser des bénéficies conséquents. Pendant longtemps, les entrepreneurs quels qu’ils soient ont critiqué la méthode qui consiste à taxer le chiffre d’affaires. Ils y voyaient une ponction injustifiée sur l’activité qui, de plus, avait pour conséquence de diminuer les profits. Ce raisonnement tient encore la route pour ce qui est des petites entreprises qui n’ont pas de structures internationales. Ou qui n’ont pas les moyens de se payer un fiscaliste capable de les aider à faire « fuir » leurs bénéfices.

A l’inverse, les schémas d’optimisation fiscale qui ne cessent de se développer, notamment avec l’usage de filiales dans des paradis fiscaux ou des pays à faible fiscalité imposent une autre approche. Si les GAFA ne paient pas des impôts dans tel ou tel pays, c’est parce que les bénéfices sont, d’une manière ou d’une autre, transférés, en toute légalité, vers des filiales moins exposées. L’Europe qui semble avoir découvert le problème, il y a quelques années, fait mine d’oublier qu’elle a largement toléré, voire encouragé, ce genre de pratiques. Des colloques entiers ont été organisés à Bruxelles ou ailleurs sur le continent pour vanter les mérites des prix de cession interne entre filiales (pour résumer, la filiale A qui fait des bénéfices dans un pays à forte fiscalité paie des « redevances » à une filiale B qui est dans un autre pays, plus accueillant en termes d’impôts).

Etats vs transnationales

Dans un contexte d’austérité et de difficultés budgétaires, les Etats se rendent compte qu’il y a du gras à prélever sur l’activité des GAFA. Une taxe sur le chiffre d’affaires serait une bonne parade pour contourner les différents montages fiscaux. Encore faut-il que soit tenu en échec l’intense lobbying de ces transnationales qui font du « payer le moins possible d’impôts » un principe de base, destiné notamment à ravir leurs actionnaires (moins d’impôts payés, c’est plus de dividendes…). Il faut donc suivre de près cette bagarre à propos de la fiscalité imposée aux GAFA. Si ces dernières l’emportent, cela sera encore une preuve que les Etats n’ont plus leur pouvoir d’antan et que les transnationales sont désormais leurs interlocutrices de poids.