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Big Blue se paie un chapeau rouge

par Akram Belkaïd, Paris

Indifférentes aux soubresauts géopolitiques qui assombrissent la conjoncture internationale, les grandes entreprises continuent de croître et de mener des opérations d’acquisition. C’est le cas du grand constructeur informatique IBM qui vient de racheter RedHat, le spécialiste de logiciel «open source», pour la modique somme de 34 milliards de dollars. Pour résumer l’importance de l’opération, le montant dépensé par «Big Blue» (surnom donné à IBM) pour s’acheter un «chapeau rouge» correspond à 170% de la valeur boursière de l’éditeur de logiciel sur le New York Stock Exchange (NYSE).

Diversification

Avant d’aller plus loin, quelques mots à propos de l’ «open source». Pour simplifier, disons qu’il s’agit de logiciels gratuits. Autrement dit, les produits de base de RedHat sont téléchargeables gratuitement et n’importe quel programmeur, individu, entreprise ou collectivité, peut les copier, les échanger et même les modifier à sa guise et selon ses besoins. On est donc là dans un modèle à l’opposé de Microsoft. Cela étant, RedHat n’est pas non plus une entité caritative. Cette entreprise gagne de l’argent grâce à l’accompagnement des utilisateurs de ses programmes.

En effet, les clients de RedHat paient, par exemple, des abonnements pour bénéficier de ses services respectifs de programmation, de stockage de données, d’élaboration de solutions de «cloud» (stockage de données hors des installations informatique d’une entreprise) ou même de développement d’outils de sécurité numérique. En 2018, le chiffre d’affaires de RedHat devrait atteindre 3 milliards de dollars (les boursicoteurs noteront donc qu’IBM se paie cet éditeur pour 10 fois son chiffre d’affaires ce qui peut être considéré comme un gros investissement). De même, le bénéfice de RedHat approche les 500 millions de dollars. En clair, la gratuité ça peut payer…

La réaction des analystes quant à cette opération est très mitigée. Il faut dire que l’aura d’IBM a bien pâli depuis que cette entreprise tenait le haut du pavé informatique. Même si elle a réussi à accompagner le boom de l’ordinateur individuel dans les années 1990 et du développement de l’internet, ses positions ont toujours été plutôt défensives, les initiatives et les innovations venant d’ailleurs. Ces dernières années, IBM affirme vouloir mettre le cap sur le développement de l’intelligence artificielle. L’acquisition de RedHat est donc une diversification manifeste. De quoi donner à l’entreprise les moyens d’élargir son offre dans le cloud et le data management (gestion de données).

Péril sur l’open source ?

Les partisans de l’open source, celles et ceux qui dénoncent la mainmise de certaines entreprises, dont Microsoft, sur l’industrie du logiciel, doivent-ils s’inquiéter ? Au stade actuel, on voit mal IBM tuer la poule aux œufs d’or mais on sait aussi que la culture des grandes entreprises transnationales s’accommode mal de la gratuité. Cela vaut aussi pour leurs actionnaires. Dans les années 1990, l’émergence du système d’exploitation Linux, développé grâce à de l’«open source» avait fortement irrité les grands noms de l’informatique traditionnelle. RedHat et sa philosophie ne va peut-être pas disparaître mais nul doute que sa transformation à venir sera suivie de près.