Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Quel impact économique pour l’Arabie ?

par Akram Belkaïd, Paris

Quelles seront les conséquences économiques de l’affaire Kashoggi pour l’Arabie saoudite ? Pour de nombreux observateurs, la réponse à cette question dépend d’abord de l’avenir immédiat et à moyen-terme du prince héritier Mohammed Ben Salman, surnommé «MBS».

Bien que fortement soupçonné d’avoir commandité l’assassinat du journaliste saoudien tué dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, rien ne dit que l’homme fort de la monarchie tombera de son piédestal. Du moins, pas tout de suite. Toutes les réactions officielles saoudiennes le montrent. Les premières mesures prises par Riyad depuis que les autorités de Riyad ont reconnu, après l’avoir niée, la mort de Kashoggi, tendent à montrer que MBS est conforté à son poste. Voire qu’il a obtenu plus de pouvoirs.

Lente normalisation

Mais même s’il reste au sommet du système royal et garde la main sur la politique extérieure du royaume, rien ne dit que MBS va pouvoir continuer à mener tambour battant ses réformes économiques ou, plus exactement, ses projets de réformes. Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que sa position est affaiblie sur le plan international et son crédit largement entamé. Impossible pour lui de se présenter comme le réformateur et le modernisateur du royaume alors que planera sur lui le fantôme de Kashoggi. Bien sûr, le temps va passer et des dirigeants confrontés à la même situation ont su poursuivre leurs chemins. Pensons au roi du Maroc Hassan II après la disparition -jamais élucidée- de son opposant Mehdi Ben Barka en 1965. Pensons aux dirigeants chinois après le massacre de la place Tian’anmen en 1989. MBS va certainement parier sur une lente normalisation des choses.

Sur le plan immédiat, le royaume saoudien subit ce que l’on appelle «la défiance des marchés», autrement dit des investisseurs en Bourse de Djeddah qui retirent leurs billes. En 2015, Riyad avait permis aux non-saoudiens d’acquérir directement des titres sur la place financière saoudienne. Aujourd’hui, les «dégagements» atteignent plus d’un milliard de dollars. Pour les gérants de fonds il est plus prudent de s’éloigner du marché saoudien en attendant que les choses se calment. Par ailleurs, on fera aussi le point en fin de semaine pour savoir quelles sont les personnalités qui ont fait le déplacement pour le «Davos du désert» et quelles sont celles qui ont tenu à être présentes malgré les critiques.

Manque de temps

Gageons qu’il y aura quelques annonces pour démontrer que le bizness continue «as usual», mais cela ne veut rien dire. Les gels d’investissements, les désengagements, tout cela risque de se faire au fil du temps, surtout si les opinions publiques, notamment occidentales, gardent les yeux braqués sur l’Arabie saoudite.

Sur le plan économique ce pays continuera toutefois d’être un marché très recherché en raison de ses importants moyens financiers. Les grandes multinationales ne pourront se permettre d’être absentes d’un immense chantier, surtout si les projets de villes nouvelles et d’infrastructures se matérialisent. Et ne parlons pas des industries de l’armement et de l’aéronautique. Mais il y a fort à parier qu’une période d’entre-deux précèdera. Le temps que les choses se calment. Or, le temps, c’est ce qui manque le plus à MBS.