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Selon un expert: «L'Etat ne subventionne, en aucun cas, le carburant et l'électricité»

par M. Aziza

L'Expert en sécurité sociale, Noureddine Bouderba, jette un pavé dans la mare concernant la politique de subventions de l'Etat. L'expert a affirmé, hier, lors d'une journée d'étude sur « Comment préserver la protection sociale », organiséè par l'Intersyndicale, dans les locaux du Cnapeste, à Alger, « qu'en réalité l'Etat ne subventionne, en aucun cas, le carburant et l'électricité ». Devant une salle regroupant des syndicalistes, notamment, du secteur de l'Education et ceux de la Santé, ainsi que des représentants de partis politiques, entre autres le PT et le FFS et de groupes parlementaires, M. Bouderba a expliqué à l'assistance que cette histoire des subventions accordées par l'Etat, c'est de la poudre aux yeux, basée en fait sur des « contre-vérités ». Il décortique, lors de son intervention, en précisant que pour priver les Algériens de l'énergie, les pouvoirs publics, ont depuis 2015, doublé le prix des carburants et augmenté les prix de l'électricité, sous prétexte que les subventions énergétiques coûtent, très cher, à l'Etat. Mais, dit-il, en réalité «l'Etat ne subventionne, en aucun cas, les carburants et l'électricité qui sont vendus sur le marché national à des prix inférieurs à leurs coûts de revient. Il argumente en précisant que le prix de revient de l'essence est de 30 DA le litre alors que le prix de vente est fixé à 42 DA le litre ». Il dira que pour le FMI et les experts à leur service « la supercherie consiste à calculer les subventions » non pas comme étant le référentiel entre leur coût de revient et leur prix de vente, mais ce dernier et le « prix international ». Pour Bouderba, il est curieux que ces mêmes experts continuent à nous servir des montants des subventions énergétiques publiés par le FMI, en 2015, faisant mine d'oublier qu'en 2018, non seulement le prix à la pompe des carburants a doublé, par rapport à 2015, mais aussi le prix dit international a baissé.

Selon l'expert, il n'y a pas, en fait, de consensus international autour des politiques de subventions énergétiques, ni même sur leur définition. Ainsi, affirme-t-il, les institutions au service des multinationales (FMI, IEA, OCDE, Banque mondiale) considèrent qu'est subvention « tout ce qui ne conduit pas les agents producteurs de combustibles à recevoir l'entièreté de la rente qui se fixe par rapport au prix international, pour les énergies exportables», ce que contestent les économistes des pays exportateurs et de l'OPEP, précise Bouderba.

L'expert a critiqué, sévèrement, ceux qui font l'éloge à l'expérience iranienne sur la question « de réforme des subventions », en prétendant que cette expérience est une réussite à suivre par l'Algérie. Sur l'expérience iranienne, l'expert Bouderba dira que c'est « une autre supercherie » contraire à la vérité, puisque estime-t-il, « cette expérience a été un véritable échec qui avait poussé le parlement, fin 2010, à mettre fin, à cette réforme au vu de l'inflation des prix qu'elle a générée. Pourtant dit-il, « on ne peut même pas se comparer l'Iran, où au final 75% des Iraniens continuent à percevoir l'aide compensatoire distribuée mais de plus les prix restent à ce jour subventionnés. Alors que chez nous l'aide compensatoire doit toucher seulement 20 % de la population, tout en ignorant que la classe moyenne, en Algérie, est en voie de disparition ».

L'expert enfonce le clou en précisant que pour preuve «aujourd'hui, 13 octobre 2018, le prix du litre d'essence à la pompe représente 34 DA/L, en Iran, contre 42 DA/L en Algérie. Le litre du diesel, le carburant le plus utilisé aussi bien en Algérie qu'en Iran coûte 23 DA en Algérie contre 8 DA, en Iran » . Et de souligner que le SMIC iranien représente 2 fois le SNMG algérien. L'expert trouve curieux le fait que les « anti-subventions » concentrent leurs attaques sur « les subventions énergétiques » pour lesquelles l'Etat ne débourse aucun centime du Trésor, mais ne disent plus un mot, depuis 2015, sur « les subventions fiscales, exonérations et réductions sous formes de cadeaux fiscaux, qui en 2014, se sont élevées, selon les estimations du ministère des Finances, à 14 milliards de dollars ».

Quand les pauvres paient pour les riches !      

Les salaires en Algérie, regrette l'expert en Affaires sociales, sont très bas et ne représentent que 28% du PIB contre 50 % voire 75 % pour les pays développés. Par ailleurs, précise-t-il , et ce n'est un secret pour personne, l'impôt sur le revenu des salaires, a, depuis 2011, dépassé l'impôt sur les sociétés et en représente 170 %, aujourd'hui.

L'expert regrette que « l'on annonce une politique de ciblage vers l'extrême pauvreté des subventions dont la finalité est les amoindrir en volume au profit des entrepreneurs ». Pourtant dit-il, la totalité des dépenses des transferts sociaux et de la Sécurité sociale représentent, à peine 14% du PIB, contre plus de 22 % en moyenne, dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Et de souligner, avec amertume, au même titre que l'ensemble des syndicalistes, le fait que notre pays se prépare à supprimer le soutien aux produits alimentaires de large consommation qui représente, à peine 0,88% du PIB, contre 1,9% en Tunisie. Alors dit-il, que le montant annuel des surfacturations des importations a été évalué, par le ministre en fonction, à 18 milliards de dollars, ce qui représente, à lui seul, 8 fois le montant des subventions. Et d'ajouter: «si l'on ajoute les impôts non recouvrés, estimés par la Cour des Comptes à 120 milliards de dollars, on aura, avec les économies d'une année, de quoi financer plus de 60 ans de subventions alimentaires». Bouderba dira que le gouvernement œuvre pour que la subvention aille, directement, dans les comptes des catégories sociales démunies «mais nous savons, tous, que le recensement de ces catégories est impossible», dira-t-il. Et de s'interroger: «comment notre Administration qui n'a pas pu recenser les 5% des riches en Algérie (ceux qui doivent payer l'impôt sur la fortune), sachant que les signes extérieurs de richesse sont identifiables, arrivera-t-elle à recenser les pauvres, notamment, les 50 % qui travaillent dans l'économie informelle et ceux qui ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale? »