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Une croissance peu partagée

par Akram Belkaïd, Paris

C’est à la fois un rendez-vous convenu et incontournable. Les réunions annuelles du Fonds monétaire international (FMI) se tiennent cette semaine à Bali en Indonésie.

L’occasion, pour le grand argentier, de faire connaître son sentiment sur l’état de l’économie mondiale et d’avancer ses prévisions en matière de croissance du Produit intérieur brut (PIB). Pour ne citer qu’un chiffre, on relèvera que la progression du PIB planétaire est attendue à 3,7% en 2018 mais aussi pour 2019. Une performance honorable mais qui, dans la réalité, ne veut pas dire grand-chose tant sont grandes les disparités entre pays.

Craintes du FMI

Dans les documents produits pour l’occasion de ce grand raout, il y a les éléments attendus qui ne surprendront personne. Le FMI s’inquiète ainsi de la guerre commerciale qui oppose actuellement les Etats-Unis et la Chine et dont la conséquence est l’augmentation de taxes pour près de 500 milliards de dollars de marchandises échangées entre les deux puissances. Le Fonds se dit assez inquiet sur l’impact à long terme d’un bras de fer qu’il qualifie d’« ombre au tableau » pour la santé de l’économie globale. Selon l’institution, c’est la Chine qui devrait perdre le plus de cette bagarre mais les Etats-Unis et certaines de leurs industries et fournisseurs, on pense notamment à l’automobile, devraient aussi être pénalisés.

Le FMI n’oublie pas non plus les conséquences possibles de l’actuelle crise des devises de pays émergents. Par le passé, le Fonds a été accusé de ne pas avoir vu venir certaines crises financières en provenance des pays du Sud. Ce fut le cas avec le Mexique au milieu des années 1990 mais aussi de l’Argentine au début des années 2000 et, bien entendu, de la fameuse crise asiatique des années 1990.

Cette fois, le FMI se dit inquiet des coups de boutoir provoqués par la hausse du dollar américain par rapport à des devises émergentes.

L’institution ne va pas jusqu’à critiquer la politique monétaire américaine et l’augmentation des taux d’intérêt décidée par la Réserve fédérale mais il faut savoir lire ses documents entre les lignes. Pour résumer, le FMI n’est pas opposé à une concertation en matière de gestion des taux. Un vœu pieu car on voit mal Washington demander leur avis à la Turquie, l’Indonésie ou le Brésil avant d’augmenter ses taux.

Moins de synchronisation

L’un des éléments intéressants concernant le diagnostic du FMI concerne les disparités en matière de création de croissance. Il faut se souvenir qu’il y a encore quelques années, on parlait beaucoup de couplage -ou de découplage- de l’économie mondiale. Deux camps étaient opposés au sein des économistes : les uns estimaient que la croissance économique est un jeu à somme nulle et que donc il ne peut pas y avoir que des gagnants. Les autres assuraient que la mondialisation étant un jeu « gagnant-gagnant », cela mènerait à terme à une croissance plus généralisée et profitable à tous. Aujourd’hui, la tendance donne raison aux premiers.

Le FMI reconnaît qu’il y a moins de « synchronisation » en matière de croissance mondiale et que, surtout, il y a « moins de participants » à la création de valeur ajoutée. En somme, le thème central de l’inégalité revient en force et il ne concerne pas que les ménages. Dans un monde où le taux de croissance frôle les 4%, peu de pays en réalité profitent de cette dynamique. Et cela n’est certainement pas une bonne nouvelle.