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Trump déclare la guerre (commerciale) à la Chine

par Akram Belkaïd, Paris

Ce ne sont plus de simples escarmouches comme les relations économiques en connaissent souvent. C’est déjà une escalade vers une guerre commerciale totale qui oppose les Etats-Unis et la Chine. En juillet dernier, le président américain Donald Trump avait déjà décidé d’imposer une taxe de 25% sur près de 50 milliards d’importations en provenance de l’empire du Milieu. À l’époque, Pékin avait répliqué par des mesures similaires ce qui n’a pas dissuadé le locataire de la Maison-Blanche de récidiver cette semaine.

Stratégie électorale ?

Donald Trump vient ainsi de décider d’imposer une nouvelle taxation de 10% sur 200 milliards de dollars d’importations de produits chinois. Et si ses exigences ne sont pas satisfaites, la taxe passera à 25% à la fin de l’année. Mieux, Trump met en garde les Chinois contre toute mesure de rétorsion. En clair, je vous taxe et gare à vous si vous me taxez…De leur côté, les officiels chinois ont fait savoir qu’ils étaient certes disposés à négocier mais pas «avec un revolver collé à leur tempe». En clair, ils continueront de répondre aux taxes américaines et Pékin n’entend pas faire machine arrière. Le bras de fer continue…

Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la détermination du président américain. Avant lui, George W. Bush et même Barack Obama avaient critiqué les avantages indus des exportateurs chinois. Le thème de la faiblesse du yuan (qui favoriserait les exportations chinoises) est traité en permanence depuis au moins quinze ans. Qu’il s’agisse du Congrès, de la Maison-Blanche ou du Département du Trésor, les mises en garde et les menaces adressées à Pékin ont été légion. Mais c’est la première fois que les Etats-Unis vont si loin.

De manière immédiate, Trump rogne sur le pouvoir d’achat de ses concitoyens habitués à consommer le «made in China» bon marché. Il se met aussi à dos les milieux d’affaires qui craignent que la bagarre commerciale avec la Chine n’aille trop loin et qu’elle pénalise durablement l’activité économique. Mais, à moins de deux mois des élections de mi-mandat, le président américain incarne le mouvement d’une Amérique sûre d’elle-même sur le plan international et sa capacité à contrer réellement le rival chinois. Trump calmera-t-il le jeu après le scrutin ? Rien n’est moins sûr, d’autant qu’il a promis de nouvelles taxes pour janvier prochain. Il faut dire qu’il a du champ. Les exportations chinoises vers les Etats-Unis atteignent 500 milliards de dollars (130 milliards de dollars pour les ventes américaines sur le marché chinois). Pour l’heure, seule la moitié est concernée par les nouvelles taxes.

Long terme

Donald Trump est habitué à négocier des «deals» d’affaires et sa réputation de dureté l’a toujours précédé. Il sera intéressant de voir ce que ce «savoir-faire» va donner en matière de relations internationales. Pour l’heure, le président américain s’est surtout illustré par des décisions de rupture (sortie de l’accord sur le climat, fin de l’accord sur le nucléaire iranien, remise en cause du traité de libre-échange d’Amérique du Nord).

 A chaque fois, ces décisions ont créé le vide car, pour l’heure, le bilan de Trump en matière de réalisations et de solutions de remplacement est pour le moins modeste. Les officiels chinois l’ont bien compris et semblent s’inscrire dans le long terme. En 2020, Donald Trump pourrait perdre sa réélection et même s’il l’emporte, il ne pourra faire qu’un seul mandat supplémentaire. La croissance chinoise, elle, s’inscrit dans une perspective de bien plus long terme…