Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

«Mémoires au soleil», nouveau roman d'Azouz Begag: À la recherche des racines perdues

par Tawfiq Belfadel*

Après un roman d'autofiction «La voix de son maître» (lire la recension : http://www.lacauselitteraire.fr/la-voix-de-son-maitre-azouz-begag), Azouz Begag publie son dernier roman Mémoires au soleil.

Dès les premières pages, l'auteur montre que le roman est autobiographique. Il abolit donc toute frontière entre lui et son lecteur. Utilisant son vrai nom, le personnage-narrateur est bel et bien Azouz Begag. Le roman relate les fugues du père, Bouzid, atteint d'Alzheimer. La mémoire effacée, celui-ci se dirige vers l'autoroute qui mène à la Méditerranée. Bouzid «a répété qu'il voulait retourner dans son village natal pour revoir ses parents et qu'un bateau l'attendait au port, le Ville de Marseille» (p.36).

Azouz recherche son père évadé, l'accompagne dans les rues de Lyon, et tente de réanimer quelques pans de sa mémoire effacée. Souvent, il l'accompagne au Café du Soleil où Bouzid retrouve ses amis. Ici, ils partagent avec complicité les mêmes peines : la solitude, la nostalgie et l'exil.

La situation du père pousse le narrateur à fouiller ses racines. «L'ignorance de mes racines m'empêchait de grandir.

Né à Lyon, j'étais un Français des branches, certes, mais j'avais besoin de connaître mes souches africaines», dit-il (p. 17). Il peint alors ses voyages en Algérie à la poursuite des racines et décrit ses amples recherches sur le secret des noms. Bref, il se cherche en exploitant toutes les sources identitaires possibles.

Ainsi, Azouz fait balancer le lecteur entre son père et sa propre quête identitaire. Le père Bouzid réalisera-t-il son rêve de retourner en Algérie, au soleil ? Le fils Azouz achèvera-t-il jusqu'au bout sa quête identitaire malgré la découverte tardive d'une ambiguïté sur le nom du père ?

L'auteur, comme dans les précédents romans, met la lumière sur un thème qui l'obsède. Un thème qui est devenu son mythe personnel. C'est celui du père qui est très récurrent, voire sacré dans la littérature d'Azouz Begag. La mère se fait rare dans ce roman, presque absente. Le thème du père est consubstantiel à d'autres thèmes prépondérants : l'identité, l'immigration, l'exil, l'Algérie?Autrement dit, il s'agit de divers thèmes qui mènent tous vers le père. «Il s'est sacrifié pour m'ouvrir un avenir et me donner un nom propre» (p.144).

L'écriture est limpide, mêlant délices et douleurs. L'humour est omniprésent, notamment grâce aux noms des personnages : Amor Plastic, Lunettes Noires, Chibani Avachi, Miloud Météo?Le roman est dédié à son père Bouzid, à sa mère Messouda et à son frère Nabil, qui reposent tous en paix sous la terre d'Algérie, au Soleil.

Ce roman autobiographique constitue une suite pour Le Gone Du Chaâba. Mémoires au soleil répond à cette question : que sont devenus les Begag de la Chaâba après des années d'exil ?

Il constitue aussi un corpus propice pour les chercheurs en onomastique (étude des noms propres). Azouz Begag essaie de décrypter son nom et ceux de son entourage, pour mieux découvrir ses racines et les mystères de son identité.

Mémoires au soleil est un hommage poignant au père, une quête identitaire, et un pont entre l'Algérie et la France. Enfin, c'est un roman contre l'oubli.

L'auteur : Né en 1957 à Lyon de parents algériens, Azouz Begag est un écrivain, homme politique et chercheur. Parolier et scénariste pour la télévision, il a été ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances. Il a été aussi nommé Chevalier de l'Ordre National du Mérite et de la Légion d'Honneur. Son roman Le Gone du Chaâba a eu un succès mondial et a été adapté au cinéma.

«Mémoires au soleil», Azouz Begag, Ed. Seuil, 2018, 192 p.

*écrivain-chroniqueur